FESTIVAL : PROG’SUD 2006
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Lieu : Festival Prog’ Sud, Jas’Rod, les Pennes-Mirabeau (13) Date : 24, 25, 26 et 27 mai 2006 Photos : Guillaume Arnaud |
Retour sur la septième édition du festival Prog’Sud, qui a réuni pas moins de douze groupes sur quatre jours ! Une initiative rare, et un excellent travail d’organisation de la part d’une équipe de bénévoles passionnés.
Mercredi 24 mai – premier soir
Pour ce début de festival, le Prog’Sud propose trois groupes français d’âges et de genres différents, histoire de montrer que cet événement est avant tout français.
John Slade Band Groupe marseillais, le John Slade Band ouvre le bal avec son jazz-rock fusion teinté de progressif. Leur son efficace et leur énergie retenue mais communicative permettent à chacun de rentrer très rapidement dans leur délire musical. Les diverses influences du groupe sont palpables, on peut penser à Zappa ou à Tribal Tech … Cependant, les synthés occupent trop de place par rapport à la guitare par exemple, ce qui perturbe pas mal l’écoute également contrariée par des sons à la limite du « pouet-pouet ». Convaincu par le potentiel du quartet – on a en effet affaire à de très bons musiciens – on se demande parfois si les morceaux sont finis, dans le sens où une certaine frustration a tendance à s’installer à la fin de pratiquement chaque titre. Bonne découverte au final.
Lord of Mushrooms La scène du Prog’ Sud a dû paraître bien petite aux niçois de Lord of Mushrooms revenus de Chine où ils ont joué devant 15 000 personnes à Pékin. Mais les LOM n’ont pas été gênés par ce détail et cela ne s’est pas du tout ressenti dans leur prestation. Véritable icône du métal progressif en France et de plus en plus en dehors de nos frontières, ils ont su proposer un show d’une qualité irréprochable, chaque musicien montrant sa joie de jouer devant un public réceptif à leur musique. Très professionnels autant dans leur attitude que dans leur musique, on a pu se rendre compte, pour le bonheur de certains et pour le désespoir des autres que leur musique prendrait un nouveau tournant par l’incorporation d’une facette pop qu’on ne leur soupçonnait pas jusqu’à maintenant au détriment des éléments techniques, mais tout conservant le côté métal. Un nouvel album et un DVD live devraient voir le jour d’ici la fin de l’année.
Taï-Phan On se souvient de Taï-Phong au début des années 70 en France, fondé par les frères Ho Tong et révélant un chanteur de grande renommée qu’on ne citera que par une subtile traduction : « l’homme en or » (sûrement par rapport à l’argent qu’il a gagné par la suite en solo …). Aujourd’hui, il ne reste que le batteur Stéphane Caussarieu qui a décidé de faire subsister la mémoire du groupe en perpétuant sa musique. Le nom est différent mais proche. En revanche, d’un point de vue musical on ne retrouve que les longs développements atmosphériques propres au groupe de l’époque. Prestation décevante, le groupe ne parvient pas, avec ses compositions simples et bancales, à convaincre un public nostalgique d’une époque révolue. Les voix autant celle masculine que féminine de Michaëlle n’arrivent pas à s’accorder et c’est encore pire séparément. Un bassiste à côté de ses baskets, perdu dans ses parties pourtant simplistes ne réussit que difficilement à faire ressortir la qualité de jeu du guitariste, lui aussi parfois pauvre en discours mélodique. A vouloir dépoussiérer les souvenirs, on ne fait parfois que les enterrer un peu plus.
Jeudi 25 mai – deuxième soir
Pour cette deuxième soirée, le Prog’Sud affiche deux groupes italiens en prélude à un groupe anglais mythique.
Il Castello di Atlante Les italiens de Il Castello di Atlante ont une belle réputation et les voir ici au Prog’ Sud attise la curiosité. Un groupe fêtant ses 32 années d’existence mérite toute l’attention du public surtout lorsque les membres sont aussi sympathiques et chaleureux. La formation rock est agrémentée d’un violoniste à la manière de certains groupes de jazz-rock fusion, qui dans les longues parties instrumentales du groupe tient une place particulièrement importante. Les morceaux sont atmosphériques et empreints de poésie. Le chant en italien permet d’accentuer le procédé tout en gardant le sens de la mise en place, des voix multiples et des constructions typiques des années 70. Il Castello di Atlante est typique de la scène progressive italienne mais s’en démarque par une force mélodique particulière. Une belle prestation de plus d’une heure en parfaite osmose avec la salle, tout en somme pour laisser un bon souvenir.
Mangala Vallis Voici à nouveau des italiens sur une scène, mais cette fois-ci dans un style différent. Mangala Vallis, c’est la fusion de l’ancienne et de la nouvelle génération. Composé de trois membres au départ, le groupe décide après son premier album de garder l’un des guests de The Book of Dreams, en la personne du chanteur Bernardo Lanzetti, le Peter Gabriel italien, connu pour ses anciens groupes Acqua Fragile et P.F.M. La prestation est vraiment impressionnante. Le public est absorbé par le jeu scénique de ce personnage charismatique, gesticulant dans tous les sens, entrant dans la peau des divers personnages qui apparaissent au fil des chansons. Le plus marquant est le déguisement du loup-garou, correspondant au développement du deuxième album Lycanthrope qui vient juste de sortir. Micro dans le gant plein de griffes sur la gorge, Lanzetti, qui possède déjà à la base une voix particulière, nous montre à quel point son inspiration est grande, lorsqu’on entend les sons qu’il produit. Entouré de très bons musiciens et servis par un très bon son, Mangala Vallis attire même les amateurs de progressif un peu plus métal et ce mélange intéressant revigore le genre.
Soft Machine Legacy Déjà surpris par les prestations des deux groupes précédents, et du nombre de personnes présentes dans la salle, on savoure les quelques minutes qui nous séparent de la dernière prestation de la soirée. Il faut un moment pour préparer la scène demandée par l’un des groupes phares de la scène progressive, les anglais de Soft Machine. Atteint par la disparition récente d’Elton Dean, on se demande comment le groupe va gérer son absence. C’est triste à dire, mais Soft Machine continue à vivre, même à travers cette perte. Les quatre hommes nous proposent un jazz progressif épuré de toute fioriture et convainc le public venu très nombreux pour les voir. La prestation, même si elle est un peu mollassonne, a du charme et offre un beau voyage dans leur univers musical.
Vendredi 26 mai – troisième soir
Pour ce troisième soir, le Prog’Sud joue la carte de la découverte mais aussi de la surprise !
Paul Whitehead Bien, bien, bien … Comment décrire cet énergumène ? Un groupe d’extra-terrestres au départ surprenants, et pourtant rapidement ridicules et exaspérants ? On ne peut pas reprocher le fait que Paul Whitehead utilise un Mac pour délivrer quelques sons de type « guerre des étoiles » pour fabriquer un univers étrange et particulier. On ne peut pas non plus lui reprocher de vouloir mettre en scène son histoire avec des déguisements, de cacher son visage et celui de ses acolytes et de proposer une musique expérimentale … Si l’ensemble surprend au premier abord et donne envie d’aller plus loin dans le voyage, le rêve s’évapore vite et les moqueries prennent le dessus sur le reste, les regards se croisent et signifient par un hochement de tête que c’est bien … ridicule ! Cela dit, il ne tue pas, les extra-terrestres non plus …
Eclat Eclat est le groupe d’Alain Chiarazzo, l’organisateur du festival. Il est donc normal de les voir y jouer, comme tous les ans. Pas déplaisant de voir évoluer ce groupe et son line-up mouvant au fil du temps. Après avoir récupéré le batteur italien d’Odessa, c’est au tour de Fred Schneider de rejoindre les rangs d’Eclat et à vrai dire, ce n’est pas plus mal de voir un excellent bassiste jouer. Le groupe joue divers morceaux de son répertoire mais aussi quelques nouveautés. Le son sert leur bonne qualité de jeu. Les compositions sont dynamiques et pourtant il est dommage de n’entendre qu’un riff par morceau et toujours ces développements solistes à rallonges qui n’apportent pas autre chose qu’une enfilade de notes sans modulations. Evidemment, c’est bien joué et très propre, et cette prestation est incontestablement la meilleure du groupe depuis des années, comme quoi …
Lazuli Avec les français de Lazuli, on entre dans une toute autre configuration scénique. La perspective que donne la vue d’instruments peu académiques suscite la curiosité chez les spectateurs. Mais rien ne vaut de voir ces instruments utilisés par leurs propriétaires. L’année précédente, Lazuli, qui avait été convié, n’avait pu jouer à cause d’une panne de courant s’étendant sur une grande distance aux alentours, alors que le matériel était déjà installé. Un an après, on peut enfin les voir sur scène. Et quelle prestation ! Tout est parfait, les textes, la musique qui les accompagne, les musiciens qui se meuvent dans les éclairages, l’ambiance que le groupe arrive à créer devant une salle complètement hallucinée. Des instruments exigeant un sacré talent tels que la Léode, le vibraphone ou le Stick Chapman, propulsent le groupe, là où ceux des soirs précédents n’avaient su envoyer le public : au firmament d’une belle destinée.
Samedi 27 mai – dernier soir
Pour ce dernier soir, le Prog’Sud continue à jouer la carte de la découverte en allant crescendo jusqu’à la tête d’affiche du néo prog.
Asturias Surprise complète, plutôt enrichissante même si pas forcément exaltante. Asturias est un groupe japonais composé de quatre musiciens : deux garçons et deux filles. Guitare acoustique, violon, piano et flûte se mêlent pour offrir une musique classicisante et subtile. Partitions sous le nez, les musiciens jouent avec passion une musique progressive par bien des points, notamment dans les signatures rythmiques et la construction des morceaux. Bonne entrée en matière pour cette soirée qui ne va pas nous épargner. Inattendu, donc, et sympathique au demeurant.
Baraka Baraka est un trio japonais et pour le coup, l’ambiance n’est pas la même que précédemment, l’instrumentarium a fortiori non plus. Les très stylés rockers vont mettre le feu à cette salle pleine à craquer, mais personne à ce moment ne le sait encore. Un power trio, c’est guitare, basse et batterie, avec au chant le bassiste la plupart du temps comme dans Rush par exemple. Tous les styles se mélangent dans ce rock pêchu, passages funk groovy et même reggae, des soli de guitare à la Jimi Hendrix, un set qui ressemble en bref à une grande jam-session. Rien de péjoratif car certains passages reviennent tout le long, laissant entendre que ces morceaux ne sont pas des improvisations mais de longs titres à tiroirs, qu’il suffit d’ouvrir et refermer à notre guise. Prestation intense et pleine d’énergie, Baraka casse la baraque et après frottage de fesses et bye bye, la scène se vide des pédales d’effets en faveur de RPWL.
RPWL RPWL, qui a la dure tâche de conclure cette septième édition du festival, est la grande pointure actuelle du néo-progressif. Le groupe allemand a su créer un son moderne dans un style qui avait trop tendance à rester enraciné dans la culture des années 80. Alors, évidemment, le groupe n’invente rien : on retrouve de longs morceaux passant par diverses atmosphères. Ajoutons-y les soli langoureux de guitares, les nappes de synthé, la voix suave du chanteur, les refrains pop et un son musclé et nous obtenons RPWL. Voilà une prestation vraiment pensée, avec un écran géant derrière la batterie nous offrant des images en accompagnement des chansons. L’aplomb dont font preuve les musiciens devient rare de nos jours et il est bon de le souligner. RPWL a son public dans cette salle des Pennes et c’est avec une somptueuse reprise de Atom Heart Mother de Pink Floyd que se conclut très tard dans la nuit cette édition du Prog’ Sud.
Conclusion, en forme de bilan Les festivals progressifs – même s’ils semblent avoir tendance à se développer actuellement – restent très rares en France, et à plus forte raison dans un sud-est, sinistré en la matière. Il faut donc une fois de plus saluer très largement l’énorme travail mené par l’équipe d’organisation du Prog’Sud, qui se donne sans compter depuis sept ans et recherche un véritable ancrage du festival dans la vie culturelle locale. L’affiche de l’édition 2006 a pour mérite d’avoir fait découvrir quelques groupes sur quatre soir. Mais, on en est droit de se demander si la justesse des choix est partagée par l’ensemble du public. L’élargissement du public ne doit pas se faire au détriment d’une ligne conductrice principale, celle de la découverte oui, mais celle de la découverte de groupes « progressifs » et non pas de groupes qui s’en rapprochent de loin et même parfois de très loin…
Aleks Lézy
site web : http://perso.frogprog.mageos.com/progsud2006/
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