Fates Warning

03/04/2012

Nouveau Casino - Paris

Par Martial Briclot

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.fateswarning.com

Setlist :

One / Life In Still Water / A Pleasant Shade Of Gray, Part III / Outside Looking In / Down to the Wire / Heal Me / Still Remains / Another Perfect Day / The Ivory Gate Of Dreams : IV. Quietus / A Pleasant Shade Of Gray, Part XI / The Eleventh Hour / Point Of View / Through Different Eyes / Monument // Rappel : Eye To Eye

Inespérée. C’est probablement le terme le plus approprié pour qualifier cette soirée au Nouveau Casino. Après le régal offert par Shadow Gallery, autre formation culte du metal prog rarement adepte de la scène, Fates Warning nous fait l’honneur de sa présence après dix-sept années à jouer les Arlésiennes. Rares sont les témoins de leur première partie pour Dream Theater encore vivants mais, cette fois-ci, malgré les diverses embûches qui parsemèrent cette journée, nous pourrons finalement le dire : nous y étions.

Et nous n’étions pas bien nombreux. A peine une centaine d’adeptes ont su braver les intempéries et ne pas céder aux sirènes de la pyrotechnie germanique (avoir Rammstein face à soi le même soir n’a jamais aidé, bien que les styles ne soient pas réellement comparables) pour remplir timidement les premiers rangs d’une salle qui ne demandait pourtant qu’à suffoquer de monde. Les dieux du prog ayant probablement décidé qu’ils avaient mieux à faire, la journée fut parsemée de contrariétés du même ordre, en commençant par une coupure d’électricité dans l’après-midi qui a affecté considérablement l’organisation générale. Une hospitalisation du batteur de Conscience a chamboulé également nos attentes puisque Beyond the Pain assure la première partie au pied levé avec son Death metal technique et progressif. On sent le public légèrement surpris par cette avalanche de growls mais le groupe remporte l’adhésion du plus grand nombre grâce à son énergie et sa bonne humeur franchement communicatives. Certes, le chanteur montre quelques faiblesses en voix claire, certes, la mise en place est loin d’être parfaite (on ressent par instant la souffrance du batteur), mais la salle est chauffée, le contrat rempli. Au rayon des curiosités, ils nous auront proposé une reprise issue du dernier album de Moonspell. Et s’il était assez improbable de croiser quelques notes des Portuguais ce soir là, le plaisir de la surprise n’en est que plus important.

C’est dans l’humilité et la simplicité la plus totale que Fates Warning investit les planches. Point de pose héroïque ou d’intro. grandiloquente, le mot d’ordre est à l’efficacité. Jim Matheos, un bonnet vissé sur le crâne, peine à décrocher un sourire à l’assistance mais s’applique à reproduire ses performances guitaristiques à la note près. Difficile de déterminer s’il s’agit de timidité, de déception face à un public peu nombreux ou de tension nerveuse suite aux problèmes techniques, toujours est-il qu’on pouvait l’imaginer plus communicatif. La section rythmique est assurée par le dynamique bassiste Joey Vera (Armored Saint), mais également par le très attendu Bobby Jarzombek (batteur pour Spastic Ink, Riot), qui se trouve scandaleusement privé d’éclairage, ne nous laissant que nos oreilles pour nous satisfaire de sa performance. Frustrant.

Mais l’inconnue de la soirée reste véritablement la voix de Ray Alder. Qu’en est-il de ses aiguës, de sa puissance ? Assure-t-il comme au premier jour, ou souffre-t-il également du syndrome dit « de la crevette avariée » (dédicace à James Labrie)? Eh bien, si l’on excepte quelques effets lui servant par moment de béquille pour simuler une puissance hors du commun, il conserve une justesse et un coffre très satisfaisants, lui permettant de brasser large au sein de la discographie du groupe, de FWX à No Exit. Son jeu de scène assez particulier, entre nonchalance et conviction, souvent énergique, a tôt fait de nous séduire et il n’hésite pas à tailler la bavette avec le public entre deux chansons. La setlist est équilibrée, partagée entre morceaux exigeants et tubes immédiats tels que « One » ou « Another Perfect Day ». Si le son avait été jusqu’ici plutôt satisfaisant, bien que légèrement trop axé sur les basses, un nouvel impondérable manque d’achever le groupe, puisque la tête d’ampli de Matheos lui fait le coup de la panne au beau milieu du set, obligeant la formation à effectuer une pause de cinq minutes. Rien de tel pour faire retomber l’ambiance, et nos supplications pour entendre ne serait-ce qu’un solo de batterie resteront sans réponse, tout juste Ray Alder échangera t-il quelques blagues avec un spectateur éméché. Une fois les problèmes techniques relégués aux oubliettes, le groupe peut finalement se détendre et l’on voit poindre un sourire sur le visage de Matheos. Notons également l’excellent boulot de Frank Aresti, second guitariste, en charge d’une partie non négligeable des solos mais également des choeurs, qui a aucun moment ne se ménagera tout en prenant un plaisir réel à être sur scène. Le public de passionnés aura quant à lui espéré voir le cultissime « Ivory Gate of Dreams » interprété dans sa totalité, mais seule sa quatrième partie leur sera offerte. Quelques classiques plus tard, cette courte heure et demie de best-of des Américains s’achève finalement un peu trop rapidement par leur tube à la lisière du Hard FM : « Eye to Eye ».

Au delà d’un set qui manquait peut-être parfois de chaleur et de générosité (on en aurait bien repris une heure supplémentaire), la déception majeure restera la faible affluence. Il aurait pourtant suffit d’un vingtième du public de Dream Theater pour rendre hommage à « Fates » de la plus belle des manières, ce que leur statut de précurseurs méritait amplement. Espérons simplement que cette déconvenue ne refroidisse pas les ardeurs des promoteurs, cela nous permettrait de les revoir pour la tournée de leur prochain album, et ce, avant 2029. Qui sait…