Tapetto Traci – Tape tape dans tes mains
Griffé d’influences allant du jazz au metal en passant par le noise et le rock progressif, l’album Neurula est une des plus belles claques de l’année 2009. Avec lui, les trop méconnus Tapetto Traci redonnent tout son sens à la musique rock : électrique, rageuse, et se montrant capable d’exprimer l’essence même de la culture populaire occidentale à travers ce qu’elle a de particulièrement sophistiqué et d’angoissé. Nous avons interrogé le saxophoniste Charley Rose qui, comme son groupe, révèle un fort caractère au penchant sarcastique.
Progressia : La maturité de ce premier album est surprenante !
Charley Rose : En réalité, nous avons déjà auto-produit un disque intitulé Sucre d’ogre. Merveilleux jeu de mot, n’est-ce pas ? Celui-ci nous a permis de dégrossir notre musique pour arriver à quelque chose de plus abouti sans faire abstraction de nos aspirations passées. Neurula est bien notre premier album pressé et sorti sur le label A tant rêver du roi, avec un souci de diffusion.
Votre sens de la construction sur Neurula est admirable. Est-ce spontané ou bien le fruit d’un long et patient travail de mise en forme ?
C’est le fruit d’un long travail. Nous avons jeté de la musique au point de nous désespérer et nous découvrir exigeants jusqu’à la prise de tête ! Notre méthode habituelle consiste généralement à improviser sur des bases composées, puis à trouver une histoire qui nous convient après l’avoir retournée dans tous les sens pour chercher à exprimer le plus souvent une sensation de puissance qui nous irradiera la colonne.
Comment en êtes-vous venus à proposer cette production si claire et dynamique ?
Je pense que c’est la prise live du studio La Trappe de Triboulet et l’enregistrement sur bande qui donnent cet effet. Cependant les avis divergent à ce sujet car tout le monde n’est pas satisfait du résultat. Pour ma part, j’ai appris à l’apprécier.
Votre musique est un cocktail idéal entre virtuosité, énergie, écriture rock’n’roll et jazz rageur. On suppose que vous n’êtes pas insensibles au style furax d’un John Zorn ?
Insensibles, non évidemment. Comment l’être face à la grande versatilité de Monsieur Zorn et ses 54 592 projets nourris d’un savoir-faire unique, sans compter qu’il sait particulièrement bien s’entourer. Nous avons tous été influencés par lui de près ou de loin. Il nous a autant montré ce qu’il fallait faire que ce qu’il ne fallait plus faire.
Quelles sont les sources de votre inspiration musicale ?
J’espère ne pas froisser mes coreligionnaires en m’avançant pour eux. Celles de notre batteur Alexis Toussaint proviennent en grande partie de John Spencer, Primus, Sleepytime Gorilla Museum et plein d’autres. Pour notre bassiste Sébastien Lavigne, c’est du lourd avec Unsane et un tas de truc japonais dont je ne saurais citer les noms, mais aussi Stravinsky et un brin de chauvinisme magmaïen. Quand au guitariste Médéric Grandet, il est attiré tout comme moi par Oxbow et la musique puissante et noire du vingtième siècle. Je suis également un peu versé dans le jazz au son duquel le groupe joue la musique bon marché de Kenny G et profère des « bonsoirrre Mademoiselle » de série rose sur RTL9. Aaaah si vous saviez combien je leur en veux…
On retrouve sur Neurula beaucoup du son et de la rage du fameux Red de King Crimson.
Red est vraiment un album d’anthologie. Je le ressors de temps en temps.
Un autre groupe avait le même type d’aura que la vôtre : Zaar. Les connaissez-vous ?
Oui, notamment leur vielleux et leur bassiste. Ces gars-là sont des perles. On les retrouve d’ailleurs dans la Familha Artús. Ce qu’ils font est monstrueux. La vielle à roue dotée de toute sa palette d’effets donne un ton vraiment original à leur musique tout en restant fidèle aux canons de l’esthétique zeuhl.
C’est gonflé de jouer ce genre de musique en France, non ? Comment se passe l’accueil ?
Il est bon en général. Peu de gens fuient les salles de concert quand on joue. Qu’en pensez-vous, c’est plutôt bon signe, non ?
Que veut dire Tapetto Traci, en dehors du fait que ça sonne bien ?
Concernant cette question, le silence sera bien plus éloquent que la parole…
Du point de vue musical, quelle est la situation actuelle selon vous, en France ?
Franchement, je pense qu’elle est très mauvaise. Je n’ai pas envie de servir un discours réchauffé mais il est clair que la culture est passée en second plan. La musique en est logiquement affectée. Les normes de sécurité et les plaintes à répétition font fermer de nombreuses salles. Les centres villes sont comme « nettoyés ». Heureusement, il est très positif de voir un certain nombre de collectifs comme A tant rêver du roi, dont nous faisons partie, rester sur la brèche, animé. Le militantisme n’est pas mort. Avec un peu d’effort, on peut encore trouver chaussure à son pied dans le paysage musical français. Sur la merde grandit la vie !
Quelles sont vos autres sources d’inspirations extra-musicales ?
Sans aucun doute les films, la lecture, mon bon vieux camarade Buk, la migraine, le café et toutes sortes de stimulations et frustrations émotionnelles qu’il faut déverser dans un flot constant de sublimation…
Comment avez-vous appris la musique ?
Chacun y est allé de sa petite formation personnelle, avec ou sans profs. De manière générale, on a tous appris en vivant et en écoutant des disques.
La scène est-elle importante pour vous ?
C’est même le plus important et le plus jouissif ! Il faut savoir sortir de la galère des repères et monter au défouloir. Après s’être acharné sur les morceaux, on doit simplement pouvoir se débrancher le cerveau et jouer ! Tout dépend cependant des conditions sonores.
Chez Progressia, on se demande s’il n’y a pas trop de groupes aujourd’hui. Il est de plus en plus difficile de faire connaître et d’apprécier les meilleurs d’entre eux au milieu de cette pléthore de formations pas toujours essentielles. Qu’en pensez-vous ?
Il faut faire simple, faire en sorte de pouvoir jouer le plus possible. Si on a la chance d’être entendu, c’est un encouragement pour continuer à faire ce qui nous plaît, avec ou sans le consentement du reste du monde. Cependant, je suis d’accord, il y a un plus grand nombre de groupes qui tournent aujourd’hui et il devient plus en plus dur de caler des dates. MySpace y est peut-être pour quelque chose.
Quels sont vos projets pour 2010 ?
Pour cette année, nous souhaitons être de bons garçons, manger équilibré, boire moins, des enfants, une vie de famille, ranger nos guitares dans leur étui puis s’intéresser à des choses plus normales et constructives telles que la comptabilité ou la recherche d’uranium en Iran. Mais ce n’est pas notre vie. Dans la nôtre, on prépare une petite tournée en Italie pour avril, on essaye pour cet été de jouer un maximum et on voudrait se remettre à composer. Ces derniers mois, nous avons laissé le champ neuronal en jachère en espérant qu’il en ressorte quelque chose de bon.
Progressia : La maturité de ce premier album est surprenante !
Charley Rose : En réalité, nous avons déjà auto-produit un disque intitulé Sucre d’ogre. Merveilleux jeu de mot, n’est-ce pas ? Celui-ci nous a permis de dégrossir notre musique pour arriver à quelque chose de plus abouti sans faire abstraction de nos aspirations passées. Neurula est bien notre premier album pressé et sorti sur le label A tant rêver du roi, avec un souci de diffusion.
Votre sens de la construction sur Neurula est admirable. Est-ce spontané ou bien le fruit d’un long et patient travail de mise en forme ?
C’est le fruit d’un long travail. Nous avons jeté de la musique au point de nous désespérer et nous découvrir exigeants jusqu’à la prise de tête ! Notre méthode habituelle consiste généralement à improviser sur des bases composées, puis à trouver une histoire qui nous convient après l’avoir retournée dans tous les sens pour chercher à exprimer le plus souvent une sensation de puissance qui nous irradiera la colonne.
Comment en êtes-vous venus à proposer cette production si claire et dynamique ?
Je pense que c’est la prise live du studio La Trappe de Triboulet et l’enregistrement sur bande qui donnent cet effet. Cependant les avis divergent à ce sujet car tout le monde n’est pas satisfait du résultat. Pour ma part, j’ai appris à l’apprécier.
Votre musique est un cocktail idéal entre virtuosité, énergie, écriture rock’n’roll et jazz rageur. On suppose que vous n’êtes pas insensibles au style furax d’un John Zorn ?
Insensibles, non évidemment. Comment l’être face à la grande versatilité de Monsieur Zorn et ses 54 592 projets nourris d’un savoir-faire unique, sans compter qu’il sait particulièrement bien s’entourer. Nous avons tous été influencés par lui de près ou de loin. Il nous a autant montré ce qu’il fallait faire que ce qu’il ne fallait plus faire.
Quelles sont les sources de votre inspiration musicale ?
J’espère ne pas froisser mes coreligionnaires en m’avançant pour eux. Celles de notre batteur Alexis Toussaint proviennent en grande partie de John Spencer, Primus, Sleepytime Gorilla Museum et plein d’autres. Pour notre bassiste Sébastien Lavigne, c’est du lourd avec Unsane et un tas de truc japonais dont je ne saurais citer les noms, mais aussi Stravinsky et un brin de chauvinisme magmaïen. Quand au guitariste Médéric Grandet, il est attiré tout comme moi par Oxbow et la musique puissante et noire du vingtième siècle. Je suis également un peu versé dans le jazz au son duquel le groupe joue la musique bon marché de Kenny G et profère des « bonsoirrre Mademoiselle » de série rose sur RTL9. Aaaah si vous saviez combien je leur en veux…
On retrouve sur Neurula beaucoup du son et de la rage du fameux Red de King Crimson.
Red est vraiment un album d’anthologie. Je le ressors de temps en temps.
Un autre groupe avait le même type d’aura que la vôtre : Zaar. Les connaissez-vous ?
Oui, notamment leur vielleux et leur bassiste. Ces gars-là sont des perles. On les retrouve d’ailleurs dans la Familha Artús. Ce qu’ils font est monstrueux. La vielle à roue dotée de toute sa palette d’effets donne un ton vraiment original à leur musique tout en restant fidèle aux canons de l’esthétique zeuhl.
C’est gonflé de jouer ce genre de musique en France, non ? Comment se passe l’accueil ?
Il est bon en général. Peu de gens fuient les salles de concert quand on joue. Qu’en pensez-vous, c’est plutôt bon signe, non ?
Que veut dire Tapetto Traci, en dehors du fait que ça sonne bien ?
Concernant cette question, le silence sera bien plus éloquent que la parole…
Du point de vue musical, quelle est la situation actuelle selon vous, en France ?
Franchement, je pense qu’elle est très mauvaise. Je n’ai pas envie de servir un discours réchauffé mais il est clair que la culture est passée en second plan. La musique en est logiquement affectée. Les normes de sécurité et les plaintes à répétition font fermer de nombreuses salles. Les centres villes sont comme « nettoyés ». Heureusement, il est très positif de voir un certain nombre de collectifs comme A tant rêver du roi, dont nous faisons partie, rester sur la brèche, animé. Le militantisme n’est pas mort. Avec un peu d’effort, on peut encore trouver chaussure à son pied dans le paysage musical français. Sur la merde grandit la vie !
Quelles sont vos autres sources d’inspirations extra-musicales ?
Sans aucun doute les films, la lecture, mon bon vieux camarade Buk, la migraine, le café et toutes sortes de stimulations et frustrations émotionnelles qu’il faut déverser dans un flot constant de sublimation…
Comment avez-vous appris la musique ?
Chacun y est allé de sa petite formation personnelle, avec ou sans profs. De manière générale, on a tous appris en vivant et en écoutant des disques.
La scène est-elle importante pour vous ?
C’est même le plus important et le plus jouissif ! Il faut savoir sortir de la galère des repères et monter au défouloir. Après s’être acharné sur les morceaux, on doit simplement pouvoir se débrancher le cerveau et jouer ! Tout dépend cependant des conditions sonores.
Chez Progressia, on se demande s’il n’y a pas trop de groupes aujourd’hui. Il est de plus en plus difficile de faire connaître et d’apprécier les meilleurs d’entre eux au milieu de cette pléthore de formations pas toujours essentielles. Qu’en pensez-vous ?
Il faut faire simple, faire en sorte de pouvoir jouer le plus possible. Si on a la chance d’être entendu, c’est un encouragement pour continuer à faire ce qui nous plaît, avec ou sans le consentement du reste du monde. Cependant, je suis d’accord, il y a un plus grand nombre de groupes qui tournent aujourd’hui et il devient plus en plus dur de caler des dates. MySpace y est peut-être pour quelque chose.
Quels sont vos projets pour 2010 ?
Pour cette année, nous souhaitons être de bons garçons, manger équilibré, boire moins, des enfants, une vie de famille, ranger nos guitares dans leur étui puis s’intéresser à des choses plus normales et constructives telles que la comptabilité ou la recherche d’uranium en Iran. Mais ce n’est pas notre vie. Dans la nôtre, on prépare une petite tournée en Italie pour avril, on essaye pour cet été de jouer un maximum et on voudrait se remettre à composer. Ces derniers mois, nous avons laissé le champ neuronal en jachère en espérant qu’il en ressorte quelque chose de bon.