ENTRETIEN : DISCUS

Origine : Indonésie Style : New Prog de folie! Formé en : 1996 Composition : Iwan Hasan – directeur musical, guitare, harpe-guitare 21 cordes, claviers, voix Fadhil Indra – claviers, rindik, kempli, gong, percussions électroniques, voix Anto Praboe – clarinette, flûte, suling (flûte de bambou), clarinette basse, saxophones, voix Eko Partitur – violon, voix Kiki Caloh – basse Iyun Hayunaji – batterie, tawo-tawo Krisna Prameswara – Claviers Yuyun – voix Dernier album : …tot licht! (2004)

Réalisé il y a quelques mois, l’entretien effectué avec le sympathique Iwan Hasan, leader de Discus, garde toute son actualité en cette lourde chaleur estivale. Entretien avec un défricheur du prog.

Progressia : Iwan, peux-tu présenter le groupe pour Progressia ?
Iwan Hasan : Discus a vu le jour en 1995, lors de ma rencontre avec le clarinettiste Anto Praboe au sein d’un orchestre. En fait, la télévision nationale SCTV avait créé un orchestre pour jouer lors de son cinquième anniversaire. J’étais le directeur de l’orchestre et Anton y jouait de la clarinette. Lors de discussions ensemble, nous nous sommes aperçus que nous avions de nombreux goûts musicaux en commun. Nous avons décidé de former un groupe. J’en ai parlé avec mon ami Fadhil Indra avec lequel je joue depuis l’âge de douze ans et il a de suite accepté. En 1996, le line-up du groupe s’est stabilisé à huit personnes. En 1999, nous avons enregistré notre premier album 1st qui sera suivi en 2003 (2004 en Europe) par …tot licht!.

Discus a fait un Eurotour l’automne passé [NDRéd : et va y donner quelques concerts cet été]. Comment as-tu vécu cette expérience et quelles ont été les réactions ?
Cela a été une expérience énorme ! Le public était fantastique, spécialement au Progsol ! Il chantait l’introduction de « System Manipulation ». Nous n’avons jamais connu cette expérience nulle part ailleurs !

Pourquoi avez-vous reçu le soutien de l’ambassade d’Indonésie (en tout les cas pour le Progsol) ? Est-ce qu’il y a un intérêt pour les musiques progressives dans le gouvernement indonésien ?
En fait, le gouvernement n’a aucun intérêt dans les musiques progressives, Nous avons simplement dû faire du lobbying. Ils ne savent pas ce que c’est le progressif, mais en Indonésie, le gouvernement est le sponsor traditionnel pour la musique. Nous avons pu en profiter !

Etes-vous reconnus en Indonésie ? Pouvez-vous tourner intensivement dans votre pays ?
Nous sommes bien reconnus au niveau national puisque nous bénéficions d’une bonne couverture médiatique. Nous avons été récompensé du AMI-Samsung Award, qui est l’équivalent du Grammy en Indonésie, avec une catégorie Progressive Rock. De plus, beaucoup d’artistes et de musiciens connus viennent nous voir aux concerts. Le problème est que c’est difficile de jouer en Indonésie. Nous faisons en moyenne une dizaine de concerts par année. Nous jouons seulement dans les concerts que nous organisons nous-mêmes, certains festivals progressifs (il y en a quelques-uns), de world music, etc. Nos ventes d’albums sont aussi très faibles. La majeure partie des gens nous connaissent un peu mais n’achètent pas nos albums. Nous sommes connus mais qu’en termes généraux. Les gens savent par exemple qu’il y a un groupe de rock progressif appelé Discus mais ils ne savent pas qui en sont les membres.
En fait, nous sommes plus connus comme un groupe indonésien qui a une audience internationale, vraisemblablement parce que nous sommes le seul groupe indonésien dans cette position. Mais en elle-même, notre musique n’est pas distribuée largement dans mon pays. Les gens entendent parler de nous mais peu sont vraiment intéressés à découvrir comment notre musique sonne réellement.

Y a-t-il une communauté progressive en Indonésie ou bien Discus est seul ?
Actuellement, il y a une communauté « prog ». Ce n’était pas le cas en 1996 quand nous avons débuté. Maintenant, il y a l’IPS (Indonesia Progressive Society) qui détient avec Sony Music Indonesia un label prog, appelé PRS, pour réaliser et distribuer des groupes de prog locaux. Le label a été lancé en 2003 avec deux albums dont notre album …tot licht!. Depuis, plusieurs autres groupes prog indonésiens ont réalisé des albums sous ce label.

Tu as collaboré avec Fadly. Fût-ce une bonne expérience? Avais tu déjà travaillé avec lui ou avec son groupe Padi ?
Fadly est une grande célébrité ici. Son groupe Padi est un des grands groupes indonésiens et vend des millions d’albums. Il est vraiment une pop star version MTV. Quand nous avons demandé le visa pour l’Allemagne, certains employés indonésiens qui travaillent à l’ambassade d’Allemagne ont voulu sa signature, alors que personne ne nous connaissait ! Ils ont pensé que nous étions son backing band ! Cela a été pareil à l’aéroport ! (Rires)
Je n’avais jamais travaillé auparavant avec Fadly ou Padi. Cela a été notre première collaboration, qui fut très positive [NdRéd. : Fadly chantait sur deux morceaux lors de la tournée européenne de l’automne 2005]. Selon Fadly, les autres membres de son groupe écoutent Discus. On ne le pensait pas !

La musique de Discus est très complexe avec une multitude d’influences, une sorte de World Prog Music. Est-ce important pour toi de mélanger la musique occidentale avec la culture musicale traditionnelle de l’Indonésie et de Bali (au moins dans l’instrumentation) ?
Oh yeah !. En fait, je ne suis pas un musicien indonésien traditionnel. J’ai vécu aux Etats-Unis, j’ai étudié la musique à l’Université Willamette dans ce pays. A l’âge de cinq ans, j’ai débuté au piano avant de d’étudier la guitare classique à l’âge de dix. Ado, je jouais dans des groupes de rock. Je suis donc un musicien « occidental » et les autres membres du groupe le sont aussi à part Yuyun qui a étudié les chants traditionnels indonésiens et qui est aussi danseuse professionnelle.
Nous sommes donc essentiellement un groupe au sens occidental du terme. Mais nous avons intégré des instruments traditionnels indonésiens. Nous avons appris avec des maîtres et nous collaborons avec eux à l’occasion. Au Baja Prog au Mexique, le maître de Gamelan, M. I Gusti Kompiang Raka, a joué avec nous lors du show. Il est l’un des plus internationalement réputés dans le Gamelan balinais.

Qui est le principal compositeur dans le groupe ? Comment le groupe compose-t-il et quelle importance est accordée à l’improvisation ?
Les impros sont principalement limitées aux soli mais il y en a beaucoup! (Rires). Ceci dit, dans certains morceaux, il y a des parties improvisées. Par exemple, dans « Breathe », la partie free jazz du morceau est entièrement improvisée.
Toutefois, la majorité de notre musique consiste en des parties strictement composées. Je suis le principal compositeur dans le groupe. Dans le premier album, j’ai écrit environ 90% de la musique et de paroles. Parfois, j’arrive avec toutes les pièces écrites, comme les musiques de chambre « Condissonance » et « Music for 5 Players ». Parfois, c’est beaucoup plus libre, on met ensemble diverses parties écrites par différents membres du groupe comme c’est le cas pour « Breathe ».

L’aspect vocal est très important aussi dans Discus. Veux-tu le maintenir, particulièrement l’alternance de chant en anglais et en indonésien ainsi que l’alternance de chant masculin et féminin ?
Oui, je pense qu’on va maintenir ces aspects, car il s’agit d’une de nos marques de fabrique si je puis dire. Ces deux manières de concevoir le chant représentent la musique que nous voulons jouer !

Quelle était ton intention en écrivant « Anne » ? Pourquoi cette référence à Anne Franck?
Fadhil nous a apporté le thème du morceau. L’histoire d’Anne Franck est à mon avis une part de l’histoire de l’humanité. Elle concerne réellement toute la race humaine. Son journal nous a beaucoup touché émotionnellement.

Iwan, quelles sont tes occupations en dehors de Discus ? Et quelles sont celles des autres membres du groupe ?
Je compose aussi de la musique classique moderne et c’est encore une plus petite communauté que celle qui entoure Discus. A coté de cela, je fais des orchestrations pour d’autres artistes et occasionnellement je dirige des orchestres (comme celui qui m’a permis de rencontrer Anto). Mais, tout ceci ne me permet pas de vivre, j’ai aussi un travail extérieur à la musique.
Quant aux autres membres, Krisna est un claviériste professionnel qui gagne sa vie en multipliant les studio sessions. Il est très demandé ! Anto joue dans les principaux orchestres du pays, principalement classiques et parfois jazz. Il est le plus souvent premier clarinettiste et l’un des meilleurs interprètes des concertos de clarinette de Mozart en Indonésie! Il est aussi professeur de musique.
Eko est un aussi un session man et est l’un des musiciens permanent du Teater Koma, l’une des compagnies de théâtre les plus connues de Djakarta. Fadhil est un indépendant qui tient un petit commerce et Yuyun, comme je l’ai déjà dit, est danseuse professionnelle. Kiki et Iyun (Hayunaji) ont des boulots hors de la musique aussi.
Le cas de de Iyun est très étrange. Il mène une double vie en fait. Il travaille pour une grande banque mais il est aussi le batteur principal de Melly Goeslaw, qui est une chanteuse pop très connue chez nous. Il joue dans tous ses albums solo et les musiques de film que Melly et son mari écrivent. Il joue aussi à ses concerts, shows TV, etc. Melly ne veut pas d’autres batteurs tant que Iyun a des disponibilités. C’est incroyable ! Je ne sais pas comment il fait pour être à la fois batteur professionnel et banquier, mais il le fait! Cela serait vraiment trop pour moi ! (Rires)

Est-ce que Discus a composé du nouveau matériel ? Un nouvel album est-il prévu ou bien un album live, voire un DVD ?
On espère toujours planifier un album live, mais ce n’est pas toujours évident à enregistrer. Pour l’instant, nous n’avons pas prévu de filmer un de nos concerts pour le sortir sous forme de DVD. Par contre, nous avons écrit de nouveaux morceaux que nous aimerions enregistrer pour en faire un album. Je ne sais pas quand tout cela pourra être mis en place !

Un dernier commentaire pour les lecteurs de Progressia?
Nous remercions tous ceux qui sont venus assister à nos concerts ou on acheté nos CD. Nous sommes très reconnaissants qu’on nous donne la chance d’apporter des éléments de musique indonésienne dans le monde du rock progressif et que notre musique intéresse des auditeurs situés de l’autre côté de la planète !

Propos recueillis par Jean-Daniel Kleisl

site web : http://www.discusprog.com

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