ENTRETIEN : TORTOISE | |
Origine : Etats-Unis Style : post-rock éclectique Formé en : 1993 Composition : Jeff Parker – guitare, basse Dan Bitney – guitare, percussions, claviers Doug McCombs – basse John Herndon – batterie, claviers John McEntire – batterie, claviers | En abandonnant certains éléments qui forment leur marque de fabrique, comme le vibraphone par exemple, les Américains ont épaissi leurs sonorités avec leur sixième album, Beacons of Ancestorship, qui en surprendra certainement plus d’un. Une chose est sûre : on aime les musiques progressives chez Tortoise, mais pas seulement. Etat des lieux de la sortie d’un nouvel album en pleine crise du disque avec un Jeff Parker amusé de répondre par des couleurs égayées à chacune de nos questions par email ! Progressia : Votre dernier album studio, It’s All Around You, a été publié en 2004. Que s’est-il passé depuis ? Quels étaient les projets du groupe ou de ses membres, individuellement parlant ? Jeff Parker : Nous avons collaboré avec Will Oldham (alias Bonnie « Prince » Billy) pour un album de reprises intitulé The Brave and the Bold, puis nous avons publié A Lazarus Taxon, un coffret de raretés et nous avons contribué à un morceau sur Plum, le coffret anniversaire des quinze ans de Thrill Jockey Records. Nous sommes également tous très occupés par tous les concerts que nous donnons chacun en dehors de Tortoise [NdlR : Dan Bitney, John Herndon et Jeff Parker dans le projet Isotope 217, John McEntire dans The Sea and the Cake et Doug McCombs dans Brokeback].
Beacons of Ancestorship semble plus expérimental, mais également plus direct et spontané que ses prédécesseurs. Avez-vous laissé plus de place pour l’improvisation pendant l’enregistrement ? Il n’y en a pas à proprement parlé même si elle a joué un petit rôle dans la composition de l’album. C’est effectivement notre album le plus direct, car la plupart des morceaux ont été entièrement conçues hors du studio, et nous n’avions pas procédé de cette manière depuis un certain temps. Nous composons habituellement les morceaux en studio d’enregistrement.
Comment s’est passé l’enregistrement en comparaison de It’s All Around You ? On pense notamment à l’absence des vibraphones… Nous ne possédions pas vraiment de morceaux écrits lorsque nous avions débuté les sessions pour It’s All Around You, qui s’est vu attribué un bon nombre d’overdub et de couches sonores supplémentaires. Pour Beacons of Ancestorship, nous avons décidé de mettre de côté vibraphones et marimbas pour pousser le groupe vers d’autres directions.
Ce qui est remarquable dans votre musique, et en particulier sur ce nouvel album, ce sont les différents styles approchés dans chaque titre (ambient, dub, noise, jazz, progressif, etc.). Comment s’est mis en place le processus de composition qui semble à première vue très hétérogène mais qui en fin de compte affiche une identité clairement unifiée ? Nous composons en nous orientant vers de multiples directions. Tout repose essentiellement sur le développement des idées. Quelqu’un en présente une, que ce soit un concept, un sample, un rythme, un son, une suite d’accords, une mélodie, etc. Tout le monde y met alors son grain de sel jusqu’à former un matériau que l’on peut façonner. Parfois ça marche, d’autres fois non. Cela requiert beaucoup d’expérimentations.
On sent davantage l’influence du rock progressif des années soixante-dix. « Prepare Your Coffin », par exemple, rappelle Caravan voire Camel. Ce style est-il devenu une influence majeure de Tortoise ? Nous adorons le prog’. Nous sommes fans de tous les genres de musiques progressives et de pensées ou d’idées progressives. Faire progresser signifie aller de l’avant. C’est toujours bon et c’est bien une chose que tous les humains devraient s’efforcer de faire. Je suis un grand fan de Soft Machine et de Robert Wyatt. J’adore également les premiers King Crimson, Gong, Gentle Giant, Amon Düül, Ash Ra Tempel et à peu près tout provenant de Manuel Göttsching. Mais je DETESTE Yes.
Quels groupes ou musiques ont influencé Tortoise récemment et ont-ils eu un impact sur Beacons of Ancestorship ? Soft Machine, Suicide, Pig Destroyer, J Dilla, Madlib, ZZ Top, Alice Coltrane, The Stooges, Bad Brains, Roy Orbison, David Axelrod, Lightning Bolt, Television, Buddy Guy, Milton Nascimento, Arthur Verocai, Arnold Dreyblatt, James Brown, Sun City Girls, The Boredoms, Batucada, The Scientist, Gigi Gryce, Minutemen… Nous n’avons jamais l’intention de copier qui que ce soit, mais nos influences apparaissent toujours dans ce que l’on propose !
Y a-t-il un concept derrière le titre de l’album (très étrange pour les personnes francophones) ? Il n’y a pas de concept intrinsèque… C’est le nom d’un livre qui a été écrit par le même type qui a écrit In Sarah, Christ and Beethoven, There Were Women And Men, qui est également le nom d’un des morceaux de notre troisième album TNT.
Qui est le « grand Manitou » dans Tortoise ? On pourrait penser à John McEntire pour son rôle d’ingénieur du son (en plus d’être musicien). Le groupe est-il une vraie entité démocratique ? Tortoise est une véritable entité démocratique. John McEntire est ingénieur et mixeur de tous nos albums, mais nous contribuons tous au processus de création à chaque étape.
Souffrez-vous de la crise du disque ? Quel est votre point de vue concernant par exemple le peer-to-peer, et quelles sont vos réponses pour « lutter » contre cette situation (vinyle, etc.) ? Toute l’industrie du disque est affectée par le téléchargement. Autour de nous, on peut voir des gens essayer de trouver des solutions créatives pour riposter. Tortoise en est complètement affecté. Nous faisons actuellement beaucoup plus de promotion pour cet album. Il faut désormais travailler encore plus dur pour que les gens sortent acheter ton disque.
Vous sortirez également quelques éditions limitées de 5′ avec de nouveaux morceaux. Est-ce un autre recours ? Quelle est la finalité de ce procédé ? C’est effectivement une autre solution pour contrer le téléchargement, mais c’est également un projet vraiment cool et une opportunité pour nous de collaborer avec d’autres artistes dont le travail nous intéresse ou nous influence. Rien n’a encore été entamé pour ce projet, nous n’en sommes encore qu’aux étapes rudimentaires.
Une tournée est-elle envisagée en Europe cette année et en particulier en France ? Nous allons tourner en Europe en août. Nous jouerons à La Route du Rock de Saint Malo le 14 août.
Avez-vous eu peur d’être interviewé par un webzine de rock prog’ ? Un dernier mot pour nos lecteurs ? C’est un honneur d’être interviewé par un magazine de rock progressif ! J’ai souvent décrit notre groupe comme un groupe progressif. A l’intention de vos lecteurs : achetez notre album s’il vous plaît. On pense que ça vous plaira ! Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl site web : Tortoise retour au sommaire |