Tonbruket - Dig It to The End
Sorti le: 26/10/2011
Par Jean-Philippe Haas
Label: ACT Music
Site: www.tonbruket.com
14 juin 2008. Esbjörn Svensson décède d’un accident de plongée sous-marine, à l’âge de 44 ans, laissant derrière lui femme, enfants, et une importante discographie avec E.S.T. (Esbjörn Svensson Trio). Le jazz européen perd l’un des groupes les plus audacieux et inventifs des années deux mille. L’année suivante, son contrebassiste forme Dan Berglund’s Tonbruket (« l’atelier sonore de Dan Berglund ») et lance la machine avec un album éponyme faisant voler en éclats les frontières du jazz. Rebaptisé plus sobrement Tonbruket, le quatuor sort Dig it to the End en 2011, un disque qui risque fort bien de le propulser au même niveau de notoriété qu’E.S.T.
Car cette seconde réalisation est plus hétéroclite encore que la précédente et ne cède au jazz que la portion congrue, laissant libre cours à pléthore d’inclinations – musique minimaliste, de film, post-rock – qui se traduisent par des atmosphères souvent mélancoliques ou nostalgiques. « Vinegar Heart » synthétise tout ce qui sera développé par la suite : des motifs tournants, entêtants, des rythmiques enivrantes (« Balloons », « Trackpounder » ou le très percussif « Dig it to the End »), à peine brisées parfois par des passages moins contenus, où des mélodies presque erratiques peuvent s’installer. Ces boucles, discrètes ou omniprésentes, induisent un état de quasi hypnose, qui persiste longtemps après la dernière note.
Si le terme rock progressif devait retrouver un jour ses lettres de noblesse, ce serait probablement par la voie de ce genre de musique inclassable, à la fois savante et accessible : un peu d’improvisation et d’expérimentation, juste de quoi donner encore un surcroît de saveur à un art débarrassé de ses carcans, maîtrisé et arrangé avec soin. Dig it to the End fédère les genres sous une bannière accueillante, loin des élitismes de mauvais aloi que peuvent générer parfois le jazz et le rock progressif. Incroyablement addictif, quasiment dépourvu de tout artifice de production, il s’imposera selon toute vraisemblance comme l’un grands disques de l’année 2011.