Guillaume Bernard (Klone) – Sans langue de bois
Un an après la sortie de The Eye of Needle, Klone est de retour dans la capitale pour deux concerts. Le premier à la Scène Bastille et le lendemain en privé dans le studio Sextan où l’EP a été enregistré. C’est à cette occasion que nous avons rencontré Guillaume Bernard, guitariste de la formation et manager du groupe ainsi que de la Klonosphere, collectif d’artistes français centré autour de formations de metal ambitieux et particulièrement en vogue en ce moment. Rencontre avec un guitariste/manageur/découvreur de talents qui n’a pas sa langue dans sa poche !
Chromatique : Bonjour Guillaume. Pour commencer, peux-tu nous expliquer dans quelles conditions a été organisée cette soirée ? Pourquoi faire un concert privé au studio Sextan et l’avoir filmé ?
Guillaume Bernard : En fait, ce n’est pas nous qui avons organisé ça mais Quentin Fleury qui travaille comme ingé-son au studio. Nous avons enregistré l’an passé The Eye of Needle ici même et il nous a proposé un petit concert mais la date n’était pas fixée. Par ailleurs, nous devions jouer aujourd’hui en Allemagne mais la date a finalement été annulée. J’ai vu si Quentin était disponible ce soir pour que nous puissions jouer, ce qui était le cas. De plus, il avait une équipe de montage vidéo à disposition ainsi que du matériel pour projeter la vidéo de The Eye of Needle. Avec le film de ce soir, nous aurons de quoi faire patienter les gens avant la sortie de notre prochain album.
Quel avenir prédisez-vous à cette vidéo filmée ? Risque-t-elle de se retrouver en bonus sur le prochain album ?
Rien n’est décidé pour l’instant. Il faut savoir que nous avons enregistré sans rien payer ici. En échange nous avons joué gratuitement. Les gens qui ont travaillé sur les vidéos l’ont également fait à titre gracieux. Du coup, je pense que la vidéo sera diffusée sans contrepartie financière comme cela a été le cas pour l’EP [ndlr : The Eye of Needle]. Nous vendons le disque cinq euros pour rembourser les frais engagés dans le pressage. Mais sinon il est disponible en téléchargement libre sur notre site.
Le studio Sextan est habituellement orienté vers des productions jazz. Comment avez-vous été amenés à y travailler ?
J’ai reçu un mail de Quentin qui y travaille et écoute aussi bien du jazz que du metal. Il est en relation avec Matthieu Metzger notre saxophoniste qui est assez connu dans le monde du jazz puisqu’il joue avec des gens comme Marc Ducret. Quentin nous a fait une proposition. Sur le coup nous étions un peu sceptiques. C’est toujours effrayant de travailler avec des gens que l’on ne connaît pas … pour des questions de méthodes. Finalement il s’en est très bien sorti. Ce n’était pas évident car il y avait beaucoup de pistes, d’arrangements et d’ambiances à traiter en même temps. Il voulait absolument nous enregistrer en live, donc nous avons fait une prise avec la batterie et les deux guitares rythmiques en même temps. Après ça, nous avons rajouté les derniers éléments par-dessus.
Matthieu Metzger n’était présent ni au Hellfest, ni à la Scène Bastille, ni ce soir. Va-t-on le revoir un jour sur scène avec vous ?
On l’appelle « Matthieu courant d’air » (rires). Nous continuons à collaborer évidemment. Ce soir il était pris pour un autre concert. Il faut avouer que le milieu du metal n’a pas les mêmes moyens que celui du jazz. Matthieu prend les plans qui sont payés ou ceux avec des musiciens avec lesquels il a intérêt à continuer à travailler. Pour combler son absence, il nous a fait une boîte qui permet de jouer sur ses parties. C’est un peu pénible visuellement de ne pas le voir à l’oeuvre mais nous avons à peu près le même rendu que s’il était là.
Vous avez commencé l’enregistrement de votre nouvel album. Peux-tu nous en parler un peu ?
Très rapidement car il n’y a pas grand-chose pour l’instant. En général, notre processus de composition est toujours le même : d’abord la base rythmique, c’est-à-dire les guitares et la batterie ; les arrangements ensuite. Ce que j’appelle arrangements, c’est la basse, le saxophone, les nappes d’ambiances, les voix, etc. Je ne sais pas trop à quoi va ressembler l’album. Musicalement nous avons déjà une vague idée : il sera plus rapide et un peu plus violent mais comprendra également des passages calmes et atmosphériques. Pour l’instant nous n’avons enregistré que les pistes de batterie, il est donc difficile de juger a priori. Tous les morceaux sont relativement longs : entre cinq et neuf minutes. Je ne peux pas en dire plus. Ce sera un peu le chaînon manquant entre All Seeing Eye et Black Days. Cependant, les titres me semblent plus « frais » que ce que l’on a composé jusqu’à présent. Pour ce nouvel album nous avons moins utilisé notre « réserve à riffs » que sur les projets précédents. Nous visons une sortie en septembre 2012. Nous aurons probablement terminé sa production début mars. Après il faudra démarcher pour trouver un label …
« The Eye of Needle » est-il un titre que vous comptiez mettre sur le nouvel album ?
Non à la base « The Eye of Needle » a été composé en même temps que Black Days, mais il n’y avait plus la place pour caser un titre de dix-sept minutes. En fait, tous ces morceaux ont été composés il y a longtemps, en 2005. Nous avons toujours un moment de retard entre la composition de nos idées et le moment où elles sont enregistrées.
En parlant de labels, comptez-vous rester chez Season of Mist ?
Je pense qu’ils ne diraient pas non, mais de notre côté nous ne sommes pas spécialement chauds. Plus le temps avance et plus je pense que le label ne sert pas à grand-chose à part prendre de l’argent sur notre création. A la base, le musicien crée sa musique qui permet au disquaire de vendre des disques, qui permet au label de se salarier. En fait, beaucoup de monde est salarié mais pas le musicien. Il est très difficile de vivre de sa musique. Nous aimerions faire en sorte qu’il y ait moins d’intermédiaires, afin de gagner un peu d’argent qui permettrait de financer nos projets futurs. Cela permettrait de ne pas être dans une position inférieure, à mendier auprès des labels.
Au stade où nous en sommes, nous pouvons plus ou moins nous autofinancer. Un certain nombre de gens nous suivent et peuvent souscrire à une pré-vente, ce qui nous permet d’avoir des rentrées financières. Enregistrer un album nous coûte entre cinq et sept mille euros. Malheureusement on ne peut pas sortir cet argent de notre poche. Entendre ce genre de discours, ça fait moins rêver quant au métier de rockstar (rires).
Le concert de la veille [ndlr : 20/10 à la Scène Bastille c.f. le live report] nous a semblé bien moins rempli que celui de l’an passé à la Boule Noire, qu’en penses-tu ?
Je pense qu’il y avait effectivement moins de monde, mais pas tant que ça. En ce qui concerne le concert de la Boule Noire l’an dernier, il faut savoir que nous avions vendu Black Days dans un package spécial qui comprenait une place de concert. Pas mal de monde avait donc déjà son billet. Après il y a d’autres facteurs. Il y a eu un peu moins de communication, nous avons fait pas mal de dates en Ile-de-France cette année et du coup les gens nous connaissent déjà bien. C’est peut-être trop et c’est probablement la raison pour laquelle il y avait moins de monde.
Continuons sur la lancée des concerts. Vous jouez principalement des extraits de Black Days et All Seeing Eye. Aura-t-on un jour la chance de voir des morceaux plus anciens en live, comme ceux de Duplicate et High Blood Pressure ?
Nous en avions joué quelques uns par le passé mais les deux albums ont un line-up différent et Florent (ndlr : Marcadet, le batteur) ne s’est pas vraiment approprié ces morceaux. A côté de ça, nous préférons jouer un maximum de nouveautés. Par exemple les titres de Black Days ont été joués en concert une cinquantaine de fois. Nous sommes toujours contents de les faire, mais c’est moins plaisant que de jouer du neuf. Au final, quand on doit préparer une setlist de huit ou neuf titres, ça nous ennuie toujours d’en mettre des anciens.
Parlons un peu de la Klonosphere ! Peux-tu la présenter à nos lecteurs et nous expliquer un peu quelles sont vos activités ?
C’est une association de loi 1901 existant depuis le 11 septembre 2001 qui nous a permis d’organiser des concerts autour de Poitiers, Bordeaux, Angoulême, Tours, Paris, etc. Ça nous permet de mieux maîtriser cette partie-là de la chaîne, bien mieux que lorsqu’on travaille avec une autre organisation comme hier à la Scène Bastille.
C’est aussi un collectif d’artiste qui regroupe Hacride, Klone et Trepalium. On se connaît tous depuis longtemps et nous partageons beaucoup de choses. La Klonosphere propose aussi un projet de promotion. C’est moi qui m’en occupe principalement. Je découvre des artistes et les propose à Season of Mist qui les distribue. Nous avons déjà signé des deals avec Step In Fluid, Weaksaw, Dwail ou encore Plebe. Je propose le groupe à Season of Mist, nous fixons une date et ils le distribuent. Nos plus grosses ventes actuelles sont sur l’album de Step In Fluid. Ils en sont à environ cinq cents exemplaires de vendus. Sinon en moyenne nos groupes tablent sur une fourchette se situant entre cent cinquante et trois cents ventes. C’est énorme ! Ça a l’air d’être peu mais pour une formation sans plan de communication c’est beaucoup ! Il y a plein de groupes qui ont l’air gros aujourd’hui car ils jouissent de beaucoup d’encadrement de ce type. Cependant si on regarde leurs chiffres, ils ne vendent pas plus de quatre cents disques sur la France. Ceux qui vendent le plus en général sont ceux qui respectent le plus les « codes ». Chez Season of Mist, quand le besoin d’argent se fait sentir, ils sortent un album de Black Metal respectant tous les codes et arrivent à faire de gros chiffres ainsi !
Quel futur vois-tu pour Klone ? Penses-tu que vous arriverez à la stature d’un Gojira ou d’un Dagoba ?
Encore une fois, pour décoller, il faut de l’argent. Pour percer il faut tourner, si possible avec des gros groupes et pour ça il faut payer cher. Après, certains bénéficient de mécènes comme Adagio. Sans argent, Gojira n’aurait jamais pu faire sa tournée aux US. Dagoba a pu tourner avec In Flames et Sepultura en payant très cher. Entre l’affiche où tu vois le nom de ton groupe en gros et la réalité, il y a toujours une différence. Notre tournée avec King’s X nous a coûté très cher mais elle nous a apporté une certaine stature. Donc voilà le secret : il nous faut de l’argent ! Faites des dons (rires) ! Je dis ça en plaisantant mais l’autre jour quelqu’un nous a fait un don de cent cinquante euros. On a cru d’abord que la personne s’était trompée !
Un autre moyen de gagner en popularité et en notoriété, c’est la communication. Avoir des chroniques dans des magazines, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, donne de la visibilité. Malheureusement, certains ont des petits arrangements financiers avec les artistes et on retombe toujours dans le même problème. Je me souviens de Rock Hard par exemple, que je lisais quand j’étais gosse. J’étais un peu naïf. Je me souviens avoir vu la note du deuxième album de Pleymo et m’être demandé pourquoi elle était aussi bonne ! En feuilletant un peu le magazine je suis tombé une pleine page de pub pour le groupe. On comprend vite comment le milieu fonctionne quand on s’y penche d’un peu plus près. La pub reste au moins un moyen honnête et non-dissimulé… mais d’autres que je ne nommerai pas monnaient carrément leurs chroniques.
L’interview touche à sa fin, et une dernière question nous taraude. Tu joues toujours avec le même bonnet sur scène ! Pourquoi ?
Quand tu as les cheveux sales, tu n’as pas besoin de te peigner lorsque tu portes un bonnet ! Du coup tu as l’air propre ! (rires)