ENTRETIEN : PAIN OF SALVATION | |
Origine : Suède Style : Metal Progressif Formé en : 1984 Line-up : Daniel Gildenlöw – chant et guitare Johan Hallgren – guitare et chœurs Fredrik Hermansson – claviers Johan Langell – batterie et chœurs Discographie : Entropia (1997) One Hour By The Concrete Lake (1999) The Perfect Element (2000)< Remedy Lane (2002) 12:5 (2004) Be (2004) Be Live (2005) Scarsick (2007) | 2007 vient à peine de commencer et déjà l’on est forcé de se dire que Pain Of Salvation est un candidat sérieux au titre d’album de l’année ! Et pourtant, certains pourraient parler de parti pris surtout après la polémique suscitée par Be qui a divisé de nombreux fans du groupe suédois. Cependant, Daniel Gildenlöw a littéralement changé son fusil d’épaule et livre aux fans un pavé progressif, véritable concentré de metal et surtout de colère. Cela ne l’a pas empêché de nous en dire davantage sur les raisons de sa furie déversée sur le nouveau disque de Pain Of Salvation, le tout dans le plus grand calme et avec le plus joli des sourires.
Progressia : Sous quel angle, aujourd’hui, regardes-tu la période Be, qui fut pour le moins assez faste entre les tournées et la sortie du DVD en concert ? Quel est ton degré de satisfaction (on sait que tu es assez perfectionniste) ? (rires) Daniel Gildenlöw : Une très belle expérience, également enrichissante. Les réponses ont globalement été positives notamment lors des concerts. D’un autre coté, je suis content d’être « débarrassé » de cette période car, en y réfléchissant bien, on a travaillé sans relâche sur Be depuis 2002 jusqu’à sa sortie et bien plus tard avec les tournées. C’est donc un long chapitre qui se ferme dans notre histoire. Que ce soit pour le DVD ou autre chose, je ne suis jamais satisfait (rires). Je suis bien sur content du DVD, mais je suis conscient qu’il ne présente pas la facette la plus courante de Pain Of Salvation. La production et la conception de ce DVD sortaient des sentiers battus.
Parlons maintenant de Scarsick. Dès les premières secondes, on est pris à la gorge par des guitares et un phrasé qui ne sont pas sans rappeler System Of A Down ou Faith No More. Ce n’est pas faux tout ça ! (sourires) Faith No More est bien entendu une énorme influence pour moi, j’ai longtemps pensé que c’était le seul groupe intéressant des années 1990. Et je dois aussi avouer que j’aime beaucoup System Of A Down. Je n’écoute pas beaucoup de musique si ce n’est les groupes qui m’ont plus ou moins bercés dans ma jeunesse comme les derniers albums des Beatles par exemple et donc beaucoup de groupes que j’écoutais gamin. J’ai d’ailleurs passé pas mal de temps à faire des recherches sur Internet afin de savoir qui interprétait tel ou tel titre. Aujourd’hui, Google est le meilleur ami de tous les internautes ! (rires) De fait, j’ai réussi à connaître ainsi la majorité des groupes dont j’ignorais le nom.
Certains dressent un parallèle intéressant entre ce disque et votre premier album Entropia, notamment concernant ce petit grain de folie que l’on retrouve sur Scarsick. Je dirais que tout dépend de l’état d’esprit du moment. La musique va le refléter. De ce fait, tu es en condition ou dans le trip, pour parler plus branché, pour réussir tout ce que tu veux ; atteindre des notes extrêmement aiguës, par exemple. En même temps, ne sois pas surpris si je te dis que ce disque, selon moi, s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons fait par le passé. Dix ans séparent Entropia – qui est, pour ma part, très loin derrière moi – et Scarsick mais ils sont très proches artistiquement parlant. C’est comme si tu avais une palette de couleurs ou un canevas dans les mains : les deux ne demandent qu’à être complétés, comme si certains coins n’avaient pas été peints… Toutefois, depuis le début, Pain Of Salvation est le résultat des influences de cinq personnes et même si la mienne peut paraître plus importante, les influences de tous les membres du groupe sont présentes
Question désormais inévitable : de quoi traite ce nouveau concept? Cette fois-ci, il y a un challenge à respecter : tu as cinq minutes ! (rires) Mon dieu, cela va être difficile ! (rires) Je dirais que c’est un point de vue sur la comparaison entre le comportement général d’une société et le comportement individuel d’une personne en particulier. Nous avons un personnage principal qui se fait son idée du monde extérieur à travers la télévision… C’est un mode de description des problèmes rencontrés dans la société. Elle-même présente des problèmes « individuels » que nous appelons aujourd’hui des dysfonctionnements. Ces problèmes se caractérisent par une forme d’anti-conformisme qui fait tache dans la société d’aujourd’hui et de ce fait, tu ne fais plus vraiment partie de la société. Nous suivons donc ce personnage principal dans sa découverte du monde extérieur jusqu’à un certain point de non retour qui peut être représenté par cette idée de suivre les tendances. Je ne pense pas pouvoir faire plus rapide comme résumé ! (rires)
On te sent un poil en colère sur ce disque… A quoi doit-on cela ? Est-ce pour trancher avec l’image de Be ? Est-ce un retour aux sources ? Absolument. Il était vraiment temps de passer à autre chose. Nous avons eu 12:5 et Be. Quand nous avons commencé à travailler sur Be, j’avais déjà en tête cette idée de disque très agressif traitant des situations sociales et du monde en général dans lequel je pouvais partager ma frustration et ma colère. Quand nous avons clos le chapitre Be, nous voulions retourner en studio pour répéter, foutre les amplis à fond, envoyer la sauce et surtout sentir la sauce ! Cela rejoint ce que je te disais : tout dépend de ton état d’esprit et il s’avère que cela colle parfaitement ! C’est le disque d’une personne frustrée et de surcroît en colère pour un auditeur frustré et de surcroît en colère! Même sur certains titres plus lents comme « Kingdom Of Loss », « Cribcaged » ou encore « Enter Rain », la colère est bel et bien présente. Tu peux la représenter sous tant d’aspects différents …
Parlons du titre « America ». A travers ce titre tu pointes du doigt le nouveau continent… (Réflechissant)… Oui, on peut envisager ceci comme ça (Rire général) !
Cette chanson est un joli clin d’œil à West Side Story. D’où t’es venue l’idée de rendre hommage à Bernstein ? Ce n’est pas vraiment un hommage. Je n’ai fait qu’importer des éléments qui font figure d’icônes et qui vous font penser aux Etats-Unis. Sur « Spitfall », j’utilise un chant rappé qui, selon moi, sied bien au contexte car le rap est surtout connu pour pouvoir clamer haut et fort la colère d’une personne ou d’un peuple. Sur « America », il y bien sur West Side Story mais aussi une référence à « Kids In America » de Kim Wilde, la coupure publicitaire, le banjo redneck. Je me suis bien amusé avec tout ça et je suis plutôt satisfait du résultat !
En y réfléchissant bien, tu aurais pu intituler l’album Pain Of Salvation Against America ! (Rires) Non. Je profite d’ailleurs de cet entretien pour clarifier un point : je n’ai rien contre les Etats-Unis, ni les Américains. C’est avec leur gouvernement que j’ai un problème (NDR : Daniel Gildenlöw avait par le passé publié un message à l’attention de George Bush dans lequel l’occupant de la Maison Blanche était vivement critiqué). Le gouvernement américain se permet de détruire quantité de choses au nom de son peuple afin de le « protéger », alors que c’est pour son propre peuple que ce gouvernement est une menace. Toutes ces causes soi-disant défendues par le gouvernement ne sont que des prétextes. L’ennemi le plus dangereux des Américains, c’est leur gouvernement.
Depuis longtemps, les fans réclament The Perfect Element Part 2. Or, ce n’est toujours pas le cas. Alors, pourquoi diable nous servir « Kingdom of Loss » ? Comment sais-tu que ce n’est pas The Perfect Element Part 2 ?
L’album s’appelle Scarsick… à moins que tu te sois joué de nous et que tu nous dises le contraire… Bon, je vais te le dire : l’album est The Perfect Element Part 2 mais nous avons volontairement décidé de ne pas mettre cette notion en avant parce que les fans l’achèteraient les yeux fermés. Dès lors que tu sais ça, certaines pièces du puzzle se mettront d’elles-mêmes en place. Ainsi, tous les sujets évoqués dans la seconde partie sont présents dans la première. J’en profite pour ajouter un complément à ta question concernant le concept de l’album : la première partie relate l’histoire de deux personnes brisées par la société essayant tant bien que mal de se refaire une identité proche. Nous suivons le garçon vers son point de non-retour… C’était il y a sept ans. Aujourd’hui, il découvre le monde via la télévision jusqu’à ce deuxième point de non-retour, atteint sur « Kingdom Of Loss » qui commence lentement mais qui va crescendo vers une montée en puissance intense. Ce qu’on essaie de montrer, à travers deux albums, c’est que la société a les mêmes dysfonctionnements que les entités individuelles.
Est-ce ton fils que l’on entend sur « Cribcaged » ? Oui c’est lui (grand sourire illuminé). J’espère que son papa lui manque un peu. (Rires)
Depuis le début, vous êtes reconnus pour votre mélange réussi entre finesse, puissance, technique et mélodie… Or il semblerait que la technique soit mise plus en avant sur Scarsick. Premièrement, je ne suis pas du tout d’accord avec cette affirmation. La mélodie est toujours présente, elle est en arrière-plan. J’ai peut-être moins axé ce disque sur la mélodie comme j’avais pu le faire sur Entropia mais, pour tout te dire, je ne suis pas satisfait de toutes les mélodies d’Entropia. Sur notre dernier disque, les mélodies sont bien plus fortes que par le passé. Pour moi, Scarsick est un album mélodique. Le coté furieux rend la mélodie moins perceptible mais elle est toujours là. Un bon sujet de discussion hein ? Je sais, je m’y prépare pour la tournée, je vais être harcelé de questions ! (rires)
A ce jour, quelles sont les réactions concernant Scarsick ? On attend toujours. Jusqu’ici, 99,9 % des réponses ont été positives. Certains médias nous ont déjà décerné le titre d’album de l’année 2007 et ce, avant même que l’album soit sorti. Ils sont forts quand même, n’est-ce pas ? Considérant vraiment que ce disque est de qualité excellente, je te dirais qu’avoir moins de 100% ou en dessous de 10 /10 m’énerverait au plus haut point. … Bon, plus sérieusement, 95% ou 9,5 ça ira mais pas en dessous ! (rires) NdCorr. : hahaha, on est des sacs à Progressia (prière de regarder la notation de la chronique de l’album)
Votre approche de la production de Scarsick a-t-elle changée ? On sait que sur votre dernière tournée vous avez utilisé un matériel incluant des simulateurs d’amplis. Le son s’en est trouvé quelque peu modifié… Oui. Tu peux faire ce que tu veux avec ces bestioles, les faire sonner comme tu le souhaites si tu prends le temps de te pencher sur les banques de sons… Au début, ça sonnait cheap, mais après coup, je trouve que ça sonne divinement bien. En même temps, notre palette de sons se retrouve quelque peu élargie. Sur scène la donne est différente : tu prends un ampli tu poses un micro devant le baffle et « vlan », tu envoies la purée !
On a l’impression que vous avez trouvé votre son depuis Remedy Lane…et que vous continuez a explorer cette palette de sons spécifiques… Nous faisons partie du 1% des groupes de metal progressif à ne pas utiliser de capteurs sur la batterie ou autres choses farfelues de ce genre.
Où en sont les recherches du remplaçant de Kristoffer ? Ca se passe très bien. Nous avons trois candidats sérieux pour le poste. Leur profil correspond parfaitement à ce que nous recherchons. L’un d’entre eux fera la tournée avec nous mais à titre intérimaire. La décision sera prise par tout le groupe. Nous voulons prendre notre temps et ne pas regretter d’avoir fait le mauvais choix.
Concernant l’image de couverture du livret, est-ce Gollum ? As-tu réussi à le convaincre de poser pour toi ? (Rires) Non ! Ce n’est pas Gollum. Il a des grands yeux globuleux et des oreilles pointues.
Parlons de la tournée pour terminer, il est prévu que vous passiez nous dire bonjour courant mars, c’est bien ça ? Oui, le 3 mars à l’Elysée Montmartre. Nous souhaitons revenir à des choses plus terre-à-terre notamment concernant le coté technique et visuel. Pour Be, nous avions des écrans, projecteurs, beaucoup de séquences … Nous sommes en discussion quant à cette nouvelle approche en concert. Scarsick est un album énergique donc je tends à penser qu’il ne faudrait pas d’artifices ou de fioritures dans un contexte en public. Il s’agit juste d’un concert tout ce qu’il y a de plus simple : pas d’écran ni de séquences, juste les amplis qui crachent le venin (rires).
Avec un album de plus au compteur, comment allez-vous vous y prendre pour établir la setlist ? … Prévoyez-vous de jouer des titres de Be ou bien des titres rarement présentés au public ? Je pense notamment à « A Handful Of Nothing »… Le problème est que nous avons maintenant sept albums studio et que nous avons déjà un certain nombre de classiques en concert. Nous avons eu beaucoup de demandes de personnes concernant certains titres comme « Used », « Ashes ». Concernant « A Handful Of Nothing », nous jouerons effectivement ce titre lors de la tournée mais nous ne jouerons pas « Water ». Je te sens frustré. (rires) Posons le problème autrement : tu préfères « Used » ou « Water » ? Choix difficile, n’est-ce pas ? (rires) On ne peut malheureusement pas tout jouer pour satisfaire nos fans, nous en sommes les premiers désolé.
Le mot de la fin ? Je m’adresse à tes lecteurs et aux fans français. Nous venons de manière de plus en plus régulière en France, pour notre plus grand plaisir. Depuis quelques années, je persiste à penser que vous, Français, êtes parmi notre meilleur public. Les deux concerts que nous avons donnés à la Locomotive l’an dernier nous ont bluffé et n’ont fait que renforcer ce point de vue. Un truc de dingue ! Nous avons l’opportunité de jouer à l’Elysée Montmartre, augmentons donc de quelques degrés en plus la température et soyons un peu plus fous tous ensemble à cette occasion. J’espère vous voir nombreux ! Propos recueillis par Dan Tordjman, Questions d’Aleks Lezy site web : http://www.painofsalvation.com retour au sommaire |