Sonisphere
16/08/2011
- Amneville
Par Martial Briclot
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Avant-dernier volet des festivals d’été pour Chromatique, l’attendu et redouté Sonisphere France ne nous aura pas échappé. Malgré une programmation pas toujours en adéquation avec notre ligne éditoriale, il nous était impensable de passer sous silence certaines performances d’artistes phares de la scène metal prog. Ainsi, vous ne serez pas étonnés si à l’inverse d’une majorité de nos confrères, le point d’orgue de notre week-end fût le Théâtre des Rêves et non le Big 4.
Les diverses approximations de l’organisation de ce festival fraîchement débarqué sur le territoire ne vous aurons probablement pas échappé, tant l’assistance s’est empressée de répandre la nouvelle sur la toile. Si la pluie eut été synonyme de catastrophe, c’est heureusement un soleil éclatant qui ce jour là a pu saisir l’opportunité de rosir nos teints blafards de progueux casaniers.
Notre mise en jambes s’effectue au son délicat du stoner estampillé « bûcheron français » des sympathiques Bukowski. Aussi convaincants sur scène que sur album, leurs refrains taillés à la serpe cueillent brutalement un public qui n’en demandait pas tant. Desservis par un son perfectible, ils auront malgré tout transmis un plaisir de jeu communicatif couplé à une forte dose d’énergie. Opération séduction réussie.
A l’inverse d’un Symfonia qui nous donne cet après-midi la recette de la contre-performance et s’applique à la suivre point par point. Vos deux atouts sont un guitar hero et un chanteur aux aigus virevoltants ? Sur-mixez basse, batterie et chœurs de manière à ne plus les entendre. Vous officiez dans le style métal symphonique et votre album n’a pas convaincu ? Offrez-vous une première partie d’un festival à dominante heavy thrash dans des conditions lamentables, et surtout, ne reprenez aucun titre fédérateur de vos anciennes formations. Inutile de s’étendre, Symfonia a déçu sur tous les points, et vous l’aurez compris, cette présentation du groupe au public français lors du Sonisphère était une fausse bonne idée. On espère les revoir rapidement dans des conditions plus favorables face à un auditoire plus adapté.
Seconde erreur de casting de la journée, Evergrey a également toutes les peines du monde à éveiller l’intérêt des thasheux biberonnés au houblon. Les fans présents se sont cependant satisfaits d’une performance plus qu’acceptable d’un groupe parfaitement en place, bénéficiant d’un son plutôt équilibré.
En route pour la gloire et fermement décidés à déloger un des Big 4 de son trône de métal, Mastodon peaufine ses prestations live au fil des ans. Toujours aussi peu communicatifs, ils ont désormais gagné en assurance et proposent un set direct, délaissant quelque peu (à notre grand regret) leur chef d’œuvre progressif, Crack the Skye.
Sans surprise, le concert de Dream Theater coïncide avec la pause bière d’une partie des festivaliers, laissant tout le loisir aux fans présents de se glisser aux premiers rangs. Le contexte de ce concert est évidemment particulier, puisqu’il marque à la fois le retour du groupe dans notre pays mais également l’intronisation de Mike Mangini au poste de pieuvre à plein temps. Si le coucher de soleil apporte aux New-Yorkais une ambiance bucolique plutôt plaisante, les fidèles de la secte metal prog sont fébriles. La machine à rêves est-elle toujours opérationnelle après la perte d’une pièce maîtresse? Si artistiquement le morceau « On the Backs of Angels » affiche un conservatisme rassurant la cohorte de fans, on se doutait que les performances live s’en trouveraient chamboulées. Redistribution des rôles, setlists plus statiques et disparition du pitre en chef sont autant de défis à relever.
« Under a Glass Moon » succède à l’intro toute en finesse (sic) issue de la bande originale d’Inception, et le son s’avère pleinement satisfaisant au regard des diverses performances de la journée. Trois coupures sonores en façade ne nous auront pas gâché le spectacle, mais on imagine sans mal que le perfectionnisme des américains fût à ce moment là ébranlé. Mike Mangini est forcément au centre de toutes les attentions, et s’il n’a pas déçu il serait excessif de le qualifier d’impérial tant son jeu est actuellement en rodage (le concert du High Voltage Festival, dont le live report est à venir, lui sera ainsi davantage favorable, ndlr). Les plus intransigeants auront noté soigneusement sur leur calepin le minutage précis de ses quelques erreurs, les autres apprécieront son jeu chaleureux et concentré. Mike Mangini n’étant pas, au contraire de son prédécesseur, spécialement communicatif, du moins ce soir-là, c’est donc au reste du groupe de prendre le relais. Dream Theater n’a jamais été et ne sera jamais un groupe ultra-démonstratif, mais il semble désormais libéré d’une attitude trop figée ayant plombé certains concerts (souvenirs d’un Hellfest ennuyeux où LaBrie se réfugiait fréquemment en hors scène et où chaque membre restait sagement à sa place). Les sourires s’échangent, la communication s’installe, John Myung est moins effacé tandis que John Petrucci semble franchement heureux d’être parmi nous. Quant à James Labrie, s’il est de notoriété publique qu’il n’atteint plus aussi facilement les notes aiguës, il fournit une prestation tout à fait honorable, moins poussif et plus à l’aise que certains ténors ayant officié dans l’après-midi (les yeux se tournent vers le brésil…).
Seul reproche majeur, la setlist peu équilibrée verra s’enchaîner deux pièces dispensables (« These Walls » et « Forsaken ») et se conclue en queue de poisson sur le seul morceau connu du prochain album. Satisfaire un fan de Dream Theater sur une toute petite heure de festival n’est jamais une mince affaire… En somme, nous avons assisté à la prestation plutôt rassurante d’une formation au visage modifié : on ressent réellement le changement des rôles, la prise de conscience qu’il faudra désormais faire bloc et donner un peu plus de spectacle au public.
La soirée se termine sur le show toujours réjouissant mais trop prévisible d’Airbourne, suivie par la bande de joyeux lurons de Slipknot qui a défaut de flatter nos oreilles fragiles auront su satisfaire nos mirettes par leur pyrotechnie outrageuse.
Nos errances chromatiques s’arrêtent là, car le Big 4 et ses airs de faire-valoir marketing à la gloire de Metallica n’est pas le thème de nos colonnes. Sachez simplement que ces derniers ont proposé samedi soir une des plus belles setlists de leur carrière, « Nothing Else Matters » s’éclipsant pour ne pas perturber la valse de titres efficaces et parfois plus rares (« The Shortest Straw », « Hit the Light »). Megadeth, Anthrax, Slayer ou le surprenant outsider Volbeat n’auront pas démérité, mais personne n’est dupe, ce Sonisphere est entièrement fondé sur la réputation des Four Horsemen, et il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise, le show fût massif, spectaculaire et fédérateur.
Les concerts des têtes d’affiche ayant été globalement très satisfaisants, ce Sonisphere France fût une incontestable réussite du point de vue musical. C’est sur les nombreux à-côtés que le bât blesse : disposition des scènes, nourriture, camping, sortie des parkings furent autant de points cruciaux négligés par une production probablement trop persuadée de son succès. Si l’évènement devait perdurer dans le temps, tous ces éléments seront à prendre sérieusement en considération, par simple souci du respect des fans et de leurs attentes.