– Les précurseurs oubliés
Retour à la fin des années soixante et à l’aube des années soixante-dix. Dans les tops albums cartonnent autant le hard ‘n’ heavy de Led Zeppelin et Black Sabbath que le rock progressif de King Crimson et The Nice. Rien d’étonnant à ce que ces deux courants aient fini par se rencontrer, alors que durant cette même période riche en expérimentations viennent de fusionner entre autres jazz et rock (Miles Davis) tout comme rock et musique classique (Emerson, Lake & Palmer). Il était temps de faire la lumière sur un courant souvent cité mais jamais vraiment constitué.
Contrairement à ce qui s’est produit avec le metal progressif au début des années quatre-vingt-dix lorsque Dream Theater publie Images and Words, le hard progressif ne se cristallise pas autour d’un groupe ou d’un album capable de créer une nouvelle esthétique unanimement reconnue. Ainsi doit-on ramasser des pièces éparses afin d’en reconstituer un champ sans limitations claires et définies. Même Deep Purple, l’un des plus représentatifs des ténors de cette époque avec Rush, ne parvient pas à réellement fédérer. Or, à défaut d’un vrai mouvement, un certain nombre de groupes et de disques peuvent être retenus comme des tentatives intéressantes, voire géniales (De De Lind, T2, …), pour associer la puissance électrique des guitares à cette part prométhéenne du rock progressif des origines qui cherchait à sortir des canons étroits de la pop music et se permettre d’explorer de nouvelles voies.
Cette sélection exclut volontairement Deep Purple, Rush ou Blue Öyster Cult qui connurent un énorme succès. Sans retirer la moindre valeur à ces grandes formations qui révèlent une belle résistance au temps grâce à leurs gènes blues-rock de l’éternelle jeunesse, ces icônes emblématiques ont déjà été trop largement citées dans les anthologies pour que Progressia y apporte ici un complément. Ce mini-éventail veut volontairement faire la part belle à quelques « sans grade » d’origines géographiques variées, qui pour des raisons indépendantes de la qualité de leur musique ont raté leur public de leur vivant. Grâce au succès des rééditions et à la circulation planétaire de l’information, peut-être auront-ils droit à une seconde chance, si ce n’est déjà le cas.
Armageddon – Armageddon (1975) États-Unis / Grande-Bretagne
Il arrive que la postérité, à tort ou à raison, repêche des œuvres oubliées. C’est le cas de cet album revenu sous les feux de l’actualité grâce à un érudit dénommé Denis Meyer qui dans son ouvrage de référence intitulé Hard Rock Anthology 1968-1980 a signalé une bévue du destin pour Armageddon. Bévue d’autant plus inexplicable que la formation était composée d’ex-membres prestigieux de Steamhammer, Renaissance, Johnny Winter Group et des Yardbirds, et qui aurait dû attirer l’attention par un style hard fougueux et somptueux, marchant largement sur les plates-bandes du rock progressif, et une pochette marquante et sans ambiguïté sur son contenu pyrotechnique. Armageddon reste certainement en dessous de la valeur de sa nouvelle réputation. Cet unique album, intéressant ne serait-ce que pour son côté proto metal-progressif, est pourtant handicapé par une production médiocre, de grosses longueurs et par un déséquilibre qualitatif sur sa fin, surtout au regard de son long et spectaculaire premier titre « Buzzard ».
Note : 6/10
Captain Beyond – Captain Beyond (1972) États-Unis
Attention bijou. Fruit de requins de studio ayant joué dans des formations aussi prestigieuses que Deep Purple, Iron Butterfly ou Johnny Winter, ce premier album de Capitain Beyond se distingue par des arrangements qui ne laissent aucun doute sur sa nature bicéphale hard et rock progressif, le tout sur fond de textes étranges, presque philosophiques, sur la signification de l’existence. Les qualités principales de ce magnifique album, outre le fait qu’il soit particulièrement bien interprété, sont certainement sa grande fluidité et une richesse mélodique qui agrippe l’auditeur jusqu’à son final très réussi. Unique en son genre, insolite jusque dans sa manière de changer de ton à l’intérieur de ses titres, interprété par des musiciens qui font preuve de personnalité, Captain Beyond est à coup sûr un des indispensables de cette sélection.
Note : 8/10
De De Lind – Io non so da dove vengo e non so dove mai andrò. Uomo é il nome che mi han dato (1972) Italie
Voila une perle noire dissimulée derrière les reliefs transalpins. Cet album suspend le temps pour lui donner une incroyable densité. Tout le génie italien y est synthétisé, à commencer par un sens de la mélodie sublime, un style original émancipé des clichés hard, et une interprétation flamboyante entre riffs lourds entêtants à la Black Sabbath et folk progressif à la Jethro Tull. Un petit chef-d’œuvre dont il faut déguster chaque note tant celles-ci donnent l’impression d’avoir été écrites comme l’œnologue choisit ses meilleurs raisins pour son vin. Un album ample et capiteux, à découvrir absolument.
Note : 9/10
Flower Travellin’ Band – Satori (1971) Japon
On ne peut qu’être désespéré du travail de feignasse de la plupart des journalistes professionnels qui ressortent à chaque occasion les mêmes et sempiternelles références hard ‘n’ heavy seventies. Avec le web et les innombrables rééditions vintages, c’est aujourd’hui un peu la honte pour eux de continuer à zapper une formation japonaise aussi merveilleuse que celle du Flower Travellin’ Band. Une fois de plus, le label Radioactive (à qui on doit entre autres la redécouverte d’un groupe de tueurs dans les années soixante-dix qu’est Totty) aura permis de pouvoir jeter une oreille sur leur musique incroyable. Fusion parfaite entre puissance heavy et le rock progressif auquel Flower Travellin Band ne cessera durant toute sa carrière de faire référence, avec notamment la décapante reprise de « Century Schizoid Man » de King Crimson sur leur premier album ou le curieux mais bref fac-similé d’Emerson, Lake and Palmer en ouverture de leur troisième album. Satori est un voyage spirituel, une initiation chamanique, de la véritable magie noire qui, quarante ans plus tard, se montre toujours aussi efficace. Tous leurs albums entre 1970 et 1972 sont fortement conseillés. Celui-ci se distingue en outre par son originalité et sa très grande cohérence.
Note : 8/10
Jericho – Jericho (1972) Israël
Voilà un album connu des amateurs de hard rock pointu (« Ethiopia », le premier titre, est d’une époustouflante sauvagerie heavy) mais absolument ignoré des amateurs de rock progressif. Il contient néanmoins le meilleur des deux mondes sans forcément les avoir fusionnés, et c’est peut-être pour cette raison que les amateurs de rock progressif classique l’ont ignoré. Jericho superpose plutôt l’un et l’autre au gré de titres toujours soignés aux mélodies parfois étranges et agrémentés de digressions orchestrales riches en arrangements (le long et excellent « Kill Me With Your Love »). Un excellent disque à découvrir, bien produit, qui ravira c’est sûr les uns et les autres. Avec ce disque, les Israéliens justifient largement leur place dans cette sélection.
Note : 7/10
Julian Jay Savarin – Waiters on the Dance (1971) Angleterre
C’est évident, les trente-deux petites minutes de ce disque n’ont pas bénéficié des mêmes moyens en production qu’un album de Deep Purple. C’est bien dommage, car cette musique possède un gros potentiel. Une certaine majesté que l’on doit à une propension captivante dès l’introspection « hyper-électrique » de « Dance of the Golden Flamingoes » qui démontre une puissance exceptionnelle. Julian Jay Savarin – qui se fera surtout connaître comme auteur prolifique de science-fiction – attaque ses claviers avec une rage et une souveraineté fascinantes. Épaulé d’une superbe guitare au son lourd et lyrique, et d’une formidable chanteuse-prêtresse en la personne de Lady Jo Meek, l’étrange alchimie invoquée par le Britannique efface les quelques défauts et laisse en fin de compte une trace plus profonde qu’il n’y parait. Dommage que le secret de cette recette hermétique ne se soit définitivement perdue.
Note : 8/10
T2 – It’ll All Work Out in Boomland (1970) Grande-Bretagne
Fruit d’un alliage parfait entre hard rock et rock progressif, ce disque est un véritable phénomène. Interprété par un power trio de dix-sept ans de moyenne d’âge, il touche à l’exceptionnel : un batteur fabuleux, un chanteur à la voix nostalgique et envoûtante, un guitariste au style éclatant, des claviers judicieux et par-dessus tout, des compositions à la forte personnalité culminante sur la performance d’un titre de près de vingt minutes ! Bref, It’ll All Work Out in Boomland surclasse ses origines hards (Gun et Bulldog en premier) pour atteindre le septième ciel de là pop music des seventies. Mal distribué par son label Decca, T2 connut l’échec public qui lui coupa net son envol artistique. Lors de ses passages réguliers au Marquee Club, le groupe, dit-on, abasourdit autant Jimi Hendrix que John Lennon ! CQFD.
Note : 9/10
Contrairement à ce qui s’est produit avec le metal progressif au début des années quatre-vingt-dix lorsque Dream Theater publie Images and Words, le hard progressif ne se cristallise pas autour d’un groupe ou d’un album capable de créer une nouvelle esthétique unanimement reconnue. Ainsi doit-on ramasser des pièces éparses afin d’en reconstituer un champ sans limitations claires et définies. Même Deep Purple, l’un des plus représentatifs des ténors de cette époque avec Rush, ne parvient pas à réellement fédérer. Or, à défaut d’un vrai mouvement, un certain nombre de groupes et de disques peuvent être retenus comme des tentatives intéressantes, voire géniales (De De Lind, T2, …), pour associer la puissance électrique des guitares à cette part prométhéenne du rock progressif des origines qui cherchait à sortir des canons étroits de la pop music et se permettre d’explorer de nouvelles voies.
Cette sélection exclut volontairement Deep Purple, Rush ou Blue Öyster Cult qui connurent un énorme succès. Sans retirer la moindre valeur à ces grandes formations qui révèlent une belle résistance au temps grâce à leurs gènes blues-rock de l’éternelle jeunesse, ces icônes emblématiques ont déjà été trop largement citées dans les anthologies pour que Progressia y apporte ici un complément. Ce mini-éventail veut volontairement faire la part belle à quelques « sans grade » d’origines géographiques variées, qui pour des raisons indépendantes de la qualité de leur musique ont raté leur public de leur vivant. Grâce au succès des rééditions et à la circulation planétaire de l’information, peut-être auront-ils droit à une seconde chance, si ce n’est déjà le cas.
Armageddon – Armageddon (1975) États-Unis / Grande-Bretagne
Il arrive que la postérité, à tort ou à raison, repêche des œuvres oubliées. C’est le cas de cet album revenu sous les feux de l’actualité grâce à un érudit dénommé Denis Meyer qui dans son ouvrage de référence intitulé Hard Rock Anthology 1968-1980 a signalé une bévue du destin pour Armageddon. Bévue d’autant plus inexplicable que la formation était composée d’ex-membres prestigieux de Steamhammer, Renaissance, Johnny Winter Group et des Yardbirds, et qui aurait dû attirer l’attention par un style hard fougueux et somptueux, marchant largement sur les plates-bandes du rock progressif, et une pochette marquante et sans ambiguïté sur son contenu pyrotechnique. Armageddon reste certainement en dessous de la valeur de sa nouvelle réputation. Cet unique album, intéressant ne serait-ce que pour son côté proto metal-progressif, est pourtant handicapé par une production médiocre, de grosses longueurs et par un déséquilibre qualitatif sur sa fin, surtout au regard de son long et spectaculaire premier titre « Buzzard ».
Note : 6/10
Captain Beyond – Captain Beyond (1972) États-Unis
Attention bijou. Fruit de requins de studio ayant joué dans des formations aussi prestigieuses que Deep Purple, Iron Butterfly ou Johnny Winter, ce premier album de Capitain Beyond se distingue par des arrangements qui ne laissent aucun doute sur sa nature bicéphale hard et rock progressif, le tout sur fond de textes étranges, presque philosophiques, sur la signification de l’existence. Les qualités principales de ce magnifique album, outre le fait qu’il soit particulièrement bien interprété, sont certainement sa grande fluidité et une richesse mélodique qui agrippe l’auditeur jusqu’à son final très réussi. Unique en son genre, insolite jusque dans sa manière de changer de ton à l’intérieur de ses titres, interprété par des musiciens qui font preuve de personnalité, Captain Beyond est à coup sûr un des indispensables de cette sélection.
Note : 8/10
De De Lind – Io non so da dove vengo e non so dove mai andrò. Uomo é il nome che mi han dato (1972) Italie
Voila une perle noire dissimulée derrière les reliefs transalpins. Cet album suspend le temps pour lui donner une incroyable densité. Tout le génie italien y est synthétisé, à commencer par un sens de la mélodie sublime, un style original émancipé des clichés hard, et une interprétation flamboyante entre riffs lourds entêtants à la Black Sabbath et folk progressif à la Jethro Tull. Un petit chef-d’œuvre dont il faut déguster chaque note tant celles-ci donnent l’impression d’avoir été écrites comme l’œnologue choisit ses meilleurs raisins pour son vin. Un album ample et capiteux, à découvrir absolument.
Note : 9/10
Flower Travellin’ Band – Satori (1971) Japon
On ne peut qu’être désespéré du travail de feignasse de la plupart des journalistes professionnels qui ressortent à chaque occasion les mêmes et sempiternelles références hard ‘n’ heavy seventies. Avec le web et les innombrables rééditions vintages, c’est aujourd’hui un peu la honte pour eux de continuer à zapper une formation japonaise aussi merveilleuse que celle du Flower Travellin’ Band. Une fois de plus, le label Radioactive (à qui on doit entre autres la redécouverte d’un groupe de tueurs dans les années soixante-dix qu’est Totty) aura permis de pouvoir jeter une oreille sur leur musique incroyable. Fusion parfaite entre puissance heavy et le rock progressif auquel Flower Travellin Band ne cessera durant toute sa carrière de faire référence, avec notamment la décapante reprise de « Century Schizoid Man » de King Crimson sur leur premier album ou le curieux mais bref fac-similé d’Emerson, Lake and Palmer en ouverture de leur troisième album. Satori est un voyage spirituel, une initiation chamanique, de la véritable magie noire qui, quarante ans plus tard, se montre toujours aussi efficace. Tous leurs albums entre 1970 et 1972 sont fortement conseillés. Celui-ci se distingue en outre par son originalité et sa très grande cohérence.
Note : 8/10
Jericho – Jericho (1972) Israël
Voilà un album connu des amateurs de hard rock pointu (« Ethiopia », le premier titre, est d’une époustouflante sauvagerie heavy) mais absolument ignoré des amateurs de rock progressif. Il contient néanmoins le meilleur des deux mondes sans forcément les avoir fusionnés, et c’est peut-être pour cette raison que les amateurs de rock progressif classique l’ont ignoré. Jericho superpose plutôt l’un et l’autre au gré de titres toujours soignés aux mélodies parfois étranges et agrémentés de digressions orchestrales riches en arrangements (le long et excellent « Kill Me With Your Love »). Un excellent disque à découvrir, bien produit, qui ravira c’est sûr les uns et les autres. Avec ce disque, les Israéliens justifient largement leur place dans cette sélection.
Note : 7/10
Julian Jay Savarin – Waiters on the Dance (1971) Angleterre
C’est évident, les trente-deux petites minutes de ce disque n’ont pas bénéficié des mêmes moyens en production qu’un album de Deep Purple. C’est bien dommage, car cette musique possède un gros potentiel. Une certaine majesté que l’on doit à une propension captivante dès l’introspection « hyper-électrique » de « Dance of the Golden Flamingoes » qui démontre une puissance exceptionnelle. Julian Jay Savarin – qui se fera surtout connaître comme auteur prolifique de science-fiction – attaque ses claviers avec une rage et une souveraineté fascinantes. Épaulé d’une superbe guitare au son lourd et lyrique, et d’une formidable chanteuse-prêtresse en la personne de Lady Jo Meek, l’étrange alchimie invoquée par le Britannique efface les quelques défauts et laisse en fin de compte une trace plus profonde qu’il n’y parait. Dommage que le secret de cette recette hermétique ne se soit définitivement perdue.
Note : 8/10
T2 – It’ll All Work Out in Boomland (1970) Grande-Bretagne
Fruit d’un alliage parfait entre hard rock et rock progressif, ce disque est un véritable phénomène. Interprété par un power trio de dix-sept ans de moyenne d’âge, il touche à l’exceptionnel : un batteur fabuleux, un chanteur à la voix nostalgique et envoûtante, un guitariste au style éclatant, des claviers judicieux et par-dessus tout, des compositions à la forte personnalité culminante sur la performance d’un titre de près de vingt minutes ! Bref, It’ll All Work Out in Boomland surclasse ses origines hards (Gun et Bulldog en premier) pour atteindre le septième ciel de là pop music des seventies. Mal distribué par son label Decca, T2 connut l’échec public qui lui coupa net son envol artistique. Lors de ses passages réguliers au Marquee Club, le groupe, dit-on, abasourdit autant Jimi Hendrix que John Lennon ! CQFD.
Note : 9/10