ENTRETIEN : RITUAL
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Origine : Suède Style : Rock/folk progressif Formé en : 1992 Composition actuelle : Patrick Lundström – vocaux, guitares acoustiques et électriques Fredrik Lindqvist – basse, bouzouki, mandoline, flûtes Jon Gamble – claviers, harmonium et harmonica Johan Nordgren – batterie, nyckelharpa Dernier album : The Hemulic Voluntary Band (2007) |
Cela fait quinze ans que Ritual tente de sauvegarder l’esprit déchu du folk dans le creuset sédimentaire d’un rock progressif lyrique et atypique. Et curieusement, c’est en voulant faire simple et direct que la formation sort son album qui est incontestablement le plus abouti. Une belle leçon dont Patrik Lundström, chanteur du groupe, nous explique la genèse.
Votre dernier album, The Hemulic Voluntary Band témoigne d’une évolution technique et artistique importante. Que s’est-il passé au sein de Ritual qui puisse l’expliquer ? Patrik Lundström : Chacun de nos albums est différent des autres, aucun ne sonne comme son prédécesseur même si tous possèdent les traits caractéristiques de Ritual. Avec The Hemulic Voluntary Band je crois que nous avons vraiment cherché à cultiver notre propre caractère musical. Nous voulions faire un disque très simple, sans trop d’effets de production : juste nous quatre et nos instruments. En général, le processus d’écriture diffère d’un album à l’autre. Ainsi, lorsque nous avons enregistré Think Like A Mountain, notre CD précédent, nous sommes arrivés en studio avec des idées assez basiques, des brouillons de morceaux que nous avons terminés et arrangés au cours de l’enregistrement. Sur ce nouvel album l’écriture et les arrangements étaient terminés avant d’entrer en studio. Nous avons tous composé chez nous et apporté en répétition des titres presqu’ achevés. Ensuite, nous avons trié tout ce matériel pour le retravailler. Cela fait quinze ans que nous jouons et créons de la musique. Je pense que c’est désormais quelque chose d’assez naturel pour nous. Il faut rester en contact avec l’esprit du groupe et être capable de garder l’imagination et la curiosité d’un enfant pour que cela fonctionne parfaitement ! C’est particulièrement sensible sur The Hemulic Voluntary Band puisque nous avons voulu mettre en avant l’aventure, l’imaginaire et le genre épique.
Le folk est une de vos influences les plus évidentes. C’est formidable parce que ce style à tendance à disparaître dans le prog moderne. Quelles sont vos références dans ce domaine ? La musique folk ou traditionnelle est l’une de nos principales influences. Cela a toujours été le cas. Notre bassiste Fredrik a joué du folk et étudié l’ethnomusicologie pendant des années. Il a naturellement ajouté ces ingrédients comme tous ces instruments dont il joue : la mandoline, le bouzouki irlandais et les flûtes traditionnelles. Notre batteur Johan, quant à lui a appris à pratiquer du Nyckelharpa, un vieil instrument suédois, une sorte de violon avec des touches fonctionnant comme un clavier. Johan comme Fredrik sont donc comme « connectés » à la musique traditionnelle suédoise. Cela dit, nous avons aussi d’autres influences qui viennent du folk britannique et irlandais. Bref, je crois que l’on peut dire que nous avons un véritable amour pour ce type de famille et ses nombreux « parfums ». Dans les années soixante-dix, ces influences-là étaient très présentes dans la musique progressive. Comme tu l’as bien dit, tout ce courant a presque disparu aujourd’hui, mais nous poursuivons dans cette voie parce que nous adorons cela !
Vos nouvelles compos, malgré une allusion évidente au passé, font preuve d’un bel effort de recherche musicale, d’originalité. C’est réjouissant car beaucoup de groupes oublient que dans progressif il y a l’idée de progression… Merci ! Ce genre existe depuis quarante ans aujourd’hui et, alors qu’il était aux débuts naturellement inventif, le progressif est devenu un style musical établi, avec ses propres codes, ses propres groupes « classiques » et des attributs marqués. C’est peut-être paradoxal, mais c’est une évolution naturelle. Au sens propre, peu de groupes de rock progressif le sont restés réellement. En ce qui me concerne, cela ne me pose pas le moindre problème. Honnêtement, je ne pense pas que nous soyons particulièrement innovants non plus, même si nos productions connaissent certainement une vraie évolution. En fait, nous ne faisons que suivre que nos instincts créatifs et nos envies et faisons la musique que nous imaginons.
L’aspect rythmique est très travaillé sur l’album. Nous nous sommes beaucoup servi de polyrythmies et de contrepoints dans nos arrangements. Notre ambition était d’obtenir un « swing ». C’est quelque chose que nous avions déjà fait auparavant mais qui est bien plus évident sur ce nouvel album. Surtout sur le morceau-titre. Par contre nous n’utilisons pas de mesures insolites pour autant.
De manière générale The Hemulic Voluntary Band donne l’impression d’être le fruit d’un gros travail de groupe privilégiant la cohérence plutôt que les « passes d’armes ». Absolument. Notre principale ambition est toujours de faire de bonnes chansons, avec des mélodies prenantes et des textes intéressants. Nous nous appliquons beaucoup pour soigner les arrangements. C’est important d’être capable de bien jouer, mais la virtuosité instrumentale en tant que telle ne nous intéresse pas, ce n’est pas dans l’esprit de la formation. Nous ne nous battons pas, nous coopérons ! Ritual est vraiment un groupe, une équipe.
La production de cet album est vraiment formidable, très claire. Mais c’est surtout le son des instruments qui impressionne. Comment êtes-vous arrivés à un tel résultat d’excellence ? Nous voulions un son naturel, chaud et « acoustique ». Nous avons cherché à rester simples, terre-à-terre. Ce que tu entends sur cet album, ce n’est rien de plus que nous quatre en train de jouer et de chanter. Nous avons juste voulu reproduire le son de nos instruments respectifs, de manière aussi naturelle que possible. Évidemment nous avons bénéficié du travail de Monsieur Hans Fredriksson, notre ingénieur du son et coproducteur, qui est le véritable cinquième homme de Ritual. C’est un vrai magicien de la prise de son et du mix. Avec lui, nous formons un groupe vraiment soudé et méticuleux.
Ta voix fait partie de l’identité du groupe : elle est immédiatement reconnaissable. Quels sont tes objectifs lorsque tu entames un nouveau disque ? Vocalement, je crois n’avoir aucun but précis lorsque nous commençons à travailler sur de nouveaux morceaux. Ma voix est un véhicule pour les chansons que nous écrivons. La manière dont je l’utilise dépend de la chanson et des paroles. Quand tu commences à travailler sur les morceaux, tu rebondis sur les idées des autres membres et peu à peu la musique prend forme et tu saisis le « feeling » global de l’album.
On trouve dans l’album une belle richesse instrumentale. Est-ce pour l’occasion que vous vous êtes mis à jouer de tous ces instruments ou bien en jouiez-vous déjà avant ? Ce n’est pas la première fois que nous les utilisons. La plupart des instruments qui se trouvent sur cet album figuraient déjà sur nos disques précédents. La principale nouveauté ici, c’est le nyckelharpa joué par notre batteur Johan. Cela fait des années qu’il en pratique, mais c’est la première fois qu’il s’en sert sur un album de Ritual. Jon, notre clavier, joue également de l’harmonium.
Sans donner non plus dans l’euphorie, votre musique dégage quelque chose de très positif. Est-ce une volonté ou bien est-ce tout simplement la traduction de l’état d’esprit du groupe ? C’est quelque chose de naturel chez nous. Il y a beaucoup de groupes sombres en ce moment. Je crois que c’est une bonne chose pour nous de pouvoir apporter des couleurs différentes. De toutes façons je préférerais toujours les pensées positives aux négatives.
« A Dangerous Journey » est un gros morceau. Tout en étant parfaitement dans la continuité des autres titres, cette longue saga est certainement le titre qui par son traitement reste le plus « classique » de l’album. Qu’en penses-tu ? Je pense que le degré d’originalité de « A Dangerous Journey » n’est ni inférieur ni supérieur au reste. A partir du moment où tu écris un titre long, les références aux autres groupes et morceaux monumentaux de l’histoire du progressif viennent tout de suite à l’esprit parce que ce format exceptionnel est devenu l’un des traits distinctifs du genre. Ce que l’on peut dire, c’est que « A Dangerous Journey » n’est pas un morceau à « feeling » unique. C’est plutôt comme une longue chaîne de chansons rattachées les unes aux autres par les rebondissements d’une longue histoire épique et des thèmes récurrents. Nous savions à l’avance que nous voulions un morceau très long et il nous a semblé que c’était le bon moment pour cela. Lorsque nous avons commencé le travail sur « A Dangerous Journey » – qui est basé sur une saga illustrée de Tove Jansson – il nous a soudain semblé possible d’en faire un concept album. Mais finalement, The Hemulic Voluntary Band n’en est pas un, le titre « In The Wild » n’ayant pas de rapport avec Tove Jansson.
Pour toi, un album ambitieux est-il forcément difficile à faire ? Celui-ci n’a pas été plus difficile à réaliser qu’un autre. Quand les idées musicales ont commencé à émerger, nous nous sommes rapidement trouvés emportés par une vague qui nous a donné l’énergie de travailler de manière très soignée sur chacun des morceaux. Nous savions quel but nous voulions atteindre et le type d’album que nous voulions faire. Mais nous n’avons pas fait plus d’efforts pour ce disque-là que pour les précédents : quand nous enregistrons, c’est toujours un gros travail, très soigneux.
Comment va se passer la promo ? Durant l’hiver et au printemps, nous allons faire une tournée européenne, probablement vers mars-avril. Ensuite, nous irons aux Etats-Unis et jouerons au festival Rites Of Spring, en Philadelphie. Nous espérons également faire d’autres festivals cet été.
Vous verra-t-on en France ?… Nous adorerions jouer en France ! Nous avons tourné plusieurs fois en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Italie, ainsi qu’aux Pays-Bas, jamais en France. Il est plus que temps ! Nous verrons bien ce que notre tourneur nous proposera. Mais pour l’instant, je n’en sais rien…
Propos recueillis par Christophe Manhès et Fanny Layani
site web : http://www.ritual.se
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