ENTRETIEN : SLEEPYTIME GORILLA MUSEUM
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Origine : Etats-Unis Style : Metal progressif Formé en : 1999 Composition : Carla Kihlstedt – violon, guitare percussions, voix Dan Rathbun – basse, piano slide, pedal-action wiggler, cockroach, voix Nils Frykdahl – guitare, voix Matthias Bossi – batterie, percussions, voix Michael Mellender – tout ce qui fait du bruit, voix Dernier album : In Glorious Times (2007) |
Juste avant leur première date française à la Scène Bastille, en avril dernier, nous avons eu le privilège de pouvoir nous entretenir avec les Américains de Sleepytime Gorilla Museum. Le manager du groupe nous ayant laissé près de trois quart d’heure en tête à tête avec le groupe au complet, nous avons eu largement le temps d’apprécier la gentillesse et la disponibilité de ces faux durs, mais vrais éclectiques, capables de parler de tout le plus sérieusement du monde comme d’utiliser l’humour le plus potache. Bref, à l’image de leur musique, cet entretien fut un mélange bien dosé de gravité et de légèreté !
Progressia : Commençons par parler de votre musique. Comment la définiriez-vous à quelqu’un qui ne l’a jamais écoutée ? Nils Frykdahl : Humm… Carla Kihlstedt : Cela représente le monde entier… ! Nils : Mais c’est que la plupart des gens ne l’ont jamais écoutée ! (Tout le monde se marre) Dan Rathbun : Un mauvais moment de rock’n’roll !! … Nils : … quelque chose qui va droit dans la figure ! Carla : C’est comme un éternuement, une expression involontaire et primaire ! Nils : … oui comme un éternuement, une explosion du pif !! Matthias Bossi : Du Nose Rock!! (Rires) Nils : On peut appeler ça Rock Against Rock, parce que notre intention c’est de détruire la musique rock en utilisant les outils les plus rudimentaires !
On parle souvent d’« album concept », mais SGM ne serait-il pas plutôt un « groupe concept » ? Nils : (Réfléchissant) Oui, il y a probablement des concepts qui nous ont influencés ces dernières années. Mais ce sont différents concepts à différents moments et donc dire qu’il y a un seul et unique concept derrière le groupe serait très réducteur. Nous ne nous sommes pas mis ensemble avec une intention particulière. Le groupe initial était intéressé par le heavy rock et par une approche de la composition influencée par la musique classique contemporaine, qu’il voulait plaquer sur ce heavy rock… Carla : Il est difficile de dégager des intentions claires au milieu de tout ça ! Nils : …et travailler énormément les textures ! Nous avons tous des facilités pour fabriquer des structures, des mélodies et des harmonies élaborées. Mais nous sommes déterminés à éviter de suivre ces tendances naturelles pour nous focaliser sur le son et la texture. On peut d’ailleurs se demander si l’on y est parvenu. Carla : Il y a, c’est certain, un côté… Nils : … une patine crasse et sinistre qui recouvre toutes nos euh… Matthias : jolies chansons !! Nils : … nos jolies chansons ! Carla : Mais la plupart du temps, ça nous recouvre nous ! Matthias : Comme notre van ! As-tu vu notre van ? Carla : Notre van est recouvert d’insectes écrasés ! Matthias : Splurch ! Splurch ! Splurch ! (Rires)
Pourriez-vous parler des principales questions et idées politiques qui sont développées dans vos deux premiers albums ? Nils : Je dirais que c’est Of Natural History, notre second album, qui est le plus ouvertement politique. Sur le premier album, c’est la chanson « The Stain » qui est politique… Dan : …mes chansons sont toujours politiques ! Nils : Ses chansons sont toujours politiques parce qu’il vient de la campagne. Matthias : C’est un putain de hippie ce mec et particulièrement sa coupe de cheveux !! (Rires) Nils : Ouais… je dirais que les problèmes que nous abordons sont plus sociaux que politiques même si c’est difficile de séparer les deux. Sur Of Natural History nous posons la question du rapport de l’être humain à la technologie et son influence sur la politique. La droite ou la gauche ne signifient plus rien quand il s’agit de traiter de la question de la civilisation face au primitivisme. La gauche comme la droite mettent en avant la techno-industrie. La gauche en fait même plus que la droite, tout du moins plus ouvertement, car elle prône des solutions technologiques pour résoudre ses préoccupations, tandis que la droite, en vertu de son conservatisme, est un peu plus hésitante pour approuver certaines recherches comme la génétique. Dan : La droite ne s’intéresse qu’aux solutions ! Nils : Oui… Dan : Mais pas aux problèmes et à leurs causes ! Carla : On ne peut pas vraiment dire ça non plus…
D’un point de vue philosophique, il semble que vous croyiez en une extinction de l’homme. Pensez-vous que cela puisse être changé ? Dan : Quand on voit comment ça se passe en ce moment, on va bientôt mourir. C’est l’extinction !! Nils : Je pense que l’on peut changer ça, même si la nécessité implique que ça va quand même arriver. La question est de savoir dans combien de temps. Carla : Pour toi, cela signifie-t-il que ça doit être changé de l’intérieur ou que cela doit être changé de l’extérieur ? Nils : Non, ce que je voulais dire c’est que cela va changer brutalement, en percutant le mur ! (il frappe la main de son poing) Dan : Bon alors, une extinction proche… Nils : Là, on parle de temps chaotiques mais, dans l’absolu, l’être humain peut apprendre, et particulièrement de ses propres douleurs et ses propres souffrances. Des hommes pourront certainement se sauver eux-mêmes mais la population sera réduite à une fraction de ce qu’elle représente aujourd’hui. Pour moi, c’est certain, même si je ne dis pas que ça va arriver dès le week-end prochain. Je pense que l’Apocalypse est le faîte d’une courbe qui va doucement vers la fin, puis d’une pente abrupte. Nous pourrions avoir un… Matthias : … un doux jour de salut ! (Rires) Nils : Oui ! Dans lequel les gens apprendraient.
Utilisez-vous déjà d’autres médias pour véhiculer votre message et envisagez-vous d’aller plus loin que la musique pour parler de telles idées ? Matthias : Cela dépend de qui nous interviewe ! C’est vraiment révélateur. Nils : C’est vraiment rare que l’on nous pose ce genre de questions ! D’habitude on a droit à « quels sont vos films préférés ? » ou un truc du genre… mais on s’en fout !! (rires) On ne fait pas de musique dans une éprouvette. La musique existe sous la forme d’un continuum d’idées en perpétuels mouvements. Je pense que nos idées sont noyées, dans la jeune génération, au milieu d’un flot de paroles et de dangers divers et que quelque chose doit être fait pour les faire entendre. Cela peut prend diverses formes. Dans notre côté heavy, ces idées ont une forme apocalyptique où nous allons tous brûler en enfer dans une machine géante. Mais nous avons aussi un côté néo-hippie, utopique, dans lequel on chante pour retourner vivre au milieu de la nature. Nous sommes quelque part entre ces deux extrêmes. Dan : En ce qui concerne l’utilisation d’autres médias, la musique est assurément notre premier choix. Vient ensuite le théâtre. Puis un peu le journalisme, le cinéma, mais nous ne sommes pas vraiment des cinéastes. Carla : Ce qui nous a poussé à former ce groupe c’est simplement que nous sommes des musiciens ! C’est autour de cela que nos relations se sont créées. Nous avons bien des idées, que l’on essaye de véhiculer à travers la musique, mais nous les ressentons avant tout en tant qu’êtres humains. Ce n’est pas comme une campagne politique qui veut créer un mouvement. De toute manière, nos idées existent déjà en ce monde.
Au regard des différents styles abordés dans vos chansons et des origines musicales variées de vos membres, c’est étonnant que vous restiez aussi cohérent… (Ils se regardent tous étonnés) Dan : C’est super-sympa de nous dire ça… Merci !! Nils : Le prochain album contiendra probablement une plus grande diversité dans les titres. Dan : Nous avons participé tous les cinq à l’écriture des chansons. Mais pourquoi restons-nous si cohérents ?? Nils : Je suis très fier qu’il en soit ainsi, mais c’est difficile d’expliquer le processus d’écriture. Parfois, on a l’impression que : « waouh, on doit jouer comme ci, et on ne doit pas jouer comme ça ! ». Mais en définitive, nous tous donnons cette identité au groupe. Difficile de faire ressentir ça de l’extérieur. Nous explorons tous de nouveaux territoires que les gens, nous l’espérons, apprécierons. Nous retouchons tous les compositions en essayant de garder les apports de chacun. Dan : Si nous amenons tous ces instruments étranges dans notre bus pendant la tournée c’est que nous avons écrit pour eux et le son de Sleepytime s’en ressent sur chaque chanson. Mais la cohérence du son que nous avons mis en place s’exerce dans la palette standard de ce que nous dessinons. C’est facile de rester cohérent quand on dit, « on va sonner comme ça de là à là », et de commencer à jouer à l’intérieur de ce spectre. Tout ce que l’on joue tombe forcément là-dedans. En tout cas, nous devenons de plus en plus cohérents. Michaël : On va évoluer en ne faisant qu’une seule note : « nnnniiiiiiiiiiiiiiiiiiii » ! (rires)
Quelle place donnez-vous à la scène dans votre univers musical ? Carla : Cette année, c’est la priorité numéro une ! Dan : Il y a deux ans, nous avons tourné une bonne moitié de l’année. Si nous n’avons pas tourné l’année dernière, c’est que nous devions écrire et enregistrer le nouvel album. Mais cette année nous la passerons à tourner quasiment tout le temps. Nils : Depuis 2001, on a passé pas mal de temps en tournée. On s’est forcé à ne pas tourner l’année dernière parce qu’il fallait se concentrer sur l’écriture du disque et ce fut positif. Mais maintenant on peut se redire : « Tiens on voudrait jouer là, tiens on voudrait rejouer à New-York, on aimerait bien aussi L’Europe ». Ça faisait longtemps qu’on voulait jouer en Europe. C’est la première fois que nous y venons et puisque ça fonctionne bien il faut que l’on y revienne. D’ailleurs, nous essayons de préparer un truc pour octobre.
Parlez-nous de l’artwork de vos pochettes d’albums qui ressemblent aux vieux livres du 19ème siècle et aux photos de presse un peu trash de la même époque. Nils : Nous avons pas mal détourné les images du 19ème siècle. Matthias : Bon nombre sont de l’époque victorienne. Michael : Quand tu vois nos vidéos… Dan : À l’exception de nos concerts, ce n’est pas vraiment ça ! Surtout pour les couleurs… Nils : Oui, cela fait plus Mary Poppins !!(Rires) Tout dépend donc de l’angle de vue… Nous aimons beaucoup les vieux livres, les vieilles photos, les vieux imprimés et les textes en langues anciennes. Toute cette documentation traite de problèmes graves comme l’Apocalypse. Rapporté au 21ème siècle c’est comme si on prenait notre actualité et qu’on la regardait à travers une vitre sale. Pour le deuxième album, le loup qui va dévorer un gosse, c’est fait à la manière d’un livre de contes pour enfants. Ce n’est pas vraiment violent parce que ça fait partie de l’inconscient collectif. Carla : Il y a une distance qui est prise. Nils : Quand tu prends le traitement de cette pochette, tu peux montrer que c’est fun pour un loup de manger un homme (rires). Elle n’est pas traitée comme une pochette d’album de Cannibal Corpse !
Comment expliquez-vous le relatif engouement de ces dernières années pour les musiques avant-gardistes ? Nils : Je ne savais pas qu’il y avait un engouement pour la musique d’avant-garde. Matthias : J’ai une grande passion pour la musique avant-gardiste. En fait, j’ai rejoint ce groupe croyant que je jouerais de la musique avant-gardiste ! Et je pense que nous avons réussi ! Depuis qu’ils sont petits tous les gars ici, même Carla, ont joué de la musique classique et ont fait des concerts… Carla : Hey, mais ne crois-tu pas qu’on parlait de manière plus générale ? Dan : La musique classique n’est pas une musique d’avant-garde. Carla : Non… Matthias : Ça peut l’être… Dan : Ça peut… mais, à travers notre propre développement musical, nous avons, d’une façon ou d’une autre, toujours cherché à creuser un peu plus profond pour trouver des choses non conventionnelles. Nils : Parles-tu de la façon dont nous ressentons le soutien général pour cette musique ? De l’intérêt et de la passion qu’elle suscite ? Progressia : Oui par exemple ! Nils : Comme nous venons ici pour la première fois, j’espère qu’il y a une vraie passion pour cette musique en Europe. Il y a un sentiment d’ouverture en ce moment. Je ne pense pas que la scène populaire soit très excitante mais je ne m’y connais pas trop… Le rap est là depuis longtemps, le grunge et le punk… donc je pense que c’est un moment d’ouverture pour la musique en général. Notre musique n’a pas de genre particulier. Aux États-Unis, nous touchons des gens qui écoutent tous les styles de musiques, du progressif au métal en passant par le punk et l’indie-rock. Partout où nous jouons, nous rencontrons des publics différents. Michaël : J’espère qu’Internet, avec les échanges gratuits de musique, va rendre cette industrie du disque encore plus mal qu’elle ne l’est déjà. Tout ça a le potentiel de devenir une sorte d’« Age d’or ». Mais les choix que fait cette industrie ne peuvent que lui faire du mal. Carla : Nous sommes noyés… Nils : Nous n’avons pas de soutien de label ou de radios. Tout ce que nous avons, c’est grâce aux tournées. Puis il y a toujours des gens comme vous pour trouver et parler de cette musique, commander et écouter les CD. La plupart de nos fans aux US ont été fidélisés parce qu’on a joué pour eux. C’est le principal pour nous.
Vers qui vont vos préférences dans le domaine des musiques d’avant-garde ? Nils : Cheer-Accident de Chicago ! Uz Jsme Doma de République Tchèque… Matthias : Tu connais Cheer-Accident ? Ils sont merveilleux !! Dan : Pour moi, je dis Fred Frith, c’est un genre de mentor. Il a introduit beaucoup d’idées qui ont changé notre manière de penser depuis trente ans. Nils : euh, Present ! Michaël : Harry Partch, Residents… Nils : Secret Chiefs 3 avec qui nous avons tourné ! Carla : Zeena Parkins ! Nils : Je reviens sur Uz Jsme Doma puisque tu ne connais pas, cela fait plus de vingt ans qu’ils sont ensemble, malgré les changements de line-up. C’est vraiment intense, on essaye de tourner avec eux le plus possible et nous espérons le refaire. Il y a cinq ans, Dan a produit un album pour eux. Ils étaient là, en République Tchèque, avant la révolution !
Quelles sont vos principales sources d’inspiration extramusicales ? Matthias : Ionesco, Samuel Beckett… Nils, Matthias, Carla : James Joyce ! Carla : Louise Bourgeois euh… Matthias : Harold Pinter (rires) Nils : Ingmar Bergman, Bernard Herzog ! Mais pour moi la première inspiration extra-musicale c’est la forêt et la montagne, ce sont des endroits qui me ressourcent en quelque sorte. Carla : Tout ce qui concerne les auteurs de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentiel) Nils : Dadaïsme, Futurismo !! Nous sommes des motherfuckers originaux !! (rires)
L’entretien se termine dans un brouhaha des plus sympathiques. Néanmoins, Progressia se devait d’informer ses lecteurs à propos du nouvel album du groupe, In Glorious Times, chroniqué dans nos colonnes. Et c’est Matthias qui s’est chargé de répondre par courriel à nos questions complémentaires, de façon très peu orthodoxe.
La production de In Glorious Tmes a plus de densité que les deux albums précédents. Comment Dan a-t-il travaillé pour obtenir ce résultat ? Matthias : L’album a été coproduit par le groupe et Dan Rathbun avec l’aide de notre ami Joel Hamilton de Brooklyn. Nous avons jeté l’évier de la cuisine sur l’album pour obtenir ce son ! [NdlR : les lecteurs sont prévenus qu’ils en recevront plein la figure !]. En tant que luddite [NdlR : opposant à la technologie], tout ce que je peux dire est qu’ils ont tordu bien des boutons pour obtenir le son que nous désirions.
Y a-t-il un concept qui sous-tend l’album ? L’amour, la perte et la renaissance, la puissance accablante de la nature et la fragilité de cette planète que nous appelions la Terre.
La pochette de In Glorious Times est très différente que celle de Of Natural History et naturellement celle de votre premier album. Pouvez-vous expliquer pourquoi ? In Glorious Times est un hommage au travail de Per Frykdhal, le frère de Nils. Il fut à l’origine du groupe, son inspirateur, et c’est lui qui s’occupait de toute la partie graphique et visuelle du groupe. Son décès récent [NdlR : le 17 décembre 2005] a incité Nils et le groupe à une lecture détaillée de ses journaux et de ses dessins, dont une partie illustrent l’album. Sans son imagination intense et son engagement pour l’absurde, ce groupe et ses prédécesseurs (Idiot Flesh) n’auraient jamais pu voir le jour !
Quels sont vos sentiments après votre première excursion européenne ? Le public européen est-il très différent de celui aux Etats-Unis ? Le public européen est peut-être plus enclin à apprécier notre musique. Nous avons le sentiment qu’il nous est acquis, ce qui n’est parfois pas le cas aux Etats-Unis.
Quels sont les projets du groupe pour la deuxième partie de l’année (tournées, etc.) et que se passe-t-il au sujet des projets des membres en dehors du groupe (en 2008 par l’exemple) ? Notre tournée européenne est prévue pour le mois d’octobre [NdlR : voir notre agenda pour les dates en France et en Suisse]! En ce qui concerne les membres du groupe, Dan est un ingénieur du son fabuleux qui est impliqué dans de nombreuses sessions. Michaël est le fondateur de l’Immersion Composition Society, une réunion particulièrement intense de musiciens qui écrivent très rapidement des compositions en utilisant des techniques inhumaines. En outre, il est bassiste d’un groupe appelé les Japonize Elephants. Nils fait évidemment partie de Faun Fables avec son partenaire Dawn « The Fawn » McCarthy. Carla, quant à elle, espère sortir un album en 2008 avec son groupe 2 Foot Yard et sera engagée avec Tin Hat. Moi-même, je suis le fondateur du groupe Book of Knots et notre nouvel album, Traineater, est disponible chez Anti Records. Enfin, Carla et moi tournerons en Europe au printemps 2008 avec le nouveau groupe de Fred Firth, Cosa Brava, dans lequel participe aussi la harpiste Zeena Parkins.
Un mot de fin pour les lecteurs de Progressia ? On se réjouit de vous revoir en Octobre !
Propos recueillis par Aleks Lézy avec l’aide de Christophe Manhès et Jean-Daniel Kleisl
site web : http://www.sleepytimegorillamuseum.com
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