Capillary Action – Capillary Action

ENTRETIEN : CAPILLARY ACTION

 

Origine : États-Unis
Style : math rock expérimental
Formé en : 2004
Composition :
Jonathan Pfeffer – chant, guitare
Spencer Russell – basse acoustique et électrique, chant
Richardo Lagomasino – batterie, percussions
Kevin McHugh – claviers, chant
Dernier album : So Embarrassing (2008)

Enfin des jeunes qui proposent leur vision de ce que le rock expérimental peut apporter de nouveau en 2008 ! Ce groupe, qui a déjà fait ses preuves sur de nombreuses scènes, s’assure un avenir prometteur grâce à So Embarrassing, un nouvel album haut en couleurs et en surprises. Grâce aux interventions remarquées de cuivres et de cordes et à l’énergie de l’ensemble, cette troisième sortie en marquera certains. Peut-on faire du neuf avec un genre à la tendance auto-caricaturale ? Éléments de réponse grâce à la tête pensante de la formation, Jonathan Pfeffer.

Progressia : Peux-tu présenter le groupe à ceux qui n’ont jamais entendu une note de ta musique ?
Jonathan Pfeffer : Capillary Action a été fondé en 2004, et a été basé successivement à Philadelphie et au Oberlin College dans l’Ohio (où la plupart d’entre nous étudiaient). La formation est désormais basée à Seattle. Il y a dans Capillary Action un renouvellement fréquent des musiciens dont je suis le leader et le seul membre permanent. Nous avons trois disques disponibles sur notre propre label Natural Selection Records (anciennement Pangaea Recordings). Nos enregistrements, qui vont du math rock expérimental à la musique concrète dense, en passant par de l’avant-pop orchestrale, sonnent très différemment les uns des autres. Notre musique peut généralement être décrite comme étant abrasive, belle, réfléchie, confuse, dure, effrayante, à l’humour inquiétant, éclectique, émotionnelle et complexe. A propos de la scène, nous avons donné plus de trois cent concerts dans des clubs rock, des salles de concert, mais aussi des restaurants chinois, des écoles primaires, universités, salons, sous-sols et d’autres endroits incongrus avec de nombreux musiciens excellents. Pour des raisons pratiques, nous fonctionnons comme une entité autonome, ce qui signifie que je m’occupe de la gestion, des réservations et de la publicité pour ce qui concerne le groupe.

Quelques explications sur le nom du groupe s’imposent !
Je l’ai trouvé un soir dans un manuel de physique qui traînait par terre chez moi. Je suis très mauvais en maths et en sciences, le choix d’un terme lié à la physique pour me représenter est donc plutôt ironique. Cependant je me rends compte qu’il colle bien à ce que nous sommes, et j’essaye d’absorber des éléments toujours nouveaux et différents dans la musique de Capillary Action.

So Embarrassing montre une nouvelle approche musicale comparé à vos précédentes sorties. Le prochain album suivra-t-il cette logique, ou devons-nous à nouveau attendre quelque chose de différent ?
Le prochain disque partagera l’importance du détail que l’on retrouve dans So Embarrassing, et probablement une sensibilité harmonique et mélodique similaire. Nous jouerons néanmoins en concert de nouveaux morceaux en acoustique (guitare classique, contrebasse, trompette, accordéon, percussions latines, etc.). Le plaisir de faire sonner une guitare électrique à plein volume n’est pas très important pour moi.

La section de cordes et de cuivres est une des qualités les plus impressionnantes de cet album. D’où provient cette idée d’inviter ces musiciens sur So Embarrassing ?
Merci ! L’écriture pour les cordes et les cuivres était juste une idée à laquelle je voulais me frotter. Ces arrangements orchestraux ont été conçus avant tout pour renforcer l’intensité du thème du disque. Je voulais appliquer une palette de sons plus colorée que la formation standard guitare/basse/batterie, j’ai donc pu faire refléter avec exactitude le contenu des paroles. L’autre aspect de ce challenge a été de recréer de tels morceaux en concert : comment parvenir aux mêmes émotions, avec trois personnes au lieu d’un orchestre ? J’ai eu l’idée de réduire les titres afin qu’ils contiennent l’essentiel, et mettre ainsi l’accent sur le côté le plus rock et immédiat, ce qui fonctionne très bien en concert quand on n’a qu’une demi-heure pour marquer les esprits.

Les titres ont-ils été écrits avant d’avoir eu cette initiative, ou as-tu dû les modifier pour ajouter ces nouvelles parties ?
Il était prévu dès le premier jour d’inclure des arrangements orchestraux sur So Embarrassing. Les structures servant de base aux morceaux n’ont pas été modifiées après que les parties de cuivres et de cordes ont été ajoutées au mixage.

Comment parviens-tu à maintenir la cohérence de l’ensemble, au regard de la variété d’influences de tous les musiciens impliqués sur cet album ?
J’hésite constamment entre la tentation de m’éloigner complètement de la ligne directrice et celle d’être trop conservateur. J’ai pu expérimenter ces deux visions, et je fais de mon mieux pour rester au plus près de la logique des compositions, afin d’être plus efficace lors des révisions et ré-écritures éventuelles. Je m’inspire également des commentaires de mes amis sur ces chansons.

Certains aspects des compositions sont très techniques. Écartes-tu les idées trop complexes à mettre en œuvre ?
J’essaye d’écrire ce que la chanson demande. Ainsi, pour des parties spécifiques, la structure et l’histoire peuvent être liées grâce à des paroles appropriées. Nous pouvons donc nous retrouver avec une partie extrêmement technique ou un accord joué en boucle. Tout dépend de la situation. J’ai surtout essayé d’éviter les idées qui ne permettent pas à un morceau d’aller de l’avant.

Tu avais dix-sept ans lorsque le premier album, Fragments, est sorti. Quelle est cette attirance pour une personne aussi jeune vers la scène d’avant-garde ?
J’ai toujours été obsédé par la musique,mon intérêt pour l’avant-garde n’a donc été qu’une progression naturelle après avoir exploré le jazz et le math rock durant mon adolescence. J’ai trouvé l’avant-garde plus pertinente pour son caractère unique des idées ou des techniques, en comparaison avec l’idiome que je poursuis activement. De toute façon, que peut-on considérer comme étant avant-gardiste ? Je pense que les compositeurs pop qui tentent de repousser leurs limites en incluant des sons étranges sont plus intéressants que ceux qui se perdent dans des expérimentations sans queue ni tête.

Tu es le seul membre permanent de la formation. Est-ce un choix réel ou une simple question de circonstances ?
Un peu des deux. Depuis les débuts du groupe, j’ai toujours souhaité m’occuper intégralement de la composition, sans pour autant discréditer les contributions de tous les excellents musiciens avec lesquels j’ai travaillé. De plus, nous donnons tellement de concerts qu’il serait impossible de maintenir une formation stable, même si je voudrais que la structure de Capillary Action soit plus collaborative.

Cette situation est-elle compliquée à gérer ?
C’est difficile lorsque tu reviens d’une tournée et que tu as besoin d’entraîner de nouveaux musiciens sur les titres que tu viens de jouer pendant un mois, mais personnellement, j’ai toujours apprécié le changement. Le fait de jouer constamment avec de nouvelles personnes m’a permis de me familiariser avec des nouvelles idées à chaque fois, travailler avec tant de gens talentueux est très bon pour l’inspiration !

So Embarrassing va être réédité avec un DVD contenant une vidéo accompagnant chaque titre.
C’est en fait, Cannibal Impulses, notre second album, va être réédité avec l’ajout d’un DVD. C’est un disque très dense mais court, entièrement construit à partir d’échantillons de la musique d’autres artistes. Il est très frénétique et en effraie certains, ma mère le déteste, mais je pense qu’il est bien de s’y pencher si vous avez de la patience… ou une bonne résistance ! Les chansons se décomposent en une sorte de narration étrange à propos de la peur, la sexualité et la technologie, que le DVD (sur lequel on travaille) viendra, je l’espère, clarifier. Bien que cet album ne dure que quinze minutes, il m’a fallu au final deux ans pour en venir à bout.

Allez-vous jouer en France en 2009 ?
Oui, nous prévoyons une vaste tournée européenne pour 2009 qui comprendra de nombreuses escales en France. Nous avons connu de si bons moments là-bas en avril dernier que l’on nous a poussés à revenir. Il y a de fortes chances, si vous vivez en France, que l’on vienne jouer dans votre ville. Consultez notre page Myspace pour les dernières mises à jour concernant la tournée.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Je voudrais personnellement insister sur le respect et l’affection que je porte à tous les superbes musiciens et individus qui ont joué avec moi dans Capillary Action : Spencer Russell, Matt Davis, Sam Krulewitch, Kevin McHugh, Ricardo Lagomasino, Noah Hecht, Dan Sutherland, Bryan Cook, ainsi que tous les groupes et personnes de New-York et de Philadelphie qui m’ont inspiré pour devenir un meilleur musicien ces dernières années : Mary Halvorson, Pattern is Movement, Make a Rising, Altamira, Normal Love, Little Women, Kevin Shea, Zs, Jessica Pavone, Zach Crystal, Curt Howard, Matthew Nelson, Johnny Butler, Ryan Snow, Andy Hunter, Peter Evans, Kassa Overall, Moppa Elliot/Mostly Other People Do the Killing, Jeff Young, Jesse Krakow / Time of Orchids, Child Abuse, Dave Longstreth / Dirty Projectors, Matt Mehlan / Skeletons, Colin Marston, Toby Driver, Tyondai Braxton, Matt Mottel, et bien d’autres ! S’il vous plait, faites-vous plaisir et intéressez-vous à tous ces gens si vous voulez vous instruire. Et merci pour votre lecture !

Propos recueillis par Jérémy Bernadou
Photos de Brian « Trout » Fish, Jonathan Pfeffer, Mohadev, Jennifer Ray

site web : http://www.capillaryaction.net/

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