– Echolyn
FOCUS : ECHOLYN
Dans la sphère progressive, rares sont les groupes qui peuvent se vanter d’avoir une carrière longue de deux décennies. Les Américains d’Echolyn font partie des rescapés de la débâcle des années quatre-vingt-dix. Après bien des péripéties et quelques parenthèses, ces disciples de Gentle Giant tiennent toujours fermement la barre, avec un septième album studio en cours de composition. A l’aube des années quatre-vingt dix, alors que le rock progressif classique est en pleine disgrâce après un éphémère revival, Echolyn naît quelque part en Pennsylvanie sur les cendres d’un groupe de reprises nommé Narcissus. Ses pères fondateurs Brett Kull et Paul Ramsey sont vite rejoints par leur ex-compère Raymond Weston et le claviériste Christopher Buzby, et en octobre 1991, tandis que Thomas Hyatt prend le poste de bassiste pendant les sessions d’enregistrement, le groupe sort un album éponyme. Dès leurs débuts, les Américains, bien que fortement influencés par Gentle Giant, développent déjà une griffe unique et moderne. Echolyn est fort logiquement remarqué et se trouve même rapidement épuisé ! Fort de ce succès, le groupe enchaîne sur la composition du désormais classique Suffocating the Bloom. Le temps d’un EP acoustique, …and Every Blossom et Sony/Epic entre en contact avec la bande à Kull. Ces premières années sont déjà marquées par des faits d’armes scéniques comme une première partie de Dream Theater et le ProgFest 1994 (le concert verra le jour en 2002 sous forme d’un double album sobrement nommé ProgFest ’94: The Official Bootleg). As the World est enregistré pour Sony à Nashville durant cette même année : tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, d’autant qu’à peine publié, l’album reçoit de nombreuses chroniques dithyrambiques. Le microcosme du prog’ se met à placer en Echolyn ses espoirs les plus fous. Malheureusement, Sony refuse de soutenir une tournée et lâche finalement le groupe qui finit par se séparer. Cette fin inattendue est marquée par un disque posthume composé de démos inédites et de titres live, le bien nommé When the Sweet Turns Sour… Si une résurrection semble peu probable après ce sabordage en bonne et due forme, nos musiciens restent très actifs. C’est l’époque d’Always Almost (du hard rock aux influences progressives), de Grey Eye Glances (pop-rock) et de Finneus Gauge (jazz-fusion progressif). Et puis, à l’aube du troisième millénaire débarque Cowboy Poems Free, un nouveau disque d’une fraîcheur inédite. Et désormais, Echolyn sera farouchement indépendant. Après quelques concerts débute l’écriture de l’ambitieux Mei (2002), longue suite d’une cinquantaine de minutes sur laquelle le groupe s’offre les services d’un orchestre. Le succès est au rendez-vous, Brett Kull et ses acolytes remontent une fois de plus sur les planches. L’une de ces représentations publiques sera immortalisée sur un bootleg officiel, le double Jersey Tomato, sur lequel on retrouve Mei en version intégrale. Les années 2002 et 2003 sont synonymes d’hyper-activité musicale pour les deux chanteurs d’Echolyn : tandis que Kull sort Orange-ish Blue dans un style pop-rock, Ray Weston se lance également dans une aventure en solo avec un This Is My Halo largement plus torturé. Un coffret intitulé A Little Nonsense: Now and Then retraçant le début de carrière d’Echolyn et agrémenté de quelques inédits et autres versions en concert voit le jour fin 2002. Les concerts se multiplient et l’un d’eux est enregistré, à domicile, en Pennsylvanie. Il donnera lieu au copieux double DVD Stars and Gardens Vol.4 sur lequel on retrouve entre autres l’intégralité de Mei et des tonnes de bonus retraçant l’histoire du groupe. Echolyn poursuit sur sa lancée et enregistre The End Is Beautiful qui à son tour sera remarqué dès sa sortie. Fidèle à son habitude, le groupe se lance dans une folle entreprise : faire une tournée en Europe ! Le public du vieux continent peut enfin profiter à l’automne 2005 des performances scéniques des Américains ! Ces cinq années de marathon s’achèvent sur une pause bien méritée consacrée à divers projets (voir notre entrevue). Fin 2008, Brett Kull termine le remixage de Cowboy Poems Free et sort dans la foulée son second album solo The Last of the Curlews. Le nouvel album d’Echolyn est quant à lui déjà bien avancé… Progressia : C’est un plaisir de pouvoir à nouveau discuter avec toi. Lors de notre dernier entretien, la tournée The End Is Beautiful venait de s’achever. Je suppose que de nombreuses choses se sont passées depuis, pour Echolyn et pour toi. Peux-tu nous faire un petit « résumé de la situation » ? Tu nous avais également parlé d’un album en concert d’Echolyn enregistré aux Pays-Bas, à Hengalo. Est-ce encore à l’ordre du jour ? A propos de concerts, tu as joué récemment avec Paul (Ramsey) aux côtés de Francis Dunnery (ex-It Bites) ? Comment as-tu eu cette opportunité ? Que retires-tu de cette expérience ? Echolyn a également joué au NEARfest et au CalProg. Êtes-vous satisfait de vos prestations ? Quelles sont les différences entre ces deux festivals ? Entre le public de la côte est et celui de la côte ouest ? Ces concerts ont-ils été enregistrés ou filmés pour un éventuel disque ou DVD ? Cowboy Poems Free est un peu l’album de la renaissance après l’expérience Sony. Pourquoi as-tu voulu le remixer ? Penses-tu faire la même chose plus tard avec Suffocating the Bloom ? Le nouvel album est déjà bien avancé si l’on en croit les news postées sur votre site. Une date de sortie est-elle déjà planifiée ? Quelles sont les nouvelles directions que vous allez emprunter sur ce disque ? Quelque chose de conceptuel comme Mei ou de plus direct comme The End is Beautiful ? Envisagez-vous de revenir en Europe – et de venir en France,cette-fois ci ! – pour promouvoir votre prochain album ? Tu viens de sortir ton second album solo, The Last of the Curlews, sur lequel tu fais quasiment tout. Tu y parles beaucoup d’amour et de nombreux thèmes sont assez nostalgiques. Cet album semble être très personnel. Quelles sont les différences entre The Last of the Curlews et ton premier disque, Orange-ish Blue ? Vous êtes toujours farouchement indépendants. Allez-vous poursuivre sur cette voie ou de signer sur un label pour ce nouveau disque ? Quelle est ta position sur le téléchargement illégal ? Penses-tu que cela ait affecté tes propres ventes ? Outre Echolyn et ton album solo, as-tu actuellement d’autres projets parallèles ? Encore un mot pour les lecteurs de Progressia ? Le premier album en solo de Brett Kull se situe bien loin d’Echolyn sur l’échiquier des genres. Orange-ish Blue trouve son inspiration autant dans les années soixante que dans le rock américain ou la pop moderne. On pense souvent aux Beatles (« Kisses in the Sun », « Mister Greenlight », « Untitled #1 »), y compris parfois dans le chant. Les velléités folk de Kull dont on a pu entendre un aperçu sur le EP acoustique d’Echolyn …and Every Blossom peuvent également s’exprimer ici. Ailleurs, certains titres renvoient directement au rock anglo-saxon comme « 15 hours » ou « Come on Joe ». La guitare de Brett Kull est la reine du bal, sobrement accompagnée çà et là par les claviers de son ami Chris Buzby ou d’un trio à cordes (« All the Rage », « Sometimes Love Forgets »). Les trouvailles mélodiques, les petites enluminures d’arrière-plan et autres effets sont innombrables. Mais si Brett Kull a voulu donner une coloration surannée, parfois nostalgique à ses chansons, la production reste éminemment moderne, truffée de petits effets sonores. Orange-ish Blue reflète son auteur, bienveillant à l’égard du passé mais résolument ancré dans son époque. Six ans plus tard, Brett Kull a accumulé une bien belle brassée de nouvelles chansons. Excepté Paul Ramsey qui tient toujours les baguettes, Kull ne s’est entouré cette fois-ci pour les enregistrer que de quelques voix. Musicalement, The Last of the Curlews reste dans le giron de Orange-ish Blue, sur un mode plus introspectif peut-être, plus mélancolique, plus calme. Centré comme son prédécesseur sur la mélodie, il dévoile les mêmes influences prégnantes. Les titres vont droit au but sans refuser toutefois quelques savants arrangements dont le compositeur/producteur a le secret. A la fois sobre (« Love is on the Discarded Street », « There Was a Place for Us »), tendu (« Acadia Gull »), enjoué (« Lullabies and Starlings », « If She Could Be Who She Wanted ») voire lyrique (Le final de « Hey Horizon » ou le crescendo de « Windows of Light »), ce disque se veut le révélateur des pensées de son créateur où l’amour tient une grande place. Kull parcourt ainsi les émotions humaines et tente de les rendre tangibles, de les verbaliser, simplement, sans fioritures, de sa voix chaleureuse pleine de conviction. Musicalement riche, sobre dans son interprétation, chargé de sens, The Last of the Curlews invite à s’arrêter quelques minutes pour prendre le temps de s’interroger. Sur soi, sur nous. Jean-Philippe Haas sites web : |