Kate Bush - Director's Cut
Sorti le: 15/05/2011
Par Pierre Graffin
Label: Fish People / EMI
Site: www.katebush.com
Chère Kate,
Vous ne le savez pas mais je vous aime et vous admire depuis plusieurs décennies maintenant. Pourtant, on ne peut pas dire que vous ayez été très généreuse avec nous, fans, depuis quelques temps : deux albums en presque vingt ans, avouez que c’est bien peu. Vous nous avez quelque peu délaissés, nous autres, mais cela rendait vos trop rares apparitions encore plus miraculeuses. Hélas, le premier de ces retours, The Red Shoes en 1993, fut en demi-teinte malgré vos efforts et les contributions de vos talentueux invités (Prince, Eric Clapton…). Le second, Aerial, douze ans (DOUZE ans !) plus tard, fut chaleureusement accueilli par la critique quasi unanime, moins par le grand public, et laissa un goût d’inachevé à certains d’entre nous qui vous savent capable de bien plus d’audaces musicales, de bien plus de folie…Quelle ne fut pas notre surprise à l’annonce de la sortie d’un album de reprises, de vos propres titres en plus, et par vous-même ! Étrangement, il ne s’agit que de chansons extraites d’albums, The Red Shoes, et The Sensual World (1989) où vous n’apparaissiez pas à votre meilleur niveau. À votre décharge, The Sensual World, succédait à votre chef d’œuvre (Hounds of Love, 1985), à côté duquel il supportait très difficilement la comparaison. Étrangement ? Pas tant que cela, finalement, car quoi de plus logique que de vouloir revisiter des morceaux qui, peut-être, bénéficieront ainsi d’une nouvelle écoute, en d’autres termes, d’une deuxième chance ? Et puis à quoi bon réenregistrer des œuvres qui se suffisent plus que largement à elles-même ? C’est donc impatient, attentif et recueilli qu’une écoute de ce Director’s Cut s’imposait avec, cette fois cependant, moins d’anticipation : ce ne sont que des réenregistrements de morceaux disons, moins essentiels dans votre discographie.
En revanche, chère Kate, avouez que le label nouvel album est un peu exagéré, non ? Il y a vingt ans, on aurait appelé cela remixes, et c’était bien plus approprié car force est de constater qu’hélas, une fois de plus, après quelque écoutes, on reste sur notre faim… Ce n’est pas « Flower of the Mountain » qui fera mentir puisque que vous vous êtes contentée d’atténuer la section rythmique. « Song of Salomon », quant à elle, est simplement réinterprétée un ton en dessous… Certes, il y a quelques réussites : « Deeper Understanding » (titre formidable et visionnaire en 1989 !) prend ici toute sa dimension grâce à une bien meilleure production. « Moments of Pleasure », complètement revisitée, gagne en émotion ce qu’elle perd en arrangement, tout le contraire de « This Woman’s Work », désormais habitée, presque hantée par l’orchestration. De même, « Top of the City », qui était déjà une magnifique chanson, est ici arrangée avec beaucoup de classe. On s’interroge néanmoins sur la pertinence de vouloir reprendre des titres secondaires tels que « The Red Shoes », « Lily » (qui reste une chanson dispensable, même débarrassée de cet insupportable son métallique qui plombait littéralement l’album) ou « Rubberband Girl », cette dernière devenant soudain poussive alors que l’originale avait au moins le mérite d’être pop et enlevée…
Bref, chère Kate, le constat est une nouvelle fois mitigé mais comment vous en vouloir, à vous qui nous avez offert tant de Moments of Pleasure ? ! Cependant, il n’y a pas de miracle : les bonnes chansons se dispensent de fioritures et les autres ne se bonifient pas comme par enchantement, simplement en modifiant deux ou trois petites choses. Pour utiliser une métaphore cinématographique et faire le parallèle avec le titre de votre dernier disque : un film moyen le reste, même avec une très belle image… Il paraît que vous travaillez actuellement sur un successeur d’Aerial ? Espérons qu’il ne nous faudra pas patienter douze nouvelles années pour le savourer. Gageons que ce Director’s Cut n’était qu’un amuse-bouche… Dans cette attente, et malgré ces quelques lignes un peu amères, veuillez agréer, très chère Kate, l’expression de mon admiration sans bornes !