Kiko Loureiro – Kiko Loureiro
Origine : Brésil
Style : multicarte
Né en : 1972
Dernier album : Fullblast (2009)
La richesse musicale du Brésil permet une émancipation certaine pour ses musiciens qui souhaitent rafraîchir leur carrière, parfois marqué du sceau trop pressant d’un succès forgé sur des années. Connu pour être l’un des deux guitaristes d’Angra et reconnu pour sa pratique tant appréciée de son instrument, Kiko Loureiro joue sur tous les fronts, en s’exerçant notamment à la rencontre du jazz, de la fusion et du folklore brésilien. C’est à Montmartre lors d’une superbe journée que l’entretien s’est déroulé dans un français exemplaire !
Progressia : Neural Code est-il le groupe d’un seul disque ou d’autres albums sont-ils prévus ?
Kiko Loureiro : L’idée est effectivement de proposer un album tous les ans. Il faudra néanmoins tenter de concilier nos emplois du temps respectifs avec Edgard « Cuca » Teixeira et Thiago Espírito Santo qui m’accompagnent respectivement à la batterie et à la basse. Outre mes activités avec Angra et ma carrière en solo, tous deux sont des musiciens expérimentés et très réputés au Brésil, occupés sans cesse à fouler les planches en compagnie de prestigieux musiciens. Dans tous les cas, c’était un premier essai réussi car nous sommes parvenus à combiner nos goûts personnels que sont l’univers du jazz, dont Cuca et sa famille sont issu, la connaissance de la musique brésilienne de Thiago et le jazz fusion que j’affectionne. En dix sessions dans le studio de Cuca, à raison de deux fois par mois, nous avons composé huit titres. Tout était donc très spontané mais également compliqué pour y parvenir.
Etais-tu convaincu que l’alchimie prendrait ?
Je les connais depuis un bon bout de temps pour avoir collaboré avec eux par le passé, aussi bien humainement que musicalement. Cuca était présent notamment sur mon album solo Universo Inverso. Nous n’avons rencontré aucune difficulté particulière à poser les bases de notre musique. C’est d’ailleurs très simple de débuter sur une page blanche car tout est permis. Ce bouillon d’idées a défini le concept et l’identité du groupe. En revanche, nous ne savons pas si nous garderons tous les paramètres de ce premier album pour le second, peut-être aurons-nous une approche totalement différente. En général, les productions suivantes amènent toujours de nouvelles difficultés.
Quels ont été les retours lors des concerts de Neural Code et comment ce premier album a-t-il été reçu dans le milieu du jazz brésilien ?
Où est le milieu du jazz au Brésil ? (rires) Nous n’avons donné que très peu de concerts car nos agendas ne nous le permettent pas. Le problème vient de ma réputation de guitariste de rock. Beaucoup de gens qui pratiquent cet instrument et qui évoluent dans ce milieu viennent nous voir pour apprécier en outre les aptitudes techniques de Thiago et Cuca. Dès lors, les shows prennent une tournure plus énergique que ce que nous proposons sur l’album. C’est d’ailleurs intéressant pour eux de jouer devant une audience plus jeune, plus metal, car ils ont cette volonté de présenter les aspects et la qualité de leur propre musique par le biais du rock. Le public est alors impressionné par ces deux musiciens qu’ils ne connaissent pas et ils leur accordent ainsi beaucoup de crédit. L’attention se porte souvent sur Thiago car il est rare de voir un bassiste enchaîner autant de plans hallucinants propres à la guitare pour des teenagers.
L’album sera-t-il disponible en France ? La situation actuelle ne te semble-t-elle pas compliquée désormais pour obtenir des contrats de distribution corrects ?
Il devrait l’être bientôt malgré les problèmes que tout le monde rencontre à présent pour bénéficier d’un réseau efficace. L’essentiel avec Neural Code, c’est de pouvoir jouer la musique qu’on aime. Au Brésil, on ne stresse pas lorsqu’il s’agit de faire des concerts ou de vivre de la musique car on se débrouille tout le temps. Si j’ai des obligations avec Angra souvent très lourdes qui me lient à une maison de disques, il ne s’agit pas de concevoir un produit avec Neural Code ni d’assurer de la promo ou d’éditer des DVD ou des singles tous les six mois, mais de bel et bien jouer de la musique, avec ou sans support. C’est également valable d’un point de vue scénique : si la salle est vide et que tu joues bien, tu es content ; si le concert est rempli à ras-bord et que tu joues mal, tu le vis rarement bien.
Souhaites-tu à l’avenir défricher d’autres genres musicaux ?
Non, ce n’est pas vraiment dans mes projets, je ne vois pas vraiment ce que je pourrais apporter de plus que ce que je propose déjà, avec Fullblast par exemple. En revanche, j’aime la guitare acoustique et je nourris le rêve de publier un album de cet acabit un jour. Mais pour cela je dois étudier sans relâche afin de réussir à proposer une œuvre cohérente. C’est vraiment un autre instrument.
As-tu toujours le temps de pratiquer ton instrument depuis que ta carrière a décollé au milieu des années quatre-vingt-dix ? Alloues-tu un moment spécifique dans la journée pour t’y exercer ?
Malheureusement, les jours s’enchaînent à grande vitesse et mon planning ne me le permet pas. Je voyage à travers le monde, notamment pour donner des clinics de deux heures, c’est à ce moment-là que je conjugue mon entraînement et la rencontre avec le public, d’autant plus que je n’ai pas le droit à l’erreur. C’est définitivement le meilleur exercice qui soit, surtout devant un parterre de guitaristes qui attend le moindre pain. (rires) Je trouve néanmoins toujours du temps entre les hôtels et les aéroports pour m’exercer à la guitare.
Les rencontres avec ton public t’ont-t-elles apportées un éclairage ou non sur ta manière d’appréhender ton instrument ?
Absolument, mais pas forcément lors desclinics car les gens présents ne sont pas là pour critiquer mais pour apprendre. C’est surtout à la lecture des commentaires ou des échanges que j’estime constructifs sur Internet que les avis sont pertinents, surtout quand je sais quelles sont les personnes qui les émettent. C’est avant tout le fait de jouer avec d’autres musiciens qui me permet d’élargir et de consolider mon jeu. J’ai beaucoup appris avec Angra, avec mon alter-ego Rafael [NdlR : Bittencourt] avec qui nous avons toujours tenté d’évoluer et de tirer l’autre vers le haut. Par exemple, j’ai énormément appris aux côtés de Mike Terrana [NdlR : batteur présent sur No Gravity] et de Doug Wimbish [NdlR : bassiste de Living Colour, qui a également joué pour Madonna, Jeff Beck ou encore Mick Jagger] en participant à l’album solo de Tarja Turunen [NdlR : ex-Nightwish], tous deux amŽricains, avec une grande expérience et qui possèdent chacun leurs propres influences.
As-tu connu des périodes sombres où tu pensais ne plus évoluer ?
Il y en a toujours, comme vouloir changer radicalement de style sur un coup de tête, en rentrant de tournée où fatigué, je me demande si c’est vraiment ce que j’aime ou si je ne serais pas mieux à la maison à faire de la musique entre amis. C’est stressant d’être toujours aux quatre coins de la planète. Je suis comme tout le monde, enfin j’espère (rires), avec mes bons et mes mauvais jours.
Tu as débuté en étant très jeune avec Angra…
Dix-huit ans avec le même groupe effectivement. Je me souviens encore des répétitions sur « Carry On » avant qu’Angels Cry ne soit enregistré. Bref, il y a toujours cette séparation entre être musicien à part entière et membre d’un groupe, entre ce désir d’explorer sans cesse de nouveaux territoires d’un côté tout en gardant les fondements essentiels d’Angra et les obligations dont je parlais auparavant.
Ce qui nous amène à éclaircir la situation du groupe en ce moment. Votre actualité reste très floue et des rumeurs ont fait état de l’arrêt pur et simple d’Angra. L’absence de communication, notamment par le biais de votre site web, est -elle voulue ?
Pour le moment oui, car nous souhaitions faire une grosse pause pendant quelques temps. Avant d’être sûrs de concevoir un nouvel album, nous avons décidé de donner des concerts au Brésil cette année en compagnie de Sepultura que les médias ont relayé là-bas.
C’était donc l’occasion de vous rôder avec Ricardo Confessori. Quelles sont les raisons de ce retour inattendu et très apprécié depuis son départ en 2000 ?
Nous avons cherché de nouveaux batteurs pour remplacer Aquiles Priester, et il se trouve que Ricardo avait joué avec Rafael sur un projet. Tout s’est donc fait très naturellement. A vrai dire, nous n’aimons pas qu’Angra change autant, or il se trouve qu’après neuf ans, le groupe a connu de fortes perturbations qui ont entraîné le départ de Luis [NdlR : Mariutti], Andre [NdlR : Matos] et Ricardo. J’insiste, c’est très dur et très compliqué de tout concilier et de parvenir à rester ensemble aussi longtemps, entre toutes les histoires d’ego, les envies de chacun, les vies personnelles qui évoluent, les mariages, ceux qui souhaitent partir en tournée et les autres qui veulent rester à la maison. Il s’est passé la même chose au bout de huit ans avec le nouveau line-up.
Mais ne penses-tu pas que l’âge d’or du groupe, cette magie oserait-on dire, se situaient entre 1992 et 2000 avec les albums Angels Cry, Holy Land et dans une moindre mesure Fireworks ? De ce fait, un retour de Luis et Andre est-il à proscrire ou non ?
Je ne souhaite pas vraiment répondre à cette question. Dans tous les cas, si cette « magie » qu’on trouvera toujours sur ces albums ressuscite, ce sera de manière naturelle, comme c’est le cas avec Ricardo, et non pas par le souhait d’un manager ou d’un label. La question musicale est une chose, celle d’ordre personnel en est une autre. En revanche, les soucis liés au management sont révolus. [NdlR : Angra a subi pertes et fracas avec le grand patron du magazine brésilien Rock Brigade, Antonio D. Pirani, producteur exécutif et détenteur légal du nom du groupe et d’autres subtilités juridiques] Je ne pense pas qu’une époque était meilleure qu’une autre, même si je sais que la plus chère au public français était la première. Nous avons composé dans tous les sens du terme avec les années qui se sont écoulées et en cela, je n’ai aucune nostalgie, aucun regret. Faire un nouveau Holy Land tient plus d’une volonté commune que d’un plan marketing.
Un album t’a-t-il plus marqué que les autres ?
Oui, Fireworks, car c’était le début des problèmes internes et que nous n’avons jamais eu le temps de terminer et de peaufiner comme nous l’avions fait sur Holy Land, sur la question des arrangements et des orchestrations. Un léger goût d’inachevé subsiste surtout que les tensions étaient telles qu’il aurait été osé de dire à l’un des gars que j’aime, en tant qu’ami, que la partie qu’il a composé ne me plaît pas. La musique est tellement personnelle qu’il faut savoir séparer la personne du musicien. Et la magie ne se crée que lorsque les gens travaillent ensemble et non pas chacun de son côté comme c’était le cas à cette période. Nous avons toujours rencontré des difficultés inhérentes à chaque album. C’est d’ailleurs plus facile d’en parler maintenant qu’il y a neuf ans, avec le recul. Je peux tout de même affirmer que je garde de très bons souvenirs de la production d’Holy Land et de Temple of Shadows, deux albums qui ont été fignolés jusque dans les moindres détails, car nous avons pris le temps pour y parvenir. Heureusement, nous n’en sommes pas à avoir besoin de l’aide d’un psy comme on peut le voir sur le DVD de Metallica. (rires)
Une troisième ère débute donc pour Angra à présent ?
Absolument, car nous essayons en premier lieu de nous réunir afin de faire monter la sauce. Par ailleurs, nous connaissons davantage le métier, c’est donc un nouveau départ sur de solides bases liées à toute l’expérience accumulée depuis 1991. Le plus drôle, c’est que j’ai l’impression que Ricardo ne nous a jamais quitté, c’est comme au premier jour, comme si rien ne s’était réellement passé. C’est une sensation très agréable, car en discutant avec lui, nous nous sommes rendus compte que nous n’avions gardé finalement que d’excellents souvenirs.