ENTRETIEN : SHADOW GALLERY | |
Origine : Etats-Unis Style : metal progressif Formé en : 1983 Composition : Brian Ashland – chant Brendt Allman – guitare, chœurs Gary Wehrkamp – guitare, chœurs, claviers Carl Cadden-James – basse & chœurs, flûte Joe Nevolo – batterie Album à paraître : Digital Ghosts (2009) | La nouvelle était tombée comme une claque en novembre 2008 lorsque nous apprenions la disparition de Mike Baker, l’emblématique chanteur de Shadow Gallery, des suites d’une crise cardiaque. Orphelin de son vocaliste, le groupe s’est terré dans un mutisme pour n’en ressortir que plus fort avec la sortie d’un nouvel album et ce premier entretien exclusif mondial qu’a donné Gary Wehrkamp pour Progressia, jouant le jeu à fond – parfois non sans émotion –, n’éludant aucune question et répondant avec toute la passion, la sympathie et la sincérité qui le caractérise. Les fantômes du passé ressurgissent pour cette nouvelle ère digitale.
Progressia : Il y a bientôt cinq ans, Shadow Gallery rejoignait InsideOut Music. Quel bilan tires-tu de la période qui a suivi votre signature ? Gary Wehrkamp : Je me suis investi sur des projets en parallèle comme Expedition Delta avec le guitariste Srdjan Brankovic, Dream Tone, Amaran’s Plight avec lesquels j’ai mis en boite Voice in the Light ainsi que Terra Incognito. J’aime être occupé entre nos enregistrements de Shadow Gallery, bien que parfois il s’avère que nous sommes finalement tous débordés avec tous ses projets qui viennent se greffer sur nos agendas. La plupart du temps, ce qui reste le plus difficile, c’est de redémarrer le moteur. Au delà de ça, J’ai également ouvert mon studio d’enregistrement et son lancement implique d’autres processus. Une fois que nous avions commencé à maquetter, la machine était lancée.
Rentrons dans le vif du sujet : nous avons tous été extrêmement choqués par le décès de Mike. Quelle a été la première pensée venue à l’esprit ? Abandonner ? Faire un break ou pensiez-vous que c’est dans l’adversité que vous vous êtes le plus soudés ? Rien de tout cela. Il était néanmoins évident que Shadow Gallery devait être un temps mis entre parenthèses, ne serait-ce que par respect pour les proches de Mike. Car avant d’être des musiciens, nous sommes liés par une très forte amitié, et c’est plus dur de perdre un ami que de devoir retrouver un chanteur. Ce drame est survenu alors que nous avions déjà des titres de prêt : Brendt et moi-même avions travaillé sur beaucoup de matériel, Carl s’était occupé des textes et lignes de chant. Mike ne participait jamais vraiment à la composition mais lorsqu’il a écouté les démos que nous avions rassemblées, ça l’a motivé en un claquement de doigts. Je ne l’avais jamais vu comme ça ! Je pèse mes mots, il n’avait qu’une envie : entrer en studio et en découdre. C’est tellement frustrant. Il devait enregistrer chez lui des lignes de chant basiques afin de défricher un peu le terrain, alors qu’il avait son déménagement sur le feu qui prenait du temps. Il est décédé la veille de mettre les voiles… Dans tous les cas, il n’a jamais été question de mettre un terme à Shadow Gallery.
La communauté progressive internationale a réagi de manière unanime à l’annonce de son décès. Si les témoignages sont venus du monde entier, l’un des hommages les plus touchants à sans doute été celui d’Arjen Lucassen… Arjen a effectivement été assez marqué et ce fut l’un des premiers à être au courant de la disparition de Mike et ce, à la demande de Denise, sa compagne. Je voulais imprimer tous ces messages de soutien pour les funérailles de Mike et les remettre à Denise ainsi qu’à sa famille, mais je n’ai malheureusement pu m’en occuper car c’est un travail de longue haleine. Il y avait d’une part, près de huit cent messages et d’autre part, imprimer toutes ces marques d’affection sur une feuille rend la lecture pénible, car les caractères sont minuscules. Sachez toutefois qu’ils ont été très appréciés et qu’ils nous sont allés droit au cœur et à ceux des proches de Mike. J’ai pris le temps de lire tous les témoignages envoyés sur Myspace, toutes ces marques de soutien et de sympathie ainsi que toutes les condoléances adressées sur notre forum. Je vais être honnête avec toi : jusqu’à son décès, je ne me suis jamais vraiment soucié de l’impact de Shadow Gallery. J’ai toujours pensé, sans pour autant les dénigrer, loin de là, que nous n’avions qu’une poignée de fans. Or les réactions à la disparition de Mike m’ont fait prendre conscience du nombre important de gens qui nous supportent, et je profite de la perche que vous nous tendez pour remercier toutes ces personnes du monde entier qui nous ont témoigné leur support dans ces moments difficiles. Je sais que Facebook inclut le principe des fan pages et apprendre que des passionnés comme vous prêchent la bonne parole, c’est extrêmement gratifiant, car cela prouve que nous ne faisons pas cette musique pour rien. C’est dans de telles situations comme celle-ci que nous voyons vraiment l’importance des fans.
Cet évènement majeur vous a-t-il fait modifier votre ligne de conduite sur le plan artistique ? Je t’avais posé une question semblable à l’époque de Room V et tu m’avais répondu ne pas avoir inclus de nouveaux éléments musicaux telles que des musiques typées orientales ou des percussions, de peur de sortir du concept de Shadow Gallery. Vous êtes-vous dits cette fois-ci no limits ou êtes-vous restés fidèles à votre devise ? Il y a effectivement quelques nouveautés comme des percussions. Je n’écoute pas beaucoup de musique en temps normal pour être franc, encore moins depuis que j’ai mon studio d’enregistrement dans lequel je passe mon temps à produire et à enregistrer des groupes. Ma contribution a été de rendre le disque encore plus progressif. Brendt, quant à lui, a inclus beaucoup d’éléments et de thèmes empruntés au jazz-fusion puisqu’il en est un fervent amateur. Cela a eu pour effet d’amener une certaine fraicheur à notre musique. Le résultat final risque donc d’en surprendre plus d’un !
Lors de notre précédent entretien, tu avais mentionné que le concept démarré sur Tyranny et poursuivi sur Room V continuerait et qu’il s’intitulerait Two Shadows… Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Effectivement, c’est bien ce que je t’avais dit à l’époque, mais il n’a jamais été question que ce soit pour ce nouveau disque. La disparition de Mike n’est pas la raison première de ce changement. Tout s’est fait naturellement, en toute fluidité comme c’était le cas entre Tyranny et Legacy. Apres Room V, nous étions quelque peu cramés. Nous aurions pu poursuivre le concept mais nos choix ont dévié vers des chansons indépendantes. Au moment où je te parle, il n’y a donc pas de plans pour un double album, sauf revirement de situation, et pas de disque bonus.
Parlons du successeur de Mike. Une rumeur circulait sur la présence de D.C. Cooper (Silent Force, Amaran’s Plight) sur un titre et suggérait éventuellement un poste à temps complet… Pour être totalement honnête, cette possibilité de le voir sur le long terme à ce poste ne nous a même pas effleuré l’esprit. Je l’adore, autant l’homme que le musicien avec j’ai eu la chance de bosser sur des projets parallèles, mais nous ne l’avons pas choisi pour succéder à Mike ni pour chanter sur un tite.
Avez-vous dès lors reçu beaucoup de candidatures ? Avez-vous déjà porté votre choix sur un éventuel candidat ? Si oui, peux-tu nous donner son nom de l’heureux élu ? La musique était déjà composée au moment où nous sommes tombés d’accord. Nous avons trouvé quelqu’un qui cadre parfaitement avec ce que nous recherchions : Brian Ashland. Il possède son style et n’essaie en aucun cas de copier Mike. De toute façon, la plus parfaite des copies ne sera jamais l’égal de l’original et sera d’office jetée à la poubelle. Concernant le nombre de candidats, nous n’en avons pas eu des masses…
C’est-à-dire ? (visiblement gêné) Nous en avons auditionné moins d’une dizaine… Moins de cinq en réalité (rires). Ils ne se sont pas bousculés au portillon pour tenter leur chance. Cela étant dit, nous n’avions pas d’objectifs en terme de nombre de candidats, car être un groupe de notre relative envergure nous évite d’avoir de sacrées migraines lors d’éventuelles auditions. J’aime appartenir à Shadow Gallery et je ne m’imagine certainement pas être dans Iron Maiden au moment de désigner le remplaçant de Bruce Dickinson ! (rires)
Nous avons d’ailleurs pu découvrir les talents de Carl sur Room V éclater au grand jour. As-tu déjà pensé qu’il pouvait être le chanteur idoine ? C’est vrai que Carl chante très bien. Nous en avons parlé entre nous, et de son propre aveu, c’est bien la dernière personne qui postulerait pour ce boulot.
Cela t’a-t-il incité à chanter davantage ? Brendt, Carl et moi faisons tous les chœurs donc c’est déjà pas mal. Mais à l’avenir, pourquoi pas ?
En plus de DC, d’autres invités sont-ils prévus sur le disque ? Oui, il y aura Srdjan Brankovic, l’éminence grise d’Expedition Delta et le claviériste français Vivien Lalu qui nous a sorti un solo absolument extraordinaire !
Es-tu à nouveau unique producteur de l’album ? L’album a été enregistré en grande partie au New Horizon Studio que je possède. Carl et Brendt ont enregistré certaines de leurs parties chez eux. Néanmoins, on peut parler aujourd’hui de co-production, car Brendt s’est énormément investi dans le processus. Il m’a beaucoup aidé, notamment lorsqu’il s’agissait d’enregistrer mes parties. J’avais cette tendance à vouloir tout superviser et rarement déléguer, mais Brendt est arrivé avec son lot d’idées. Le résultat s’en retrouve vraiment enrichi et confère ainsi une certaine fraicheur à l’ensemble.
Chris Ingles est-il de retour dans le groupe ? La situation n’a pas réellement évolué sur ce sujet. (NdlR : la situation de Chris Ingles est quelque peu ambiguë depuis la sortie de Room V. Aucun communiqué officiel ne mentionne spécifiquement son départ)
Tu auras remarqué que je ne t’ai pas posé la sempiternelle question : « Qu’en est-il d’éventuels projets de tournée ? » ! (rires) Et c’est très bien ! (rires) C’est vrai que cette question revient inlassablement, mais que peut-on y faire ? Dans un sens, c’est normal. D’un autre coté, je pense que les gens ont compris que ce serait difficile.
A toi de conclure cet entretien… Vous avez été avec nous à vos débuts et nous étions déjà ravis de figurer dans vos colonnes papier. Votre soutien est donc vraiment de premier ordre et un réel honneur. Je profite de l’occasion que tu me donnes pour remercier l’équipe de Progressia, ses lecteurs ainsi que toutes les personnes qui nous ont témoigné leur sympathie et leur soutien face à l’adversité et cette terrible épreuve qui a vu un de nos amis partir prématurément. Propos recueillis par Dan Tordjman site web : Shadow Gallery retour au sommaire |