Metallurgicales 2011

27/06/2011

Complexe sportif - Denain

Par Maxime Delorme

Photos: Marjorie Coulin

Site du groupe : http://www.myspace.com/metallurgicales

Les Metallurgicales, festival monté il y a trois ans par le regretté Patrick Roy a ouvert ses portes à Denain (Nord) le onze juin pour une journée sous le signe de la double pédale. La récente disparition de son père fondateur en fit par là même un magnifique hommage où le désormais fameux costume rouge fut célébré par des cohortes de t-shirts noirs. Rétrospective sur cette journée pleine « de Gibson et de Marshall ».

Les portes du festival ouvrent à partir de midi laissant les « lève-tôt » se presser autour du complexe sportif de Denain où la journée s’annonce déjà chaude. Les quelques stands (nourriture et marché) leur permettent d’attendre l’ouverture officielle des hostilités à quinze heures. En patientant du côté du « marché », le stand Engine Pickups présente une petite démonstration de matériel (des micros pour guitare) en présence d’Aymeric Silvert et de Benoît Pol. Autre attraction intéressante, Stefan Forte, leader d’Adagio leur succède et vient jouer quelques morceaux sous la forme d’un master-class pour Lag quelques instants avant le début des concerts.

Quinze heures : ouverture officielle des hostilités et présentation du rituel de la journée. Avant chaque concert, le public a droit à un extrait d’intervention de Patrick Roy sur le metal. Les morceaux choisis sont divers et variés, mais qu’il s’agisse de prises de parole à l’assemblée nationale ou à la télévision, elles auront toujours pour but de rappeler l’ouverture d’esprit du personnage vis-à-vis des musiques extrêmes. Ce gimmick accompagné de « Struggle Within » de Metallica revient comme une piqûre de rappel sur l’origine du festival, sur ses objectifs et sur la perte récente du rhéteur favori des metalleux.

Le début des concerts est annoncé et le premier groupe à fouler les planches de la scène extérieure est Sueurs Froides, les enfants terribles du pays. La musique est pour le moins enjouée et les différents membres n’hésitent pas à faire le show et ce, même en ouverture de festival en proposant un hard survolté et déjanté. Entre deux morceaux, la maire de Denain profite que le groupe reprenne son souffle pour nous adresser un discours présentant le festival et rappelant son père fondateur. Au cours de son set, Sueurs Froide rend deux hommages à Patrick Roy : Le premier, sous la forme d’une « minute de bruit », mettra la foule particulièrement en ébullition ; le second, sous celle d’un morceau hommage, la mettra en émoi. L’un dans l’autre, bien que leur musique ne révolutionne probablement pas le monde des auditeurs, cette prestation permet l’ouverture du festival en bonne et due forme.

Leur performance terminée, c’est au tour de Dagoba de prendre possession de la scène principale. Les Marseillais ne sont pas en reste depuis la sortie de leur dernier album Poseidon et roulent littéralement sur le public, l’écrasant de leur musique intense et sur-vitaminée par le jeu de Franky Costanza à la batterie. Le set nous confirme définitivement que la troupe mérite son succès international. Elle propose en effet une performance professionnelle présentant un metal industriel à la fois puissant et mélodique. Avec un jeu de scène bien présent sans être excessif et une foule connaisseuse chantant en chœur et répondant aux appels de Shawter, le groupe avait tout pour faire un sans faute. Malheureusement, le son un peu brouillon (le « sur-vitaminage » de la batterie se transformant vite en sur-mixage) rend le concert un peu difficile à suivre et ternit le tableau.

Changement d’ambiance à dix-sept heures avec Hacride qui, à la différence d’un Dagoba rapide et impulsif, nous livre une musique lente et lourde, chargée d’atmosphères inquiétantes. On regrettera leur présence sur scène à ce moment-là de la journée. Le groupe aurait en effet pu bénéficier de la pénombre ou au moins d’un espace moins lumineux pour mieux plonger l’audience dans leur univers. La performance reste tout de même admirable et l’on peut s’étonner en toute honnêteté que les Français ne partagent pas la scène intérieure tant leur production est de qualité. Fait amusant : cette musique puissante et assurée crée un fort contraste avec le groupe sur scène tant les musiciens donnent l’impression d’être timides. Qu’à cela ne tienne, le set permet de tenir en haleine les spectateurs de sa première à sa dernière note !

Que les amateurs de progressif se réjouissent ensuite car voici venu le temps du set du Devin Townsend Project. Le Canadien annonce immédiatement la couleur en montant sur scène la mine réjouie, confirmant ses dires lors de notre dernière interview. Une prestation qui se place sous les auspices de la bonne humeur, de la blague et de l’intensité familières du personnage. Son mur de son nous frappe de plein fouet dès les premiers accords, même un peu trop. La batterie encore une fois trop présente ruine en partie la prestation. Pour autant, les spectateurs des premiers rangs ne se sentent pourtant pas lésés tellement Devin joue pour eux, allant très souvent se placer sur les avancées devant la fosse afin de faire profiter son public (et les photographes) d’une vue spectaculaire sur ses mimiques inimitables. La set-list pioche dans la quasi-totalité de la discographie du « project » et du « band ». Cerise sur le gâteau, le public se voit servi en guise d’amuse-bouche une avant-première de Deconstruction, troisième album du projet.

Manigance enchaîne sur la scène extérieure. Ce groupe de metal-symphonique français produira une prestation peu marquante à laquelle seuls les fans de la première heure assisteront avec assiduité. Pour le reste, elle encouragera le public à retourner devant la scène principale en attente de la formation suivante.

Therion prend ensuite place à l’intérieur du gymnase. Premier constat : la mise en scène grand guignolesque en met plein les mirettes aux premiers rangs de spectateurs. Le son, pour la première et unique fois de la journée, est absolument parfait (ce qui est assez exceptionnel en festival pour être noté). Tout sera très bien équilibré et donnera au groupe une prestance et une spatialisation exemplaires. Après quelques morceaux, il serait faire preuve de mauvaise foi de réfuter que le jeu de scène millimétré, la mise en place et la bonne humeur du groupe gomment en grande partie ses ridicules accoutrements. D’ailleurs, la foule ne s’y trompe pas et entre dès l’introduction dans le jeu des musiciens, en répondant à chaque appel. Les riffs ultra-efficaces et les soli abondants contrastent avec le chant lyrique des quatre choristes et les quelques apartés à la flute traversière servis par Thomas Vikström. Le répertoire couvert par les Suédois remontera même jusqu’à leurs plus vieux albums, satisfaisant ainsi les membres les plus exigeants du public. On peut néanmoins regretter la présence de samples démodés qui jettent un nouveau voile de ridicule sur certains morceaux aux arrangements pourtant diablement efficaces.

Dernier groupe à fouler les planches de la scène extérieure, les français d’Aqme dont on n’entend plus parler depuis des années. Ce groupe de metal ayant pourtant défrayé la chronique au début des années 2000 s’est complètement fait oublier du public ces derniers temps. Loin d’être la catastrophe à laquelle on est en droit de s’attendre, la prestation reste intéressante mais néanmoins pas particulièrement inoubliable. Le public préfère donc se presser vers l’intérieur où les préparatifs pour Stratovarius sont déjà bien entamés.

L’ultime concert de la soirée est précédé d’un dernier hommage à Patrick Roy sous la forme d’un diaporama accompagné d’extraits de discours du défunt député. En guise de préliminaires, la maire de Denain nous adresse elle aussi un dernier salut avant de laisser la place à Stradivarius (sic) qui mettra encore de longues minutes avant de monter sur scène. Après une introduction pour le moins martiale, la troupe finlandaise arrive sur scène et là … c’est le drame. Un son brouillon, un chanteur accusant l’âge et ne pouvant pas tenir ses notes, voir les zappant complètement, des sons de clavier rétro. Stratovarius est arrivé au fil des années à la parfaite maîtrise d’un metal sans saveur, sans originalité et sans grand intérêt. Une partie des défauts s’éclipsent progressivement avec l’avancée du set (notamment Timo Kotipelto au chant qui finira par être chaud après une demi-heure de concert). Notons tout de même le jeu de scène très présent et l’énergie déployée par le groupe qui enflammera la foule. Cependant, même si le set aurait pu ravir les fans de la première heure (leur rappelant probablement leurs jeunes années), pour les autres le festival est déjà terminé et le reste de la foule s’achemine progressivement vers la sortie vidant le complexe sportif de Denain.

En dépit de quelques problèmes de son n’entamant que peu la qualité des concerts, les Metallurgicales de Denain ont prouvé qu’elles n’avaient rien à envier aux autres festivals concernant leur programmation. Malgré la disparition de son instigateur, nul doute que le festival se poursuivra sans inquiétude les prochaines années et attirera probablement de plus en plus de spectateurs. Cette journée fut un magnifique hommage à Patrick Roy. Gageons que peu de spectateurs oublieront le célèbre costume rouge de l’assemblée nationale.