Nemo - R€volu$ion
Sorti le: 28/06/2011
Par Jean-Philippe Haas
Label: Quadrifonic
Site: www.nemo-world.com
Que celui qui a dit que le rock progressif se regarde invariablement le nombril par tranches indigestes de vingt minutes fasse aujourd’hui pénitence. Nemo revient, encore et toujours, acharné, avec un septième fils, R€volu$ion, qui – chose peu courante dans un genre où le concept abscons est roi – vient une fois de plus empiéter sur le terrain des musiques revendicatrices.
Alors que la norme progressive veut que l’on chante en anglais et que l’on se complaise dans de lisses abstractions, Nemo s’obstine à parler directement et sans détour à son auditoire dans sa langue natale. Car il est bien plus méritoire d’écrire des mots porteurs de sens en français que de jeter à qui veut bien les lire des paroles pseudo ésotériques dans une approximative langue de Shakespeare. Ainsi, Jean-Pierre Louveton et ses acolytes injectent-ils à leur rock théâtral et emphatique des textes où le sentiment d’urgence qui devrait animer chaque être humain et les injustices que fait peser l’Homme sur l’Homme occupent une place prépondérante.
Sans équivoque, « Liberté, Egalité, Insurrection » ouvre vigoureusement l’album. Les paroles explosent à l’intérieur d’une musique prévue pour d’autres usages. Alors que « Seul dans la foule » libère petit à petit sa substance sémantique dans une lente montée en puissance, « R€volu$ion », presque à l’étroit dans son costume hard prog, n’y va guère par quatre chemins et assène un message clair et sans ambiguïté, comme l’exigeant « Loin des Yeux », tourbillon de heavy metal progressif façon Ayreon. Nonobstant cette empreinte musicale clairement définie, R€volu$ion lorgne discrètement du côté d’autres univers, folk (celtique, dans le final de « Loin des Yeux ») ou New Age (« Aux portes du paradis ») par exemple.
Il est tentant de dégainer les habituels qualificatifs qui accompagnent chaque nouvel album de Nemo : « leur meilleur album », « le disque de l’émancipation », etc. En vérité, R€volu$ion n’est autre chose que la continuité d’un parcours quasi exemplaire, le fruit raffiné d’un travail toujours plus consciencieux, d’une ouverture musicale toujours plus grande. En dépit des comparaisons dont le groupe a été l’objet au fil des ans, on ne peut qu’admettre aujourd’hui que Nemo est unique dans le petit paysage du rock progressif français, voire du rock français tout court.