Protest The Hero

25/07/2011

Divan du Monde - Paris

Par Martial Briclot

Photos: Marjorie Coulin

Site du groupe : www.protestthehero.com

Setlist :

C'est la Vie ! / Bone Marrow / Taperstry / Wretch / Dunsel / Blindfolds / Trout / Goddess Gagged / Sequoia Throne / Blood Meat / Sex Tapes

Mesdames et Messieurs, le prog est à la mode. Un phénomène pour le moins étrange se produit outre-Atlantique depuis quelques années. Une frange importante de la jeunesse se surprend à apprécier des genres musicaux, certes énervés, mais d’une complexité et d’une créativité rares. Ces groupes dont nous vous parlons régulièrement se nomment Periphery, Tesseract ou Between the Buried and Me. En France, la greffe ne prend pas aussi bien, mais Protest the Hero, talentueux représentant de ce courant, est malgré tout attendu ce soir de pied ferme.

Nous assistons à un cataclysme amorcé par Butcher’s Rodeo, formation ayant décroché cette première partie à la faveur d’un concours organisé par Orage Rock. Son style réjouissant navigue entre les eaux du mathcore, du punk et du stoner avec un goût prononcé pour la mélodie accrocheuse. Si le son n’est pas à son avantage, on apprécie la mise en place, la justesse des chœurs et l’état d’esprit profondément rock’n’roll. Le public réagit positivement, et on ne peut qu’encourager au téléchargement gratuit (et légal) de l’EP, cette bande d’énervés ayant clairement les moyens de ses ambitions.

Beyond the Dust prend la suite et installe sur scène deux étranges tables à repasser, à moins que ce ne soit deux guitares huits cordes. La question est toujours débattue à l’heure actuelle. Au vu du matériel et du style revendiqué on a évidemment à l’esprit Periphery ou Animals as Leaders, mais ils n’en possèdent ni la subtilité, ni la technicité. Le résultat n’est donc pas franchement à la hauteur de nos espérances, et le pit ne réagit que mollement aux invectives de leurs deux chanteurs. La complémentarité d’un hurleur hardcore et d’un grogneur death étant probablement la seule originalité de ce groupe au métal lourd, syncopé, mais terriblement linéaire.

En trois albums, les fulgurants bûcherons canadiens de Protest the Hero ont affirmé un style unique, barré et puissant. Ils n’ont pourtant que vingt-cinq ans de moyenne d’âge et inspirent déjà un respect conséquent au sein de la communauté hardcore. Leurs évolutions successives les ont amenés à pratiquer avec Scurrilous un métal toujours aussi nerveux mais plus prog et mélodique que par le passé. En toute humilité, les musiciens font eux-mêmes les balances et l’installation du matériel. Contrairement aux premières parties, on s’aperçoit qu’il est parfaitement possible de proposer une musique complexe et puissante en alignant seulement six cordes et trois ou quatre pédales bon marché. Rody Walker se saisit alors du micro, et le Divan du Monde ressuscite à l’écoute du single du dernier album, « C’est la vie ». On constate immédiatement que l’attitude et le look adoptés sont des plus sobres, cheveux courts, shorts, baskets et pieds nus pour leur sympathique bassiste-hobbit, nous donnant l’impression d’assister au concert d’un groupe de potes plutôt qu’à celui du nouvel « espoir » metal. Selon le tempérament on pourra considérer cela comme un défaut ou une qualité, vraisemblablement issue de leurs racines punks, mais on regrettera malgré tout de ne pas retrouver à l’identique la folie visuelle déployée dans leurs clips.

Ne nous méprenons pas, le chanteur tient parfaitement sa scène, pratique un humour au quatorzième degré, douteux mais pas désagréable, interagissant impeccablement avec le public, lui laissant parfois le micro ou échangeant quelques mots entre chaque morceau. De plus, il ne montrera de faiblesse vocale qu’en toute fin de show, une performance non négligeable. Quant aux deux guitaristes, ils se situent à un niveau frisant l’excellence. Forcément appliqués à reproduire les exploits posés sur le disque, la constance de leur jeu et leur précision donneraient des sueurs froides à n’importe quel shredder de la scène prog metal. Le prix à payer en dehors de céder son âme au diable ? Une posture généralement figée pour Tim Millar et à peine moins pour son compère Luke Hoskin qui s’agitera malgré tout dès que ses doigts ralentiront un peu leur course. Cela manque un peu de chaleur, et le public n’arrange rien à l’affaire, attendant des séquences sulfureuses, tel l’enchaînement « Sequoia Throne » / « Bloodmeat », pour manifester bruyamment et physiquement sa joie.

Le concert se conclura un peu brutalement au son de « Sex Tapes », ultime chanson de Scurrilous, et nous n’obtiendrons aucun rappel, le couvre-feu de la salle mettant fin à cette vigoureuse piqûre d’adrénaline.

Si musicalement et techniquement ces jeunes impertinents sont irréprochables, on les aura trouvés ce soir là plus sobres qu’à l’accoutumée. Le groupe a certainement mûri dans tous les domaines, et c’est tout à son honneur. Mais l’on espère surtout que la folie qui les habite n’est pas en train de les quitter peu à peu, car ces petits prodiges ont encore de nombreuses années de créativité devant eux, et leur avenir pourrait nous réserver de belles surprises…