Periphery – Somme toute personnel
Après un premier album qui les a fait exploser à la face du monde comme représentants incontestés de la vague djent, Periphery revient avec un nouvel album studio Periphery II : This time it’s personal. Rencontre avec Adam “Nolly” Getgood, auparavant guitariste suppléant et récemment devenu bassiste permanent après quelques mois d’instabilité de la formation.
Chromatique : Pour commencer, pourrais-tu nous parler un peu de la tournée avec Dream Theater ? Etait-ce à vos yeux une étape décisive vers la gloire et la renommée ?
Adam Getgood : Nous avons vécu une expérience incroyable ! Cela a été extraordinaire, ne serait-ce que de voir comment fonctionne une tournée d’envergure. L’équipe entière était l’exacte définition du professionnalisme, et le groupe lui-même était adorable, en plus d’être évidemment composé de musiciens fantastiques.
A ce stade de votre carrière, que pensez-vous avoir à améliorer, en terme de performance live ?
Il y a toujours tant de choses à améliorer ! Je pense qu’il faut simplement dans un premier temps parfaire le niveau global de nos prestations scéniques si l’on veut réellement passer un cap. Nous nous sommes récemment équipés de retours in-ear ; cela nous a fait faire un bond énorme en terme d’aisance et d’écoute sur scène.
Le public de Dream Theater est connu pour être assez conservateur. Avez-vous été satisfaits de son accueil ?
Pour tout avouer nous nous attendions au pire, mais nous avons été agréablement surpris de constater qu’il était bien plus réceptif que ce que nous imaginions ! Comme tu dis, les fans de prog metal à l’ancienne ne sont pas réputés pour être les plus expressifs en concert, mais nous avons quand même passé de très bons moments, surtout en France et en Espagne, vous avez été excellents !
En quoi ce second album est-il à présent “personnel”? Et plus sérieusement, quelle est la signification de son titre ?
(Rires) En fait, ça n’est que du second degré, vu que nous ne sommes pas vraiment sérieux comme gars. On s’est dit que ça serait drôle de faire référence à ces mauvaises suites de films d’action… On a aussi pensé à « Periphery II : Cruise Control » (Ndlr : référence à l’exécrable « Speed 2 : Cap sur le danger ») et pas mal d’autres… Tu vois le genre !
Avec ce disque vous semblez avoir délivré un son plus accessible, plus mélodique par certains aspects. Etait-ce voulu ? Souhaitiez-vous consciemment vous ouvrir à un public plus large ?
Je vois où tu veux en venir, mais nous avons juste fait la musique que nous voulions faire. Ca n’était pas un plan marketing. Je suppose que le son plus mélodique vient principalement de Spencer, qui a pu s’investir plus personnellement sur les morceaux qu’il ne l’avait fait sur l’album précédent. Il a le chic pour composer des lignes mélodiques accrocheuses, même sur les parties les plus obscures et techniques, donc je pense que c’est à cela que tu fais référence.
Misha Mansoor était le compositeur principal du premier album et il semble que le processus de composition se soit sensiblement ouvert sur le deuxième. Est-ce venu naturellement ?
Cela a été une progression tout-à-fait naturelle. Misha a toujours voulu que tout le groupe s’implique dans le processus d’écriture et cette fois-ci ce fut un réel effort collectif. Mark et Jake ont tous deux écrit des morceaux en quasi-totalité, ainsi que Spencer avec « Facepalm Mute ».
Misha a admis en interview ne rien y connaître en théorie musicale. A quel point cela est-il vrai ? Comment parvenez-vous alors à communiquer entre vous au sujet des arrangements, mélodies, harmonies alors que tous ces points laissent à penser, à l’écoute de votre musique, que vous êtes plutôt spécialistes de ces domaines?
Il est clair que sur le plan des mélodies Misha préfère ce qui sonne bien à ses oreilles plutôt que la théorie, bien qu’en tant que batteur il ait une bonne connaissance de la rythmique. La musique que nous écrivons est surtout issue de jams plutôt que composée selon une perspective théorique. Je m’y connais un peu en théorie, mais lorsque j’écris des riffs j’essaie de la mettre de côté et je laisse mon oreille me guider.
Peux-tu nous parler un peu des invités sur l’album ? Comment ces opportunités vous sont-elles apparues ?
Nous sommes extrêmement chanceux que certains de nos guitaristes favoris aient contribué aux solos. Il y a notamment Wes Hauch, de The Faceless qui nous en a offert un sur « Mile Zero ». C’est un ami de longue date et un musicien impressionnant, il était donc presque évident qu’il se retrouve sur l’album. John Petrucci nous a fait la faveur d’enregistrer pour l’intro de « Erised » alors que nous étions en tournée avec Dream Theater. Un rêve devenu réalité ! Enfin, dernier mais pas des moindres, Guthrie Govan a enregistré sur « Have A Blast ». Nous plaisantions sur le fait qu’il serait incroyable de l’avoir sur l’album, avant que notre ami Jan du management arrive à l’obtenir. On n’y a pas cru quand on nous l’a annoncé !
Un des meilleurs aspects des technologies modernes d’enregistrement, c’est que beaucoup de choses peuvent se faire à distance. Wes et Guthrie ont tous deux enregistré leurs solos et nous ont envoyé les fichiers bruts à intégrer aux mix.
Plusieurs morceaux de l’album sont nommés en référence à des épées de Final Fantasy. Est-ce volontaire ?
Nous sommes tous de grands geeks de jeux videos oui (Rires) ! Ceci dit, les trois titres font référence à des symboles en dehors de Final Fantasy que nous aprécions également. Muramasa et Masamune étaient de grands maîtres de forge japonais, et le Ragnarok décrit l’apocalypse dans la mythologie nordique.
Question à la fois simple et vaste : au-delà de l’évidente complexité de votre musique, vous définiriez-vous comme progressifs ?
Nous aimons nous appliquer le terme « progressif » parce que nous aimons incorporer à notre musique des influences provenant de quasiment tous les genres. Et cette étiquette nous évite d’être catalogués entièrement dans un de ces styles.
Vous allez sortir d’ici quelques mois le double album concept Juggernaut. A quoi doit-on s’attendre ?
Cela sera toujours du Periphery, mais plus que jamais nous allons expérimenter différents sons et textures afin de coller à la trame de l’histoire. Vous pouvez vous attendre à des parties parmi les plus lourdes et aggressives, mais aussi mélodiques, que nous ayons jamais écrites. Nous ne dévoilerons pas les détails de la trame avant que la date de sortie n’approche, mais elle n’est pas très éloignée du concept derrière les paroles de « Jetpack Was Yes ».
Quelle est ton opinion vis-à-vis de la « vague djent » et la masse de groupes inintéressants qui vous ont suivi en copiant simplement les codes du genre, sans ajouter leur touche personnelle ?
On ne se préoccupe pas vraiment de cela. Nous écrivons juste la musique que nous souhaitons écrire, et avec un peu de chance, lorsque la vague s’essouflera, nous serons toujours présents.
En cette saison de festivals, pourquoi d’après toi y a-t-il si peu de groupes « techniques » de la « nouvelle vague » sur ces évènements ?
C’est bizarre, je dirais plutôt le contraire ! Il me semble qu’il y a pas mal de nouveaux groupes qui réussissent à tracer leur route dans le circuit des festivals, mais la scène est jeune, donc c’est sûr qu’ils vont mettre du temps avant d’atteindre les scènes principales.
Pour conclure, comment t’y prendrais-tu pour convaincre un fan de prog à l’ancienne d’écouter votre album ?
Ouh là, celle-là, elle est difficile (Rires) ! Du chocolat ? Les fans de prog seventies aiment sans doute le chocolat n’est-ce pas ?
Interview réalisée avec l’aide de Louis Godart