Glenn Hughes – Super-spontanéité
Black Country Communion est arrivé de nulle part, il y a un peu plus d’an. Fort d’un succès critique mérité, l’hyperactif et charismatique Glenn Hughes est venu défendre le successeur de I sobrement intitulé II, qui sortira en France en juin. L’occasion pour lui de s’exprimer à cœur ouvert sur les coulisses d’un groupe dont l’avenir s’annonce radieux.
Chromatique : Ces dernières années tu avais privilégié ta carrière solo, qu’est-ce qui t’a décidé à choisir ce groupe plutôt qu’un autre, étant donné les nombreuses possibilités qui ont dû s’offrir à toi ?
Glenn Hughes :C’était très étrange. J’étais sur le point d’enregistrer un excellent album de funk-rock il y a deux ans, qui avait nécessité six mois d’écriture. Puis j’ai fait un rêve dans lequel je me retrouvais sur scène avec un gros groupe de rock bien massif, très organique… Et le lendemain, j’ai joué avec Joe (Bonamassa). Il est venu à la maison pour le déjeuner (nous nous connaissions déjà). On débute un jam dans mon studio. Je pensais qu’il ne faisait que du blues et sa passion du rock m’a vraiment surpris. Il m’a expliqué d’où venait son amour pour Led Zeppelin et Deep Purple : son père lui a appris à jouer ces morceaux alors qu’il n’avait que quatre ans. Plus on augmentait le volume dans mon studio, plus je réalisais que c’était probablement LA personne avec laquelle j’étais censé jouer. C’est comme cela que tout a commencé, de façon très naturelle, très simple. Bonamassa est le guitariste blues le plus en vue en ce moment, mais son rêve est de devenir le nouveau Jimmy Page. Tout comme lui, c’est un bluesman confronté au rock… Il est jeune, mais il en est capable, j’en suis persuadé. Au final, je dirais que Joe et moi nous sommes choisi l’un et l’autre.
Tout a donc commencé par un jam ?
Absolument. On a commencé par quelques chansons blues, au son plutôt typé US, puis l’on s’est rapproché d’un son anglais, très proche de notre identité actuelle. C’était très naturel, et Joe apprend très rapidement.
Ce qui transparaît au premier abord, contrairement à 99% des « super-groupes », c’est une sensation de sincérité et spontanéité, quasiment inexplicable.
Je ne vais pas m’étendre sur la carrière des autres « super-groupes ». Dans ce genre de formation, j’ai plutôt la sensation d’écouter un sideproject. Je ne sens pas l’envie réelle de créer d’excellentes chansons. Ce groupe, c’est moi. Quand tu penseras à Glenn Hughes, je veux que tu te souviennes de Black Country Communion. Ma carrière solo n’est pas importante pour le moment, je peux prendre une pause sans problème. Je peux mourir demain, je serais au moins certain d’avoir donné le meilleur de moi-même avec cet album. Bref, il n’a rien d’un sideproject pour moi, c’est tout simplement ma vie. Je suis à BCC ce que Mick Jager est aux Stones si tu veux une comparaison (sourire).
As-tu été satisfait par l’accueil fait au premier album ? T’es tu intéressé aux critiques ?
A mon avis le fanbase de Bonamassa ne représente qu’une petite partie. Notre public repose plutôt sur une base hard rock si l’on en croit les gens présents aux concerts. L’accueil a été excellent en Angleterre, où les auditeurs de Planet Rock (la radio du magazine Classic Rock) nous ont élus « meilleur nouveau groupe ». C’était un vote auprès de trois cent mille personnes, c’est juste hallucinant pour un premier album ! Sincèrement, j’adore le R&B et le funk, mais ce retour au rock me fait un bien fou. Les gens m’appellent « The Voice of Rock ». J’apprécie évidemment le terme, très flatteur, mais pour le coup, je leur dois un peu de faire des chansons de pur rock, avec un vrai groupe, sincère et honnête.
Le live est primordial pour toi, on constate une montée en puissance avec de nombreuses dates pour 2011.
Ici, nous allons jouer au Beuteuclane, c’est bien ainsi qu’on prononce ? (rires)
On nous a prévenus que tu avais quelques soucis avec le mot Bataclan (rires).[Ndlr : S’ensuit un petit cours de prononciation]
Le 19 juillet, donc. Il y aura de la sueur, de la chaleur et du rock !
Tu verras, le Bataclan est un endroit très…chaleureux !
Vraiment? En fait, nous n’avons fait que deux concerts pour le moment. Deux showcases, un à New-York et l’autre à Londres pour la presse. Et deux véritables concerts en Angleterre, extraordinaires.
Ce rythme de publication très rapide, est-il une obligation ? En 2011 nous n’y sommes plus habitués. Faites-vous donc tout à l’ancienne ?
Oui, tout ! Tout est organique, tout est live. La plupart des chansons ont été écrites dans mon studio, et lorsqu’elles étaient bouclées, je les apportais à Joe et Kevin, pour modifier quelques détails. La colonne vertébrale des morceaux vient de Glenn (sic). On était supposé écrire cet album en tant que groupe, mais au final je suis le seul à avoir apporté des titres. Je ne sais pas réellement pourquoi, je me suis juste pointé avec mes morceaux et, à ce moment là, rien n’avait été écrit. Au final, j’endosse toute la responsabilité pour cet album : s’il se plante, j’aurai la sensation d’avoir personnellement échoué. Si ça marche, je serai honoré d’y avoir participé. Je pense que j’aime l’écriture plus que tout.
Musicalement, y avait-il une volonté de réellement différencier le deuxième disque du premier ?
Je me doutais que je ne pourrais refaire le premier, que nous nous devions d’aller dans une autre direction. J’ai trouvé une manière de revisiter le style du précédent. Comprends-moi bien, je ne peux pas refaire un « Black Country », un « Great Divide » ou un « One Last Soul », mais je tente de leur trouver des frères et sœurs, des compositions qu’on pourrait qualifier de « miroir », avec des thématiques bien plus sombres. Sur le précédent les paroles étaient plus positives.
Mais la musique, elle, était plutôt sombre !
Tu as raison, mais en ce qui concerne le petit nouveau, à l’exception d’une chanson, c’est sombre, très personnel. Ce n’est pas un mal la noirceur, rassure moi ? Je suis quelqu’un d’humeur joyeuse, j’aime les animaux, j’ai une femme que j’adore mais [Ndlr : prend une voix de Dark Vador] il y a un côté obscur (rires).
Et étonnamment, mon impression est que l’on a affaire à une musique bien plus positive, si l’on met de côté les paroles.
Complètement. Au final, les paroles sont surtout dues à l’aspect autobiographique, sur des thématiques liées à une époque très lointaine… « Faithless », « Little Secret », « Smokestack Woman », sont le genre de chanson qui sommeillent en moi depuis de nombreuses années. Joe a écrit, de son côté, des paroles excellentes sur « Hadrian’s wall » et « Ordinary son ».
Peux-tu nous parler du processus d’écriture sur cet album ?
C’est assez compliqué pour moi d’en parler… Joe est venu me voir et m’a dit « Le prochain album sera pour toi », tout simplement parce qu’il était extrêmement occupé, et qu’il lui était impossible d’écrire quoi que ce soit. Comme sur le premier album, j’ai produit un certain nombre de chansons, et Joe m’a rejoint à la maison trois jours avant d’entrer en studio. Tout est allé très très vite, je n’ai jamais travaillé avec quelqu’un d’aussi rapide ! Il y a une seule chose dont je pourrais me plaindre, qui m’a réellement énervé sur l’instant (mais désormais tout va bien), c’est que j’aurais simplement voulu l’avoir pour deux petites semaines. Cependant, si tu jettes un œil à son agenda, tu verras qu’ il a deux semaines de libre…par an !
Tu dois le kidnapper !
J’étais en colère, non pas contre lui, mais contre son manager, qui a également été le mien. J’aurais préféré écrire un album à deux. Le nom du groupe est BCC, mais je suis l’auteur, comme Pete Townshend pour les Who. On peut donc dire que je le suis devenu par… coïncidence ! Cela m’a fait réaliser que j’avais de réelles qualités d’écriture. Tout le monde connaît ma voix, mais on sait désormais que je peux écrire de bonnes choses (sourire).
Le premier album avait été enregistré quasiment en live. Qu’en est il pour le second? Il semble plus posé, moins brut en terme de son.
Le premier album a nécessité quatre jours d’enregistrement, celui-ci, dix. On a enregistré les douze chansons, deux fois chacune. Kevin [Ndlr : Shirley, producteur] choisissait la version qu’il préférait. Tout est enregistré en live, solos compris. On a seulement fait quelques overdubs pour le chant, un peu plus que sur le premier album, simplement parce que nous avions un peu plus de temps. Dès que Joe a quitté le studio, à la dernière heure de la toute dernière soirée du dernier jour, on ne l’a plus revu. Lundi dernier, c’était la première fois que je le revoyais depuis trois mois. C’était autour d’un dîner, entre deux avions. Il a trente-trois ans, il est jeune, travaille comme un taré, mais son esprit est dédié à BCC. Je pense que dans deux ans nous jouerons au Zénith. C’est génial pour lui de remplir l’Olympia, mais notre but est de nous produire dans des « arènes » de type Bercy, auxquelles peuvent prétendre les gros groupes de rock. J’aime Joe comme mon fils, je souhaite le meilleur pour lui. De mon côté j’ai fait un certain nombre de stades, mais je pense que lui, au sein de BCC, peut aller encore plus loin qu’avec sa carrière solo.
Peux-tu nous parler de votre relation ? Dirais-tu que tu as une place de mentor ?
Je connais ses parents, ils ont mon âge. Ceci dit, il me considère plutôt comme un grand frère. Il me pose des questions sur la vie en général, ce qui me touche profondément. Il vient me voir à propos des filles, des fringues. Il n’y connaît absolument rien en terme de mode. Mais il est surtout obsédé par le fait de jouer sur sa Les Paul de 1959. Il trimballe toujours sur la route cette guitare à Quatre cent mille dollars [Ndlr : Non, pas de faute de frappe]. Personnellement, je n’oserais même pas la sortir de ma chambre mais lui il ne la quitte jamais, et dort quasiment avec. Il tient réellement à en jouer en live.
L’album semble plus structuré, plus moderne. Est-ce une façon d’ancrer un peu plus cet héritage seventies dans notre époque ? Par exemple les sons de Sherinian sont un peu plus modernes.
Derek est toujours très orienté Hammond. Je n’aime pas trop les synthétiseurs, mais j’adore le solo qu’il a fait sur « Crawl », la dernière chanson. Je l’ai écrite pour que Joe puisse la chanter, mais il ne l’a pas terminée. Au départ, ce morceau devait être un bonus, mais au moment d’arriver au solo, j’ai pointé Joe du doigt, « solo, maintenant ! », puis il a pointé Derek du doigt, qui a enchaîné, tout ça en live. Sur l’album final on peut même entendre l’espace avant les solos, nous voir quasiment pointer du doigt.
Pouvons nous imaginer un futur de plus en plus teinté de blues étant donné votre passion commune avec Joe ? On sent une tentative dans ce sens avec « Little secret ».
Ohhh, j’adore cette chanson. Je l’ai écrite pour que Joe puisse la chanter, parce que c’est un registre qui lui est naturel. Mais Kevin a dit : « On sait que Joe peut chanter le blues, tu dois la faire toi-même ! ». Je pourrais facilement donner la moitié de l’album à Joe, mais il veut être le guitariste. Je ne sais pas si tu as pu le voir sur scène : il joue avec ses tripes.
Une question peut-être un peu étrange, tu es constamment associé à ta basse, notamment sur cet album, qu’est-ce qui pourrait te décider à lâcher cet instrument ? Est-ce vital pour toi ?
Je pourrais très bien devenir un chanteur à plein temps et me séparer de ma basse. Je pourrais le faire maintenant mais, dans les années quatre-vingt, ça aurait été impossible, j’étais bien trop cramé. Jouer sans basse nécessiterait que je me prenne pour DeNiro, de faire l’acteur, les mains doivent occuper l’espace. As-tu vu Sting chanter sans basse? Il est figé [Ndlr : il bondit de son siège et se lance dans une imitation], mais ce n’est pas grave, car tout le monde veut avant tout l’entendre chanter. Ma basse est donc mon troisième bras. Jouer en chantant, c’est une sorte d’exercice respiratoire de Yoga au final (sourire).
Gary Moore a malheureusement disparu en février dernier. Tu figures sur un de ses plus grands succès. Quelle image voudrais-tu que nous retenions de lui ? Et de cette période de ta carrière ?
Gary et moi étions les meilleurs amis du monde entre 1981 et 1983, jusqu’à ce que l’on se froisse après un concert l’année d’après. Nous nous sommes réconciliés en 1997, il y a eu des larmes, puis des rires. Depuis, je n’ai pas souvent eu l’occasion de le croiser, mais si je dois parler de la période où je le fréquentais, je dirais que c’était un type très drôle, très sensible, un gars génial. Dans les années quatre-vingt, il était extrêmement prolifique, c’est vraiment un des trois meilleurs guitaristes avec lesquels j’aie jamais joué. Un type brillant, avec une attaque féroce [Ndlr : mimant le jeu de Gary Moore en air guitar].
Tu as dit en interview qu’il y allait certainement y avoir un nouveau projet entre Coverdale et toi, peux-tu en dire plus ?
Non, il n’y a aucun projet de ce type. Je vais te dire ce que ça serait, ça serait tout simplement Deep Purple Mark III. David Coverdale et Glenn Hughes ne peuvent chanter ensemble que dans cette formation. Il y a énormément d’attente à ce sujet, mais nous avons décidé que nous ne nous retrouverions qu’au sein de Deep Purple, afin de capter au maximum l’attention. On ne sait jamais…
Il semble que tu préparais une biographie pour 2011, est-elle toujours d’actualité ?
La version la plus luxueuse est sortie en mai, et la traduction française arrive pour octobre.
Pour conclure, que voudrais-tu que les lecteurs retiennent de ce nouvel album, et de BCC en général ?
C’est un véritable groupe, composé de musiciens acharnés et bosseurs. Nous continuons à construire l’image, le nom et le son du Black Country Communion.