Flying Colors
28/10/2012
Le Trianon - Paris
Par Martial Briclot
Photos: Nicolas Rueda-Ruiz
Site du groupe : www.flyingcolorsmusic.com
Setlist :
Blue Ocean / Shoulda Coulda Woulda / Love Is What I'm Waiting For / Can't Find a Way (Endochine cover) / The Storm / Odyssey (Dixie Dregs cover) / Forever in a Daze / Hallelujah (Leonard Cohen cover) / Better Than Walking Away / Kayla / Fool In My Heart / Repentance (Dream Theater cover) / June (Spock’s Beard cover) / All Falls Down / Everything Changes // Rappel : Infinite FireSi sur le papier Flying Colors avait tout du super-groupe progressif dans la lignée de Transatlantic, l’écoute de l’album en avait déconcerté plus d’un. Cherchant plus ou moins adroitement un terrain d’entente entre progressif et pop, cette brochette de talents n’est finalement jamais réellement parvenue à affirmer son identité musicale.
Mais quelle que soit l’opinion que l’on peut en avoir sur disque, il était évident que la perspective de voir de tels musiciens fouler une même scène allait en allécher plus d’un. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos espérances furent ce soir là parfaitement comblées.
Un concert au Trianon était l’assurance d’une qualité sonore quasi optimale, la possibilité d’offrir à Flying Colors un écrin épousant parfaitement les contours de son casting quatre étoiles. Mais qui dit Trianon, dit prix des places en conséquence, et c’est bien là que le bât blesse. Les fervents admirateurs étaient présents, mais les curieux furent obligés de passer leur chemin, ne permettant pas à la salle d’être comble.
C’est aux éternels espoirs de Beardfish que revient la tâche d’activer nos neurones, un choix finalement peu surprenant de première partie, résolument ancrée au sein du genre progressif. Et de prog il en est très rapidement question, le groupe démarrant son set par la longue intro instrumentale de « And the stone said « If I could speak ». Un choix ambitieux pour un morceau pas forcément accessible à qui découvrirait ce soir la formation héritière de Yes et Genesis. Le public semble ne pas s’en formaliser et apprécie à sa juste valeur la performance. Assis derrière ses claviers, Rikard Sjöblom, le meneur de la bande, n’est pas un modèle de communication. Mais il laisse ainsi la place à son étonnant bassiste à chaussettes qui se déplace en glissades et autres cabrioles du plus bel effet. Si on regrette parfois son manque de justesse dans les aiguës, le leader sait se faire pardonner et vient régulièrement taquiner la six cordes de fort belle manière. Étonnamment, The Void, le nouvel album, et son orientation musicale plus directe n’est évoqué qu’en fin de set, à l’occasion d’un furieux « Voluntary Slavery ».
A en juger par les tee-shirts qui parsèment la foule, il est évident que Mike Portnoy et Neal Morse ont fédéré la majorité du public présent, et celui-ci entend bien le faire comprendre. Le volume monte d’un bon cran, l’assistance se compacte tant bien que mal et Flying Colors fait enfin son entrée sur scène, avec la ferme intention de réciter son premier album dans sa totalité tout en nous offrant quelques surprises de son cru.
On apprécie instantanément la qualité du mix, le son étant limpide, même au second balcon et l’on s’installe alors confortablement pour deux heures de plaisir. L’hétérogénéité de l’album permet de passer sans complexe d’un puissant hard bluesy (« Shoulda Coulda Woulda ») convenant parfaitement au jeu de Steve Morse à un « Love is what I’m waiting for » aux accents totalement pop, à mi-chemin entre Queen et les Fab Four. Là où le cocktail peut étonner sur disque, il prend une tournure ludique sur scène où l’ennui n’a plus une seule seconde pour s’installer. Le show s’avère dans un premier temps quelque peu déconcertant, chacun donnant le meilleur de lui-même dans les quelques mètres carrés qui lui sont alloués, puis la complicité de Neal Morse et Mike Portnoy reprend le dessus. Steve Morse semble quant à lui apprécier la compagnie du chanteur Casey McPherson mais ne se rapprochera que plus rarement de Dave LaRue, impérial d’un bout à l’autre de la soirée.
C’est sans grande surprise mais avec un plaisir certain que l’on accueille les diverses reprises, chaque membre ayant ses dix minutes de gloire attitrées. Si Casey vient pour la première fois de sa vie défendre son groupe Endochine sur une scène parisienne, c’est le classique « Hallelujah » qui permettra de balayer d’éventuels doutes. Avec cette reprise fidèle à la version de Jeff Buckley, le petit protégé de Portnoy affirme son statut d’excellent chanteur à l’aise dans bien des registres, et tire sans mal son épingle du jeu face aux mastodontes du progressif.
On pourra trouver triste que l’accueil le plus chaleureux de la soirée soit fait à la reprise du finalement peu extraordinaire « Repentance » de Dream Theater, morceau possédant le double intérêt de permettre à Portnoy de pousser la chansonnette (exercice qu’il reproduira sur « Fool in my heart ») tout en offrant un morceau inédit en live, l’ex-groupe du batteur n’ayant jamais eu l’occasion de l’interpréter par le passé. Moins rare mais plus efficace et intimiste, c’est « June » de Spock’s Beard qui se révèle être le point d’orgue de la soirée, les membres se réunissant en toute simplicité face au public pour interpréter ce tube à plusieurs voix, l’occasion de faire preuve d’une complicité visiblement non feinte.
Une poignée de morceaux plus tard, les cinq compères tirent leur révérence sur le très Neal Morsien « Infinite Fire », plus longue pièce de leur album éponyme, et visiblement une des plus appréciée par l’assistance. C’est ainsi que se clôt un show aux allures de best-of, dépeignant soigneusement les univers de ses diverses composantes en offrant finalement tout ce dont le public pouvait espérer, ni plus, ni moins. Et si une chose est certaine après cette folle soirée, c’est que sur scène, Flying Colors a finalement choisi son camp, celui du rock progressif de haut vol. Si nous ne savons pas ce que l’avenir réserve à la formation américaine, nous ne pouvons qu’espérer que cela puisse se traduire par un second album plus ambitieux, à la hauteur de la performance live déployée.