ENTRETIEN : COHEED & CAMBRIA
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Origine : Etats-Unis Style : Metal Progressif Formé en : 1995 Composition : Claudio Sanchez – guitare, chant Travis Stever – guitare Michael Todd – basse Chris Pennie – batterie Dernier album : No World for Tomorrow (2007) |
Formation parfois controversée dans les sphères progressives, Coheed and Cambria n’en reste pas moins une belle illustration de la percée du genre dans le grand public. Son dernier album No World for Tomorrow, savant mélange de rock efficace, concept fumeux et complexité assumée n’échappe à la règle. Laissons son principal créateur, le touche-à-tout, Claudio Sanchez nous en parler.
Progressia : Bonjour Claudio ! Commençons par un bref récapitulatif de votre carrière avant Good Appolo, I’m Burning Star IV, votre avant-dernier album. Claudio Sanchez (guitare, chant) : Nous venons du quartier de Nyack, dans l’Etat de New York, à quelques kilomètres de Manhattan. Nous avons débuté notre carrière sous le nom de Shabutie, mais lorsque nous avons signé notre premier contrat avec le label Equal Vision en 2002, nous avons pensé qu’il serait bon de choisir un nom un peu plus sérieux. A l’époque, les paroles que j’écrivais s’inscrivaient dans une histoire-concept tournant autour de deux personnages, Coheed et Cambria. Avant le disque que tu cites, nous avions réalisé deux albums : Second Stage Turbine Blade et In Keeping Secrets of Silent Earth: 3.
Comment décrirais-tu l’évolution du groupe, depuis ses racines emo-core jusqu’à ses influences très progressives, telles qu’on peut les entendre aujourd’hui dans votre musique ? Je dirais que ces racines ressortent naturellement de notre scène musicale d’origine, celle qui nous a fait connaître : nous avons beaucoup tourné avec des groupes de ce genre à l’époque. Mais musicalement, je crois que d’une manière ou d’une autre, nous sommes toujours restés dans la même veine. En revanche, la qualité de nos albums est allée crescendo, et j’aime à penser que nous nous sommes améliorés en tant que musiciens et compositeurs, même si encore une fois, je ne vois pas une différence énorme quant à notre style au fil des ans. Certains ont même avancé l’idée que notre dernier album était le moins progressif de tous.
Comment expliquer ces influences progressives et que penses-tu de ces références incessantes à Rush lorsque l’on parle de Coheed and Cambria? Travis (NdlR : Stever, le second guitariste) et moi avons toujours été de grand amateurs de ce que nous appelons outre-Atlantique le classic rock. Des groupes comme Pink Floyd, Queen, Iron Maiden, Zeppelin, The Police, Thin Lizzy, King Crimson, etc… Ce qui a pu nous influencé sur nos albums relève tant de ce qui a pu se passer dans nos vies que des disques avec lesquels nous avons grandi ou que nous avons écoutés à l’époque. Les références à Rush s’expliquent par mon timbre vocal haut perché. Franchement, je trouve que c’est une comparaison un peu facile et paresseuse, mais les gens cherchent toujours à comparer un groupe à d’autres. Nous avons d’ailleurs intitulé un morceau « 2113 » pour nous moquer de ces comparaisons.
D’une manière plus générale, que penses-tu de l’étiquette prog accolée au groupe ? Je crois qu’il est indéniable que nous incorporons des éléments de rock progressif dans chacun de nos albums. Tu y trouveras toujours de longs morceaux et des passages travaillés. Je n’aime pas beaucoup les étiquettes, mais si tu apprécies la musique progressive, je crois qu’en effet, il y a de fortes chances que tu aimes ce que nous faisons. Mais nous utilisons d’autres éléments musicaux, rock, pop ou même metal. Le fait que nous suivions une ligne rouge en forme de concept qui s’étend sur cinq albums, explique aussi ces références prog.
Depuis que la musique progressive est redevenue à la mode, avec The Mars Volta ou Tool revendiquant cet adjectif accolé à leur art, te sens-tu acteur de ce renouveau ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler d’un renouveau, mais si les fans de progressif nous découvrent, ou si au contraire nous pouvons encourager les plus jeunes à écouter de la musique plus exigeante, alors nous apportons notre pierre à l’édifice, même si nous n’appartenons à aucun genre en particulier.
Good Appolo, I’m Burning Star IV, tout comme No World for Tomorrow, font partie d’un même concept en forme de puzzle. Peux-tu nous donner la ligne conductrice de cet opéra de science fiction ? Tous nos albums relèvent de ce concept. Coheed et Cambria sont les deux personnages clés au départ de l’histoire. Le gouvernement leur a implanté un virus (le « monstar »), qu’ils ont génétiquement transmis à leurs quatre enfants, et qui est alors devenu encore plus fort (le « sinstar »). On leur fait croire qu’ils doivent tuer leurs enfants pour sauver la civilisation de ce virus. Le plus jeune des quatre s’échappe et cherche à venger l’assassinat de sa famille : il mène la bataille contre le pouvoir en place. C’est à partir de là que l’histoire se déroule.
Je suppose que tu es au courant des centaines de théories qui se développent sur Internet quant à la signification de chacune de vos chansons sur chacun de vos albums. Entretiens-tu volontairement une certaine opacité et du mystère dans tes paroles, et que l’histoire n’est pas dans le bon ordre ? En fait, l’histoire est dans le bon ordre, à l’exception du dernier album qui est un prequel. Le concept est si complexe qu’il est vraiment difficile de l’expliquer sur une chanson, et lorsque j’écris les paroles, j’arrive à peine à expliquer l’histoire qui l’illustre. C’est la raison pour laquelle je développe celle-ci de manière plus détaillée dans ma série de bande-dessinées, The Amory Wars. Mais en réalité, je crois que pour nos fans, la moitié du plaisir est d’essayer de percer le mystère de l’histoire, donc c’est très bien comme cela.
Dis-nous en plus sur cette bande-dessinée. Comment y contribues-tu restes-tu infuencé par cetains auteurs, comme Alan Moore par exemple ? J’adorerais que cette référence soit reconnue, mais Alan est une légende. Il m’a bien entendu influencé, même si je ne suis pas sûr que cela soit directement le cas pour cette série en particulier. Vonnegut m’a influencé également, ainsi que John Carpenter.
Est-ce qu’un film ou un dessin animé pourrait être réalisé sur la base de cette série ? Nous discutons de différentes manières de produire cette histoire. Roman, film, dessin animé etc… Mais nous n’en sommes qu’à ce stade, l’attention étant d’abord portée sur la bande-dessinée.
Reparlons musique. Quelles sont les différences les plus notables entre Good Appolo, I’m Burning Star et No World for Tomorrow ? Ce dernier semble plus porté sur les chansons et moins sur le développement de thèmes musicaux, qui allaient et venaient sans cesse sur l’avant-dernier album… Difficile de dire que quoi que ce soit ait été fait de manière absolument intentionnelle en tout cas. Tous les morceaux que nous écrivons ne sont jamais que le résultat de ce que nous sommes à un moment donné. Ce qui est certain, c’est que lorsque nous avons commencé à écrire ce nouvel album, beaucoup de choses se passaient autour du groupe, nous avions perdu certains membres (NdlR : leur batteur Josh Eppard quitta le groupe et fut remplacé par Chris Pennie, ex The Dillinger Escape Plan), moi, ma tante… L’approche sur ces nouveaux morceaux était donc sans aucun doute plus personnelle qu’auparavant.
Un titre dont tu es particulièrement fier sur ce disque ? « Mother Superior ». J’adore ce morceau, j’adore le jouer et l’écouter à chaque fois.
Amusant que tu cites ce titre, à propos duquel j’avais une question : il ouvre en effet de nouvelles perspectives sur votre son, avec des passages plus calmes. C’est vrai, et nous développerons peut-être cette approche dans le futur. Ce fut vraiment plaisant de s’essayer à un autre style que le nôtre. Le fait que nos fans aient eux aussi apprécié ce morceau nous conforte dans ce choix.
Quid des soli de guitares, souvent longs et très travaillés, qui sont comme une marque de fabrique ? C’est assez inhabituel dans la musique actuelle. Je suis vraiment un amateur de ce genre d’interventions, dès lors que leur longueur est justifiée par une approche carrée et stylisée. Travis et moi travaillons ensemble ces parties, et même si j’ai tendance à me la raconter un peu plus que lui, c’est celui qui apporte la ligne du solo qui la joue.
Comment composes-tu les morceaux en intégrant la contrainte conceptuelle ? Je sais toujours où j’en suis dans le développement de l’histoire, et j’apporte en général une touche personnelle pour faire rentrer le morceau dans le cadre de ce concept.
Qu’en est-il de cette tendance à conclure vos albums par un morceau épique à tiroirs ? C’est devenu une sorte de rituel. Tous les grands films s’achèvent de manière grandiose, beaucoup dans un bain de sang. Mais ces conclusions musicales s’inscrivent en général dans l’histoire et n’ont pas pour but de faire sangloter.
Nous avions eu le plaisir d’assister à votre concert parisien l’automne dernier. Nous avions été surpris par votre reprise d’Iron Maiden : d’où est venue l’idée ? Iron Maiden est un de nos groupes favoris et lorsque nous avons commencé à introduire une reprise de « The Trooper » au milieu de notre titre « Everything Evil » lors de nos concerts, nous nous sommes rendus compte que cela faisait de l’effet, et l’avons donc reconduite lors de la dernière tournée.
Autre surprise, votre tendance à beaucoup improviser en concert, en particulier sur la fin. Cela influence-t-il aussi votre écriture, comme sur « On the Brink » ? Absolument : « On the Brink » est d’ailleurs une sorte de reprise improvisée de « The Final Cut », que l’on trouvait sur l’album précédent ! Nous ne sommes pas honteux de dire que sur cet aspect, Pink Floyd, Led Zeppelin et Queen nous ont influencés !
Allez-vous revenir en Europe en 2008 ? Oui, nous jouerons en avril puis en juin prochain en Europe. En ce qui concerne la France, quatre ou cinq dates seront prévues pour juin. Je ne sais pourquoi nous n’avons pas beaucoup tourné dans votre pays, mais nous allons enfin pouvoir y jouer et rencontrer nos fans.
Si vous pouviez ouvrir pour un groupe encore en activité, lequel choisirais-tu ? Metallica.
Maintenant que la saga est close, que devons-nous attendre de vous ? Une nouvelle histoire ? Nous allons nous atteler à écrire le prequel, dans lequel seront dévoilées les origines de Coheed et Cambria. Tu sais, l’histoire a en réalité commencé la première fois que je suis venu à Paris pour rendre visite à une copine, quand j’avais dix-huit ans !
Propos recueillis par Djul
site web : http://www.coheedandcambria.com
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