ENTRETIEN : DORNFALL
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Origine : France Style : Metal Mélodique Formé en : 2002 Composition actuelle: Stéphane Molino – chant Florian Sliwa – guitare Sam Smith – guitare Christopher Mouron – basse Florian Gargaro – batterie Discographie : Dornfall (2005) Précieux Secret (2007)
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Il était déjà question d’Innerchaos, de Conscience, de Spheric Universal Experience. Il vous faudra désormais compter avec Dornfall et son deuxième essai Précieux Secret qui est une jolie surprise. Petite présentation du groupe et de son nouveau bébé avec Stéphane Molino, Florian Gargaro et Sam Smith, dernier arrivé dans la formation.
Progressia : Cela fait déjà trois ans que Dornfall le premier album éponyme du groupe est sorti. Pourquoi tant de temps entre les deux albums ? Stéphane Molino : Ces trois années ont été bien remplies puisque nous avons commencé la composition du nouvel album, interrompue plusieurs mois durant en raison de la construction de notre studio d’enregistrement, que nous partageons avec Chugga Chugga. Nous avons étalé les séances de travail de manière à ne pas nous accaparer les lieux. Florian Gargaro: J’ai supervisé en grande partie la production avec mes acolytes, et je me suis chargé, avec l’aval de mes collègues, du mix et du mastering. C’est un travail fastidieux qui s’est étalé sur près d’un semestre: cela fait de longues journées, sans oublier le fait que nous partageons le studio avec un autre groupe et, qu’à côté de ça, nous avons nos boulots quotidiens.
A voir les influences citées sur la page Myspace du groupe, composer ensemble doit être un exercice ? Florian : Nous venons tous d’horizons différents, il n’y a pas eu de compromis: chacun a apporté son savoir faire et mis sa propre culture au service de l’album. Si nous avons fait ce disque de telle manière, c’est qu’il devait en être ainsi, point. Stéphane : Pour continuer sur ce sujet, je dirais qu’aujourd’hui nous avons un discours et une direction artistique qui tranchent nettement avec le premier album, auquel nous n’avions d’ailleurs pas pris part, étant donné que la formation a été renouvelée depuis à 60 %. De cette époque ne sont restés que le guitariste Florian Sliwa et le bassiste Christopher Mouron. Nous nous sommes greffés au groupe tout en continuant à jouer ses morceaux à forte couleur Heavy Metal. Il s’est avéré qu’avec l’apport des nouveaux membres, Dornfall a eu envie d’explorer d’autres directions. Chacun a ses propres influences. C’est un vrai virage à 180 degrés représentatif du groupe et des musiciens qui le composent. Nous avons rassemblé toutes nos envies; chacun d’entre nous peut ainsi composer. Florian est batteur mais il joue également de la guitare et crée donc des morceaux de manière autonome. C’est un vrai travail d’équipe. L’un d’entre nous -le plus souvent Christopher, Frédéric, notre ancien guitariste, ou moi même- fournit une base, puis nous retravaillons tous ensemble. Il est vrai que le mélange d’influences de cinq personnalités visiblement très marquées conduit de temps en temps à une lutte entre les styles. C’est intéressant dans la mesure où cela entraîne une certaine richesse et une diversité au sein d’un album. De plus, la cohésion du groupe s’en voit renforcée et ça, c’est important.
Si l’on cite comme influences: Faith No More, Pantera, System Of A Down ou Tool, ca vous parle ? Florian : Un peu, oui. Ce sont des groupes extrêmement novateurs que tu cites là. Ces influences sont sans doute présentes inconsciemment, mais elles ne se ressentent pas trop.. Tu peux dire à la limite que tel titre ressemble à X et tel autre fait penser à Y. Stéphane : J’en profite pour insister sur la variété du disque. Nous pensons que le fait d’avoir un seul compositeur est un peu périlleux parce que c’est le meilleur moyen de s’enfermer dans un style et de nuire à la diversité. C’est d’autant plus risqué que, par la suite, il est difficile d’en sortir. Notre leitmotiv est de nous faire plaisir, d’essayer, de rechercher, d’innover et d’évoluer constamment.
Sam Smith : Etant la dernière recrue en date, je confirme les dires de mon collègue. J’ai écouté le premier album du groupe: il est clair que l’évolution est frappante d’un point de vue stylistique. Je pense que Dornfall a gagné en maturité. Pour ma part, c’est ce mélange des styles qui m’a accroché, m’intéresse et me motive. Je suis très branché par le progressif, par des groupes aussi variés que Porcupine Tree ou A Perfect Circle. A côté de ça, j’aime beaucoup Freak Kitchen pour le coté technique et barré. Florian : Sam compose aussi, il y aura donc un palier supplémentaire de franchi sur le prochain album. Il sera intéressant de voir comment ses influences vont se mêler aux nôtres.
Parlons maintenant de votre Précieux Secret Avec un tel titre, difficile d’échapper à la sempiternelle question : est-ce un concept-album ? Stéphane : A l’origine ce n’était pas un concept-album, mais ça l’est devenu. Il faut savoir que je ne suis pas intervenu dans la composition des morceaux. Arrivé en cours de route dans Dornfall, je me suis occupé des textes. J’ai cherché avant tout des paroles qui collaient à la musique entendue lors des répétitions ou des soirées passées ensemble. J’ai essayé aussi de connaître un peu plus en détail l’univers de chacun.. Par ailleurs, il y a une recherche personnelle qui m’a conduit vers un fil conducteur. J’ai pu arranger les morceaux dans un certain ordre, de manière à les faire entrer dans mon concept.
J’ai relevé certaines références, notamment sur « 300 ». Serais-tu fan du film adapté de la BD de Frank Miller ? Stéphane: Il s’agit d’un pur hasard. C’est une bande dessinée qu’on m’a offerte que j’ai trouvée très forte. Je suis un passionné d’histoire ancienne, de mythologie. Cette BD m’a marqué, tout comme elle a inspiré un réalisateur de cinéma. Il faut savoir que ce morceau a été composé il y a près de trois ans. Cela a été une surprise de voir que le film du même nom sortait au cinéma. Florian : A la limite, si nous l’avions su avant, nous nous serions manifestés pour la BO du film (Rires)
Peux-tu nous relater très brièvement – c’est le défi – le concept de l’album ? Stéphane : Le concept démarre au moment de la Mère Primordiale – pendant la période de l’Egypte antique–. On traverse l’Afrique puis le Moyen-Orient pour arriver en Grèce avec le titre « 300 ». C’est un voyage dans le temps et l’espace. On passe enfin par Byzance jusqu’à arriver en France. C’est la redécouverte d’un savoir ancien perdu.
On note aussi des références à la théologie. Dans votre single « Sans Regret » il est question de dieux… Oui, c’est le moment où cette vague arrive jusqu’en France sous la forme du christianisme. Ce qui m’intéressait, c’était de connaître ces formes de savoir ancestraux : la guérison, des choses perdues …Le concept raconte donc la redécouverte spontanée de ces connaissances anciennes par un homme moderne. Il y a aussi un morceau sur H.P. Lovecraft qui a eu accès à la bibliothèque familiale. Son père était affilié franc-maçon. L’auteur a commencé à lire très jeune, vers l’âge de sept ans et ça l’a rendu un peu fou: c’est de là qu’est né son génie littéraire. J’ai un intérêt très prononcé pour la lecture et certains romanciers en particulier : « Hypatie » est ainsi inspiré d’un livre d’Umberto Eco. Spécialiste de l’époque médiévale, il arrive à appréhender, à travers ses romans, la psychologie des gens de l’époque. Ce sont des recherches que j’ai faites à titre plus personnel : comprendre l’état d’esprit de populations vivant alors: cela transparaît dans mes textes.
Ne vous sentez-vous pas quelque peu restreints par votre chant en français ? Florian : Pour ma part, je dirais qu’avant d’aller plus loin et de tenter quelque chose d’impossible, nous essayons de jeter toutes nos forces dans un périmètre plus raisonnable. Il y a beaucoup de groupes de metal en France qui chantent en anglais pour pouvoir s’exporter, ce que je comprends très bien, étant moi-même fan de musique anglo-saxonne. Le chant en Français nous tient à cœur. Au sein de Dornfall, nous sommes partis avec l’idée de mélanger plusieurs styles et le chant en anglais aurait rendu la chose banale et moins originale. Stéphane a une belle plume, ce qui enrichit la musique tout en collant au concept. Notre but est de toucher les gens: si c’est avec la musique qu’on y arrive, tant mieux, si les textes y contribuent également, c’est super. Notre objectif avec cet album là, c’est que l’auditeur se retrouve dans les deux. Il y a pas mal de choses qui, je pense, peuvent amener à apprécier notre musique. Je ne dis pas que tout plaira à tout le monde mais il y a des points de convergence qui peuvent rassembler des amateurs potentiels.
D’un autre coté, avec un chant en français, on peut percevoir un côté visuel… Stéphane : Oui, c’est certainement dû à la façon dont j’interprète les morceaux sur scène. J’ai longtemps chanté en anglais et je dois avouer que je ne suis pas très à l’aise. Le chant en français plus simple car, à l’écriture, je peux trouver le mot qui aura le plus de sens, le plus d’impact. Ce qui m’intéresse c’est de jouer sur l’ambivalence des mots, chose que je ne peux faire avec l’anglais. Je pose des bases que je qualifierais d’émotionnelles: cela donne effectivement un certain relief et ce côté théâtral dont tu parlais dans ta question. Quand j’écris, je pense aussi à l’impact scénique : je fais en sorte d’écrire des textes expressifs, pour pouvoir les vivre sur scène, faire passer quelque chose au public via les mots, la gestuelle et l’expression corporelle.
Avec le phénomène Myspace, est ce que l’utilisation du français peut ne plus être perçu comme une barrière ? Stéphane: Nous recevons des messages assez amusants d’internautes vivant aux Etats-Unis, qui n’ont jamais entendu de metal chanté en français ; ça les interpelle. Au moins, ça ne laisse pas indifférent. Nous avons beaucoup de messages encourageants. Je pense que la musique que nous faisons actuellement est susceptible de toucher un public beaucoup plus large que le seul français.
Il semble que, pour ce deuxième album, vous vous soyiez donné les moyens de vos ambitions. Florian : Nous n’avons pas eu l’occasion de nous exporter réellement. Le premier album a été néanmoins distribué dans plusieurs pays. Sans avoir de retombées significatives, nous savons cependant qu’il s’y est relativement bien vendu. Bien sûr, nous souhaiterions pouvoir distribuer notre album à l’étranger mais il y a déjà tellement à faire en France! Nous avons signé chez Chrysopée, un label toulousain, que nous saluons au passage et que nous remercions pour sa confiance. Nous tenons aussi à remercier Alain Ricard chez Brennus, car, sans lui nous n’en serions pas là: nous avons en effet vendu entre 700 et 800 exemplaires du premier album, le tout sans promo ni interviews. Le graphisme de la pochette était certes très typé et a sans doute eu son importance. C’était le moyen de se mettre dans les starting-blocks et de se lancer.
Quelles sont, selon vous, les erreurs commises sur votre premier disque, que vous avez su gommer sur le second ? Florian : Difficile à dire, je serais tenté de te dire que, pour nous, Précieux Secret est notre premier album. Le précédent résultait de la rencontre entre des musiciens. Il existait déjà un répertoire que chacun jouait à sa manière mais les textes étaient écrits par l’ancien chanteur.Nous nous sommes tous un peu greffés sur les bases de Florian et Christopher et avons apporté notre savoir-faire mais nous n’avons pas eu le temps de bosser ensemble, nous étions plus interprètes. C’est pour ça que ce nouveau disque est pour nous véritablement le premier: il jette les bases de notre nouvelle identité. Je pense que nous contiuerons à jouer un ou deux titres de cette période. Stéphane : Pour parler d’évolution, je dirais que nous avons appris à nous écouter, à respecter nos goûts musicaux respectifs pour aboutir à quelque chose de cohérent. Il faut continuer à travailler dans ce sens. Sam vient d’intégrer le groupe, c’est un apport de nouvelles idées. La ligne directrice est de faire quelque chose en commun, que chacun s’investisse à part égale et qu’il s’approprie le projet.
Vous mentionnez l’idée de varier les plaisirs. C’est peu de le dire, on part d’un titre très glauque, sombre pour aller vers des titres plus légers… Florian : Nous aurions pu jouer n’importe quel style, mais Stéphane a une voix et nous composons inconsciemment pour sa voix, qui est le chaînon manquant entre les textes et la musique.
Lequel d’entre vous est en contact avec Gollum ? Je ne savais pas qu’il chantait sur « Vertige Insensé » ! (Rire général) Stéphane : Et rien que pour ça, « Vertige Insensé » vaut son pesant d’or en concert: je campe le personnage en question, je rampe sur la scène et je fais peur au public. Cela rejoint ta question sur le coté visuel posée avant.
La production de Précieux Secret a de quoi surprendre, dans le bon sens du terme. Florian :Cela nous fait d’autant plus plaisir que c’est vraiment un essai. Je pense que nous avons trouvé la formule. Nous nous étions enfermés tous les cinq en gardant à l’esprit d’y mettre un maximum de nos personnalités sans qu’une tierce personne ne s’incruste et ne s’approprie le projet. Nous avons mélangé matériel numérique et analogique avec une préférence certaine pour l’analogique. Recaler une piste avec une souris, c’est bien, mais nous voulions que cela sonne naturel quitte à avoir une impression d’imperfection. Cela permet au moins la présence d’une certaine authenticité. L’album sonne comme on l’a souhaité.
« Sans Regret » est le premier single de l’album… Stéphane : Oui, c’est un morceau qui a une histoire. Il a déjà été joué avant hors du contexte Dornfall, avec Flo Gargaro.
Quel genre de public croise-t-on aux concerts de Dornfall ? Florian : Je pense que c’est assez varié, je ne suis pas sûr qu’on touche les moins de 15 ans. A vrai dire, nous ne nous sommes jamais posé la question. Il faut savoir qu’à partir du moment où tu es vu dans n’importe quel media, webzine, magazine, internet, tu existes. Tu as beau faire la meilleure musique du monde, si tu ne fais pas parler de toi, tu n’existeras jamais. C’est grâce à des gens comme vous que nous existons et avons du monde à nos concerts. Certains nous suivent depuis la première heure. Comme c’est notre premier vrai disque, celui qui jette les bases d’une nouvelle identité, nous avons encore beaucoup à faire et nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin.
Que peut–on vous souhaiter pour la suite? Beaucoup de concerts ! Nous prenons notre pied sur scène et n’avons qu’une seule envie: transpirer en concert. Stéphane : Il est temps de se lâcher ; pour ma part j’ai très mal vécu le temps gaspillé pendant la construction de notre studio. Maintenant, il faut aller à la rencontre du public, bouger, voir du pays.
Propos recueillis par Dan Tordjman
site web : http://www.dornfall.com
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