Primus

17/04/2012

Le Zénith - Paris

Par Florent Canepa

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.primusville.com

Setlist :

Set 1 : Classical Intro / To Defy the Laws of Tradition / Golden Boy / Wynona's Big Brown / Beaver / American Life / Over the Falls / Seas of Cheese / Mr. Krinkle / Harold of the Rocks / Interlude (Popeye's cartoons)

Set 2 : Prelude to a Crawl / Hennepin Crawler / Last Salmon Man / Eternal Consumption Engine / Tragedy's a' Comin' / Eyes of the Squirrel / Jilly's on Smack / Lee Van Cleef / Moron TV / Green Ranger / HOINFODAMAN / Extinction Burst / Salmon Men

Rappels : My Name Is Mud / Jerry Was A Race Car Driver

Le grand cirque Primus est de retour dans la capitale. Comme un sursaut d’orgueil, le groupe a cette fois-ci décidé de fouler la scène du grand Zénith, plutôt que celle de la plus humble Cigale. Retour sur un concert paradoxalement un peu froid, pas si fou, mais très bien rodé.

Deux astronautes géants toisent ce soir là le public venu se rassembler pour rendre hommage à la bête curieuse de San Francisco. Rassembler, le terme est un peu fort tant la grande salle parisienne semble désespérément démesurée à la vue des assises vides et de la fosse sous peuplée. On se dit alors que, même si Primus a conquis un public, mêlant fans de fusion-métal dans les années quatre-vingt-dix et musiciens admiratifs de la légende Les Claypool, celui-ci trouve finalement sa place dans des enceintes plus modestes.

Surtout que ce soir, il ne faut pas être en retard, c’est Primus qui ouvrira pour Primus ! Les Américains ont en effet décidé d’offrir deux sets distincts. Le premier est consacré à la visite de l’étrange univers de Les et sa bande, dans tous ses recoins discographiques. Le public se réveille et commence à se densifier, un peu, sur « Winona’s big brown beaver », la vidéo jouant le premier degré de rigueur, avec montage d’images de castors à la clé, et non de la fameuse actrice, bien sûr. La basse claque, l’énergie fonctionne et le spectacle est là. En effet, et ce pendant tout le concert, l’écran géant nous gratifiera de petits montages de films légèrement épileptiques et hautement sympathiques, accompagnant à merveille l’hypnose proposée.

Les Claypool offre son énergie animale à la basse, mais aussi à la contrebasse électrique, apparaissant sur scène dans la peau ou plutôt le masque de cochon que les fans du groupe connaissent bien. L’effet est réussi et offre à voir ce cirque bizarre, ce monstre unique que l’on attend. Car du bassiste leader, on attend principalement cela, étant donné le niveau faible de communication concrète. Il faudra en effet laisser passer trois quarts d’heure pour que l’homme s’adresse vraiment au public. L’introversion se retrouve même dans des dos au public réguliers : on a bien affaire à un groupe indépendant qui jamme, pas un géant qui allume les stades. Le contrat est pourtant rempli : ce mélange de musique qui allie technicité de Berklee et ritournelles dixie pour rednecks élevés à la bière parvient à établir ce contraste si étrange qui intrigue depuis les débuts de la formation. Les passages stellaires y sont puissants mais inégaux, les énergies metal toujours à propos avec ces mains qui claquent une basse vrombissante. En mode archet pour un opéra cosmique ou en mode telecaster hurlante, pas de souci, tout le monde assure.

La deuxième partie propose, pour sa part, le dernier album du groupe dans son intégralité. Pour ceux qui l’auraient manqué, c’est donc la possibilité de découvrir sur scène Green Naugahyde, sorti en septembre dernier. Un album de retour, si on veut, tant la transition est fluide entre les deux parties du concert, le seul Popeye, à travers quelques animations d’un autre âge, nous ayant fait patienter. La salle est déjà beaucoup moins vide, cela fait plaisir pour le tourneur qui a dû mettre un dernier coup de collier. Car c’est un peu le prix à payer d’une musique parfois trop étrange pour recruter massivement mais pas assez folle non plus pour attirer les grands chercheurs d’émotions fortes. Du moins, pas tout le temps. C’est donc un spectacle global, plutôt réussi, qu’il faudra apprécier. Souvent, cela fonctionne et on est véritablement au pays de Charles Dickens déglingos, dans lequel Barry Adamson incarnerait une figure sobre. Le catalogue des kitscheries visuelles proposé invoque la nostalgie : profitez donc d’une projection d’un épisode des Thunderbirds, en mode marionnettes répétitives, venez rejouer au western avec le moustachu Lee Van Cleef ! Tout cela vient donner du mordant à un groupe finalement sobre dans son attitude.

Après retour aux sources en épilogue, le public repart heureux d’avoir pu sautiller sur « My name is mud ». La mer de fromage est bien passée par là, le porc aime toujours le soda, tout ce petit monde a fait son possible, dans un (trop ?) grand lieu, pour remuer ce mardi soir-là. Souvent avec succès, mais sans proposer et ce, pour chaque morceau, la dose nécessaire d’excès. Deux heures et demie de folie douce, si on veut.