ENTRETIEN : DEADSOUL TRIBE
|
|
Origine : Etats-Unis d’Amérique Style : metal progressif tribal Formé en : 2000 Composition : Devon Graves – voix, multiples instruments Adel Moustafa – batterie Roland "Rollz" Kerschbaumer – guitares Roland Ivenz – basse Dernier album : A Lullaby for the Devil (2007) |
Devon Graves, charismatique chanteur de DeadSoul Tribe et philosophe en herbe, a profité des quelques questions posées par Progressia afin de faire part de ses sentiments sur la vie en général, la musique en particulier, sans oublier une critique acerbe de l’industrie du disque. Humour, ironie et clairvoyance sont au menu du jour. Après une brève mise au point concernant les étranges numéros de téléphone en Suisse, l’entretien a pu démarrer avec un rendement maximal et sans relâche. Attention ! Avec Devon Graves, c’est le feu d’artifice verbal, ça part dans tous les sens et très souvent, la question de départ n’est qu’un prétexte bien vite oublié pour mieux discourir sur les multiples aspects de la musique. Il a été très difficile de recadrer l’ensemble et de respecter la ligne directrice initialement prévue, comme si le mystérieux Devon cherchait à perdre son interlocuteur en même temps qu’il tentait de l’attirer dans son monde. Suivre la tête pensante de DeadSoul Tribe dans les méandres de ses pensées est un exercice décidément périlleux. Exténuant… mais passionnant, « enjoy » !
Progressia : Pourquoi avoir mis un terme à l’aventure Psychotic Waltz (six albums et deux démos entre 1986 et 1996) pour créer DeadSoul Tribe ? Devon Graves : Psychotic Waltz s’est véritablement démantelé quand je suis parti. C’était vraiment devenu très difficile pour nous de rester ensemble. Il n’y avait plus guère de plaisir. Au moment où nous avons commencé à travailler avec un producteur et un manager, ce fut le début de la fin car on a commencé à décider pour nous, à nous dicter la voie : une voie plus commerciale, des mélodies plus simples. On attendait de nous que nous écrivions des chansons accessibles pour tous. Mais cela n’existe pas, non ? Nous sommes arrivés à un mauvais moment pour faire du heavy metal (NdlR : nous vous épargnons le très long exposé de Devon sur la naissance, les origines et l’histoire du hard rock et du heavy metal). C’était la période du sacre de la musique « mainstream ». Poison et compagnie, ce n’était pas du véritable heavy metal, à l’inverse de Judas Priest, Iron Maiden et Queensrÿche. C’est vers ce genre de musique que Psychotic Waltz souhaitait se diriger. Nous voulions être leurs dignes successeurs. Puis le marché du disque avec ses modes passagères n’a pas permis que cela marche comme on le voulait. Ne faisant ni grunge ni rap, nous n’avions aucune chance. Nous voulions seulement faire la meilleure musique possible, qui marquerait son temps comme l’ont marqué les albums mythiques des groupes que j’ai cités. Le heavy metal était devenu « underground » et ce n’était plus le bon moment. D’excellents groupes sont apparus comme Janes’s Addiction, Rage Against the Machine ou Soundgarden. J’aime ce qu’ils font et j’apprécie également le rock progressif. On était très excité au début de l’aventure Psychotic Waltz puis la lassitude s’est installée. De plus, j’avais des problèmes personnels avec certains membres du groupe. Nous savions quelle musique nous voulions créer mais la motivation n’était plus vraiment présente. Avec DeadSoul Tribe, j’ai tenté de recréer ces bonnes vibrations qui existaient au début de Psychotic Waltz. Je voulais être davantage maître de mon destin, de ma musique et de ma vie. Je voulais exploiter d’autres horizons musicaux et relationnels…
A Lullaby for the Devil est déjà le cinquième album de Dead Soul Tribe depuis 2000. Comment pouvez-vous être si prolifiques ? Mais c’est mon job ! (rires) C’est ce que je dois faire ! Quand j’étais dans Psychotic Waltz, nous exercions tous un métier à côté de notre musique, ce qui nous obligeait à répéter le soir ou les week-ends. C’est malheureusement le cas de beaucoup de groupes signés sur des labels indépendants. Avec DeadSoul Tribe, j’ai senti que j’étais arrivé à un moment de ma vie où j’étais prêt à créer un groupe et à ne vivre que pour cela, ce qui est le cas à présent. J’ai également d’autres projets, en solo ou non tout en étant producteur. J’aime m’entourer de musiciens qui ont du feeling et qui savent faire « progresser » la musique dans le bon sens. Hendrix reste mon guitariste préféré. En ce moment, je m’implique dans un projet avec une section rythmique d’enfer et un guitariste incroyable qui jouait dans un groupe qui a assuré la première partie de nos shows en Allemagne lors de la tournée Murder of Crows en 2003. Je l’ai vu sur scène et je suis tombé à la renverse tant il jouait mieux que moi. C’est un guitariste incroyable qui a un véritable feeling dans son jeu. C’est un des rares musiciens que je peux voir jouer sans m’ennuyer. C’ est mon guitariste préféré après Hendrix ! Je me suis posé la question de savoir si je devais incorporer des claviers dans tout ça. J’ai reçu des courriels de claviéristes fans de DeadSoul Tribe et Psychotic Waltz qui aimeraient venir jouer avec moi. Ce que j’ai reçu via fichiers électroniques m’a véritablement surpris. Beaucoup de choses risquent donc de se passer. Je serai le chanteur et le producteur de tout ça. Et ça devrait sortir dans quelques mois (NdlR : les explications de Devon ont été très floues, partielles ou, au contraire, saturées d’informations. De sorte qu’au final, difficile d’en savoir vraiment davantage sur ce projet qui semble le faire vibrer en ce moment. Durant tout l’entretien, Devon n’aura de cesse de répondre à mes questions d’une manière « hyperactive » et, par corollaire, peu précise et peu claire. Aucune malice là derrière, seulement la passion dévorante d’un homme intarissable dès qu’il s’agit de parler de ce qui est sa vie : la musique).
DeadSoul Tribe possède un véritable style et sa musique est immédiatement identifiable… J’ai l’habitude de la qualifier de « metal tribal ». Evidemment qu’une telle appellation reste limitée. Même si nos albums sont tous différents, le style doit rester le même. J’essaie d’amener ma propre manière de concevoir la musique rock. Notre « metal tribal » est mâtiné d’une sauce progressive. Chaque album bénéficie d’une approche différente et possède ses points d’accroche. Beaucoup de magazines, de websites et d’agents de labels reconnaissent que nous avons un style qui nous est propre. Je pourrais pourtant écrire tellement d’autres genres de musique. Mais j’aime l’idée qu’il existe continuellement un fil conducteur dans notre discographie même si je peux composer un titre mélodique, un autre folk, un autre très agressif ou planant. Ce nouvel album est typique de cette « approche tribale » que j’ai exposée plus avant dans l’entretien. La batterie est très présente et les rythmes sont solides.
Quand on écoute A Lullaby for the Devil, qui est très bon et fort original du reste, l’auditeur expérimenté y remarquera bien quelques influences digérées. Pouvez-vous nous en parler ? Mes influences sont plutôt « vieillottes ». Jethro Tull reste évidemment mon influence majeure. Mes guitaristes préférés sont Jimi Hendrix, Richie Blackmore (Deep Purple), Jimmy Page (Led Zeppelin) et Frank Zappa. Et je suis un fou de Black Sabbath ! J’adore leur style. J’adore la batterie ! Tu peux facilement rendre une chanson excellente « simplette » si la batterie n’assure pas. Je suis très attentif à cela avec DeadSoul Tribe. J’aime les groupes qui ont leur style. J’aime les tempi médians. Peter Gabriel est aussi une très forte influence. Mais malgré tout cela, je suis persuadé que notre identité reste très forte et que nous ne ressemblons à personne (NdlR : Ces propos qui peuvent sembler un rien mégalomanes sont pourtant véridiques. Reportez-vous à la chronique !) !
Vous êtes signés sur le célèbre label allemand InsideOut Music bien que votre musique ne soit pas véritablement représentative du reste de l’écurie. Vous sentez-vous à l’aise chez eux ? Quand j’ai été introduit à cette équipe, j’étais très enthousiaste. Aujourd’hui, je suis plus réservé. Je ne suis plus aussi satisfait que je l’étais alors. J’aimerais tellement mieux vous dire que je suis heureux ! J’ai en fait fort peu de contacts avec les gens du label. Je suis au courant du succès de nos disques par les magazines ! Quand je suis en tournée, je n’ai jamais aucune nouvelle d’eux et ça me manque ! J’ai besoin de reconnaissance. Avec le groupe, on fait de notre mieux quand on est en tournée. Quand on joue dans des salles à moitié vides, ça nous sape le moral. Bref, on aimerait obtenir plus de retours de leur part.
Avez-vous eu connaissance de la chronique assez élogieuse de votre dernier album en date parue sur notre site ? Et si oui, êtes-vous d’accord avec l’analyse qui y a été proposée? C’était écrit en français ? Je ne comprends pas un traître mot de cette langue (rires) ! mais je suis très heureux d’apprendre que la chronique était bonne ! J’ai tellement peu de retours sur la musique que je fais. Ca me fait chaud au cœur d’apprendre que des gens qui ont lu cette chronique sont peut-être du même avis. Si les personnes comme toi, les journalistes, parlent de ce qu’ils aiment et le disent parfois aux artistes ou dans les magazines, c’est bon pour nous puisque notre label ne nous dit rien ! Nous avons de la chance néanmoins de bénéficier d’une bonne publicité grâce à des gens comme toi. Le bouche à oreille restera toujours le moyen de promotion le plus efficace. Et ce n’est pas la faute d’InsideOut. C’est la faute à ces masses de gens qui téléchargent illégalement la musique. Quand j’avais douze ans, j’ai obtenu mon premier album de Led Zeppelin parce qu’on me l’avait copié sur une cassette audio. Cela a toujours existé. Quand je n’avais pas d’argent, je me faisais une copie, quand j’en avais, je préférais acheter l’album original. Les disques, alors, coûtaient fort peu chers. Mais les disques compacts ont coûté beaucoup plus cher que les vieux disques de vinyle, et c’est une des causes du problème que l’on vit actuellement. Quand les disques compacts sont arrivés, les prix n’étaient plus si bon marché. Toute cette nouvelle technologie, liée à la propagande qui faisait de ce support la panacée au niveau du son n’a eu pour seul but d’augmenter très sensiblement le prix de la musique. Aux Etats-Unis, un disque compact coûte quinze dollars alors que le prix de reviens n’est que de quelques centimes ! (NdlR : et que penser de la France dont le prix des disques fait hurler d’horreur l’ensemble de ses voisins européens ! Si Devon savait que les disques coûtent bien plus de quinze dollars en France (environ 9 Euros)) C’est un vrai problème ! Entre alors et maintenant, il y a eu une expansion injustifiable. D’où les ventes qui s’écroulent. Ajoute les DVD et les prix ont bien plus vite chuté alors que le coût de production est bien plus élevé que pour un disque compact ! Non sens ! Les maisons de disque sont paumées face à tout cela. Seuls les plus gros labels pourront s’en sortir. Je plains des labels comme Inside Out. Il faut également soigner l’objet manufacturé qui est l’écrin du disque. Aujourd’hui, n’importe qui peut créer sa jaquette d’album via l’outil informatique sans trop de frais. L’industrie du disque est prise à son propre piège.
Finalement, votre dernier album a-t-il obtenu le succès qu’il méritait ? Non. Définitivement non. Il n’a pas obtenu le succès qu’il méritait. Mais je n’en fais pas une maladie, je fais de la musique, j’écris des chansons, je produis, j’aime ce que je fais. Je n’ai jamais voulu devenir une rock star. Je vis mon rêve. J’ai toujours voulu mon propre studio. J’en possède un à présent. J’ai toujours voulu être entouré de bons musiciens et j’ai la chance d’avoir une équipe formidable à mes côtés. Chacun, dans mon groupe, est heureux d’y être. Je ne sais pas si tous les musiciens pourraient en dire autant (rires). Je ne travaille pas pour rien même si j’apprécierais le fait d’atteindre un public plus conséquent que celui qui nous supporte aujourd’hui. Je ne gagne pas énormément d’argent avec la vente des disques. Il faudrait peut-être que je renégocie mon contrat.
Quels sont les projets musicaux de DeadSoul Tribe dans un futur proche ? Un DVD live est prévu, enregistré principalement à Pratteln (Suisse), au Z7. Tu y étais ? On a pu bénéficier d’une bonne infrastructure et le groupe avait une sacrée énergie. On a rajouté des éléments en provenance de concerts en Allemagne. Bonnes nouvelles. Visuellement et auditivement, c’est un beau projet. Ca sortira prochainement. Je suis en train de mixer tout cela dans mon studio. Je suis très perfectionniste. Ca sortira certainement cet été. Ce sera un DVD live avec le double CD compagnon. Je ne sais pas si ça sortira chez InsideOut. Mais ça sortira d’une manière ou d’une autre. Le CD contiendra plus de chansons que le DVD. Vous pourrez écouter et voir, ce sera une expérience complète. Tout cela sonne assez différemment des albums mais j’adore le résultat final.
Merci Devon. Nous sommes arrivés au terme de notre entretien. Merci pour tes réponses très longues (rires) et excuse encore mon pauvre anglais de cuisine ! Tu crois que tu vas pouvoir traduire toutes mes longues réponses (rires) ?
Propos recueillis par Christophe Gigon
site web : http://www.deadsoultribe.com
retour au sommaire
|