ENTRETIEN : DWEEZIL ZAPPA | |
Origine : Etats-Unis Style : rock d’avant-garde Formé en : 2004
| En décembre 1993, le monde de la musique pleure la disparition de Frank Zappa. Douze ans après, Dweezil Zappa, lançe Zappa Plays Zappa, tout droit sorti du cerveau du rejeton, rendant ainsi hommage au génie de son illustre paternel. A la veille d’une tournée américaine sur le Progressive Nation 2009 en compagnie entre autres de Dream Thater et Pain of Salvation, et à l’occasion du troisième passage de Zappa Plays Zappa dans la capitale, Progressia s’est entretenu avec Dweezil afin d’en savoir davantage sur l’hommage ainsi rendu à son Grand Wazoo de Papa.
Progressia : Comment se porte ton ambitieux projet ? Tout laisse à croire que ça marche très bien puisque Zappa Plays Zappa en est à son troisième arrêt à Paris, le premier ayant eu lieu en 2006. Comment expliquer aujourd’hui cet intérêt pour une musique aussi riche que celle de Frank, alors qu’elle n’est l’occasion d’aucun passage radio ? Dweezil Zappa : Zappa Plays Zappa a vu le jour en 2004 et a donné ses premiers concerts en 2006. Il m’a fallu un certain temps pour recruter les musiciens amenés à former le groupe. Il y a toujours eu un rapport fort entre Frank et Paris (et l’Europe) de manière générale. Si l’on regarde le rapport entre les ventes de billets aux États-Unis et en Europe, le ratio est de quarante pour soixante. Par conséquent, sa musique était et reste bien plus respectée chez vous qu’outre-Atlantique. Une des explications consiste à dire qu’aux Etats-Unis, les radios passaient les titres les plus drôles de sa discographie. II a été perçu comme un Weird Al Yankovic (sic) au détriment de son jeu de guitare et de la structure de ses chansons. Les auditeurs se souviennent de titres comme « Titties and Beer », « Don’t Eat the Yellow Snow » ou « Valley Girl ». Si par hasard, cela représente tout ce qu’on a entendu de lui, dans ce cas personne n’a conscience de l’homme qu’il était vraiment.
Zappa Plays Zappa sera bientôt à l’affiche sur la branche américaine du Progressive Nation 2009, festival dont on sait qu’il est né de l’imagination de Mike Portnoy. Comment vous êtes-vous retrouvés sur cette affiche ? N’as-tu pas peur de la réaction des fans ? Il est reconnu que certains fans de Dream Theater sont plutôt obtus et peu enclins à l’ouverture d’esprit. Peur ? Certainement pas ! J’en veux pour preuve les réactions enthousiastes sur notre forum. Quant à la connexion avec Dream Theater, il est de notoriété publique que Mike est un grand fan de Frank. Il a vu Zappa Plays Zappa au moins deux à trois fois. Le projet de voir nos deux groupes sur la même affiche lui trottait dans la tête et il était très excité à l’idée de le voir se concrétiser. Moi-même, je suis impatient d’être sur la route pour recueillir les impressions. Les fans de progressif et ceux qui aiment voir une musique prendre réellement vie sur scène seront quittes pour un bon moment en notre compagnie. Zappa Plays Zappa s’est retrouvé dans des situations et des affiches bien plus délicates. Nous avons pris part à des festivals où des gens ne connaissaient absolument rien à la musique de Frank. Cela ne les empêche pas de passer un bon moment en se délectant de l’interaction entre les musiciens sur scène. Savoir qu’ils arrivent à comprendre et à percevoir cet état d’esprit c’est la plus belle marque de respect qu’ils puissent nous témoigner. Il y a des points communs à Zappa Plays Zappa et Dream Theater. Le bagage musical et technique des membres de chaque groupe, des soli de guitare et autres enluminures de ce genre, de bonnes structures instrumentales. Tous les ingrédients sont réunis pour permettre au public de passer une bonne soirée. Il y aura de la compétition mais elle sera seulement amicale (rires).
Peut-on espérer voir Mike Portnoy grimper sur scène avec vous sur l’un de vos titres ? L’idée a été évoquée mais as-tu vu le char d’assaut qu’il utilise en guise de batterie ? Cela sous-entendrait d’avoir une console d’une taille certaine et c’est difficile pour nous d’avoir un tel matériel. S’il se pose derrière la batterie de notre batteur, il ne sera pas à l’aise pour autant, vu qu’il joue les yeux fermés habituellement. Je ne suis pas sûr que cela se fasse, pour des raisons logistiques naturellement .
Parle-nous des musiciens impliqués sur la tournée. Le noyau principal est le même que les tournées précédentes. Aucun membre actuel n’a de filiation avec Frank. Les musiciens recrutés sont bien plus jeunes. Nous avons eu des invités prestigieux tels que Steve Vai, Terry Bozzio ou Ray White. Nous ne savons pas encore qui sera notre prochain chanteur et pour cause, nous avons un petit litige avec Ray, il nous a laissés en plan à plusieurs reprises. Nous ne travaillerons pas avec lui pour cette tournée. Nous avons fait passer des auditions mais n’avons toujours pas jeté notre dévolu sur le vocaliste qui partira avec nous [NdlR : une dépêche du 11 mai annonce son remplaçant en la personne de Ben Thomas].
Est-il difficile d’établir une setlist avec un répertoire aussi vaste ? Gardons à l’esprit aussi que des titres comme « Zomby Woof », « I’m the Silme » ou encore « Camarillo Brillo » sont souvent attendus des fans lors des concerts… Nous avons établi une première liste potentielle de quatre-vingt-dix titres ! Après un écrémage nous l’avons réduite de moitié. Cela nous permet de panacher et de varier les morceaux tout en ayant deux heures trente de jeu et des titres qui n’ont rien à voir avec ceux joués la veille. Le nombre des morceaux varie aussi, car certains titres de Frank comportaient de longues plages instrumentales. On peut donc jouer dix-huit titres pour une même durée de jeu tout en gardant à l’esprit que les morceaux changent d’un soir à l’autre. Malgré cela, nous avons énormément de demandes via Internet et « Inca Road » a été la plus grosse requête des fans. Nous leur avons proposé de nous envoyer leurs souhaits et avons établi un top 5 des demandes. Ceux qui revenaient le plus souvent étaient : « Inca Road », « Peaches En Regalia » « « Willie the Pimp », « Muffin Man » et pour la dernière il y avait égalité entre « Zomby Woof » et « The Torture Never Stops ». Au final, « Inca Road » a connu un véritable plébiscite.
Peut-on s’attendre à voir Steve Vai et Terry Bozzio vous rejoindre sur scène sur cette tournée, comme en 2006 ? Leur présence nous avait réellement permis de marquer le coup, de faire une agréable surprise au public. Cette fois-ci nous faisons tout nous-mêmes. Certes, ce serait bien qu’ils soient là, mais il ne faut pas pour abuser des bonnes choses. C’est comme les Donuts : c’est bon en soi, mais il faut éviter l’indigestion !
Es-tu impliqué a un quelconque degré dans le dépoussiérage de la discographie de ton père ? Y-a-t-il encore du matériel inédit, un DVD dans les cartons ? Il y en a encore beaucoup. Le problème est que Zappa Plays Zappa me prend un temps fou – près de six mois – entre les répétitions et les tournées. Coordonner ces deux projets m’est impossible. Il y a effectivement suffisamment de matière pour un DVD. Certaines sorties sont prévues pour les mois à venir, notamment à propos des disques édités il y a maintenant quarante ans. Il est question de remettre au goût du jour de vieux albums, un processus qui sert principalement de catalyseur pour les jeunes générations. Ces deux dernières années, la majorité de notre public était composée d’experts en la matière. Pour nous permettre de continuer à prêcher la bonne parole, il nous faut élargir notre public. Aujourd’hui nous pouvons voir chaque soir une frange du public un peu rajeunie, chose complètement inexistante par le passé. J’ai en mémoire notre passage à Öslo en Norvège : il y avait des ados, papy venant avec ses petits-enfants … Qui pensait connaître une telle variété d’audience à un concert de Zappa Plays Zappa ? Une autre donnée se vérifiera à coup sûr lors de la tournée avec Dream Theater : moins de zéro virgule cinq pour cent du public sera féminin ! Au Zénith, lors de notre premier concert, j’étais agréablement surpris d’y voir autant de dames. Tout cela me laisse à penser que nous menons à bien notre mission jusqu’à présent.
La musique de Frank constitue encore une référence aujourd’hui et influence de nombreux groupes de progressif. As-tu découvert des formations dernièrement ? Je n’ai pas été séduit par grand chose de nouveau pour une raison simple : je suis très pris par ce projet. Lors du Progressive Nation, je vais découvrir de nouveaux groupes comme Pain of Salvation. C’est surtout le manque de temps qui m’empêche de me poser et de mettre un disque dans la platine. Quand je rentre chez moi, je n’ai qu’une envie : celle de profiter de mes enfants qui sont encore petits.
Beaucoup d’amateurs se souviennt de ton album Confessions qui a connu un grand succès. Nuno Bettencourt d’Extreme avait joué et chanté sur l’album, tout en le co-produisant. L’idée de vous revoir collaborer paraît légitime. Est-ce envisageable malgré la reformation récente d’Extreme ? Cela fait longtemps que je n’ai pas eu de ses nouvelles. Je sais qu’il est désormais marié et papa comblé. J’ai des contacts pour des projets annexes, notamment avec le guitariste Guthrie Govan qui est quelqu’un d’extraordinaire. Je prendrai le temps entre deux tournées de Zappa Plays Zappa de bosser sur mes projets en solo.
Le mot de la fin, à quelques jours du concert parisien ? J’aime venir jouer à Paris. C’est un réel plaisir de voir le public parisien qui a toujours été très réceptif à nos concerts et je lui en suis forcément très reconnaissant. J’ai hâte d’y être, revoir des visages connus et rencontrer de nouvelles personnes. Quoi qu’il en soit, venir chez vous est source de motivation pour donner le meilleur de nous-mêmes et, croyez-moi, vous ne serez pas déçus. Propos recueillis par Dan Tordjman site web : Dweezil Zappa retour au sommaire |