ENTRETIEN : UNEXPECT
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Origine : Canada Style : Metal avant-gardiste Formé en : 1996 Composition actuelle : syriaK – Guitare, chant Artagoth – Guitare, chant Exod – Clavier, sampling Chaoth – Basse 9 cordes Leïlindel – Chant Landryx – Batterie Borboën – Violon Dernier album : In a Flesh Aquarium (2006) Photos : Philippe Nissaire
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Happy Birthday! Les Canadiens déjantés viennent de fêter leurs 10 ans d’existence avec une tournée consistante dans leur mère patrie. Pour célébrer dignement cet événement et en complément de la chronique du très récent In A Flesh Aquarium, Progressia vous propose une entrevue avec le guitariste et hurleur syriaK, psychopathe en chef d’Unexpect.
Progressia : Pour commencer, que diriez-vous d’une petite présentation pour nos lecteurs qui, malgré vos dix ans d’existence, ne vous connaissent peut-être pas ? syriaK : Nous sommes une bande de troubadours troublés qui aime parcourir les chemins inexplorés et fusionner les styles musicaux de manière tentaculaire à notre corps de pieuvre métallique. Donc, en résumé, si on traduit : un groupe metal qui a décidé de transcender les bordures établies et de créer librement.
S’il fallait mettre une étiquette sur votre style, comment le définiriez-vous ? L’étiquette qui me semble la plus proche de notre réalité serait celle de metal expérimental, puisqu’elle englobe tous les styles. Une expérimentation n’a pas de couleur qui lui est propre: alors cette étiquette là a l’intérêt de rassembler le lot au complet. De plus, cela laisse une liberté qui ne laisse pas présager d’une sonorité en particulier et ne génère donc pas d’attente. Tout est possible et nous ne savons jamais exactement vers où nous nous dirigeons.
De quels artistes vous sentez-vous proches, par lesquels vous sentez-vous influencés ? Le groupe qui m’a définitivement donné un coup de pelle au visage fut Mr.Bungle. Dès sa découverte, j’ai adopté une attitude libertine face à la musique. Le but étant bien sûr, non pas de refaire ce qu’il a fait mais plutôt de suivre le même mode de pensée qui est celui de la liberté totale et de l’abolition des frontières entre les genres. Des artistes comme Ulver m’ont aussi beaucoup fait découvrir par le biais de leur évolution complètement disparate et personnelle. Aphex Twin et Squarepusher m’ont montré à quel point l’électronique pouvait décaper et produire de réelles compositions au même titre que n’importe quel autre groupe instrumental. D’autres comme The Mars Volta et Radiohead me viennent aussi à l’esprit parmi la multitude qui s’entasse dans ma masse cervicale.
Comment s’est faite l’évolution de votre style au fil des années, le passage d’un black metal assez traditionnel à du metal avant-gardiste complètement barré ? Je crois que c’est tout simplement une évolution naturelle. Notre musique a évolué au même titre que nous, en tant qu’être humain, nous avons changé. Certaines personnes pensent savoir ce que leur groupe doit être. Je crois que la musique, dans la mesure où elle est un produit direct de l’humain et de sa pensée, se doit de suivre le parcours que celui-ci vit au moment de son expulsion en terrain externe. Notre musique sera donc toujours en constante mutation, suivant en cela celle de nos goûts et de nos personnalités.
Le Canada a produit de nombreux artistes originaux ces dernières années. Quel est le statut du métal chez vous ? Est-ce un genre undergroundou existe-t-il un vrai public ? La scène canadienne est très active et vivante et les groupes sont plus que nombreux. Il y a un très bon public, fidèle, complètement et positivement marteau en spectacle! C’est sûr que la faible population et la distance entre chaque ville fait en sorte qu’il y a quand même moins de monde par rapport à ce qu’il pourrait y avoir dans un pays d’Europe où tout est à proximité. Mais le tout reste assez underground et les grands médias s’y intéressent plus ou moins…une chance qu’il existe une tonne d’intervenants passionnés et de médias alternatifs pour supporter la scène parce que sinon, elle ne survivrait pas. Les gens en général sont encore bourrés de préjugés par rapport au metal et gardent la même vision que celle d’ il y a 20 ans, époque à laquelle elle était déjà erronée …malheureusement les grosses stations de radio/télé/journaux ne prennent même pas le temps de découvrir le fait qu’il existe une scène florissante dans leur propre cour.
Au Canada, il existe également des labels de progressif très dynamiques comme Unicorn Records (qui s’ouvre au metal depuis quelques temps). Vous êtes signés par le label américain The End Records (The Gathering, Sleepytime Gorilla Museum, Lordi…) chez lequel figurent de nombreux groupes très originaux. Le choix de ce label s’est-il fait naturellement ou en avez-vous démarché d’autres pour produire votre album ? Au moment de les approcher, nous ne connaissions pas The End Records tant que ça et c’est lorsqu’ils ont montré de l’intérêt que nous avons commencé à en apprendre plus. Nous avons découvert une étiquette très ouverte d’esprit et totalement prête à assumer nos délires musicaux en tous genres. Chose peu courante, de nos jours, je dois dire…
Parlons un peu de In a Flesh Aquarium. Comment avez-vous composé cet album ? Y a-t-il un concept, une ligne directrice ? À vrai dire…l’album a été composé au fil des ans avec plusieurs changements de musiciens, qui nous ont causé d’importants retards. On peut donc dire que s’il y existe un thème à cet album, ce serait celui du chaos. L’album constitue en quelque sorte une anthologie de ces quelques années de troubles survoltés. Naturellement, les morceaux ont été en évolution constante jusqu’au moment de l’enregistrement, et, même là…plusieurs expérimentations ont eu lieu en studio. Nous nous sommes laissé encore plus de liberté que par le passé.
Comment décidez-vous d’incorporer ici du violon, là un thème de cirque ? De quelle façon enregistre-t-on un disque aussi riche, exubérant ? C’est parfois l’œuvre du hasard ou alors d’un cheminement complexe, cela dépend. Étant donné que chacun apporte ses idées, il y a toujours quelqu’un pour diriger telle ou telle section et qui l’entrevoit de manière différente. Le grand secret reste tout simplement l’écoute des autres et le respect des idées de chacun.
N’avez-vous pas peur de dérouter les fans en leur proposant un album aussi déjanté, difficile à assimiler ? Pas du tout…je crois que, dès le début, nous avons préparé nos fans au fait que notre musique serait en constante évolution. C’est un album, certes, difficile à digérer mais c’est ainsi que nous les préférons. À chaque écoute, une nouvelle découverte, de sorte que la personne se doit d’écouter la musique en profondeur et non pas seulement l’entendre. Comment faire découvrir des choses si on sert toujours le même plat ? Je préfère faire confiance à l’intelligence de l’auditeur plutôt que d’assumer que ce sera trop dur à comprendre et d’enchaîner les sections « pop »…et je ne veux pas dire par là que je déteste cette recette. J’aime moi-même plusieurs projets qui sont très « pop », là n’est pas le problème. Je respecte le fait de vouloir tout simplement se divertir avec de la musique simplifiée, mais ce n’est pas le credo d’Unexpect et ceux qui sont prêts à en écouter sont au courant… ou le seront en écoutant !
Vous venez de fêter votre dixième anniversaire. Quel bilan tirez-vous de ces dix années d’existence ? Heu…une écrevisse ? (Inutile d’essayer de comprendre ce que syriaK a voulu dire par là… ).
Unexpect est à l’évidence un groupe taillé pour la scène. Parvenez-vous à reproduire en concert la folie de vos albums ? Des commentaires que nous recueillons après chaque spectacle et à voir la manière dont réagit le public en concert, tout semble positif, alors j’ose imaginer qu’il apprécie nos prestations déjantées. Nous éprouvons un plaisir fou à reproduire nos morceaux en spectacle et notre but est bien sûr de le partager avec la foule. Je crois que l’énergie passe très bien…
Votre public a-t-il changé depuis vos débuts ? Plus ou moins…les mêmes sont restés depuis le début et le public ne cesse de devenir plus nombreux. C’est intéressant de voir de plus en plus de gens issus de scènes différentes se pointer à nos spectacles. C’est motivant de voir se côtoyer des fans de plusieurs styles et de toutes les tranches d’âges… de 6 à 75 ans. Satan est toujours un fan indéfectible et nous nous voyons certains week-ends pour une petite partie de cricket…mais il est très mauvais perdant je dois dire…
Quel est l’accueil du public lorsqu’il assiste à un spectacle aussi particulier que le vôtre ? Certains sont du genre à intérioriser et apprécient de manière stoïque en souriant et en hochant la tête, d’autres sont de véritables bulldozers humains; un nombre important exécute des pas de danses schizophréniques, mais en général l’ensemble nous montre son appui très chaleureusement. C’est ce qui fait que nous continuions après toutes ces années et que nous continuerons encore pour les décennies à venir !
Vous avez beaucoup tourné au Canada en 2007. Envisagez-vous de donner des concerts ailleurs, aux Etats-Unis, par exemple? L’Europe est-elle une destination envisageable pour vous ? Certains spectacles sont déjà en branle pour les États-Unis pour cet été et peut-être l’automne prochain… Pour ce qui est de l’Europe, il s’agit bien sûr d’un de nos plus anciens plan d’avenir. Dès qu’une opportunité se présentera, il est certain que nous viendrons y faire un tour ! J’ai vraiment hâte de constater l’ampleur de la scène metal en Europe…
Quels sont vos projets futurs pour Unexpect ? Composer rapidement notre prochain album et aller nous faire connaître un peu partout dans le monde! Et, s’il est permis de rêver, un projet conjoint avec le Cirque du Soleil serait complètement délirant !
Un petit mot (ou plusieurs !) pour les lecteurs de Progressia ? Conservez tous cette folie individuelle qui vous est propre et entretenez-la chèrement ! En attendant de vous rencontrer en personne un jour ou l’autre, ne soyez pas sages et buvez à notre santé…nous boirons certainement à la vôtre !
Propos recueillis par Jean-Philippe Haas
site web : http://www.unexpect.com
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