ENTRETIEN : THE GATHERING | |
Origine : Pays-Bas Style : Rock atmosphérique / progressif Formé en : 1989 Composition : Anneke Van Giersbergen – chant Rene Rutten – guitares Frank Boeijen – claviers Marjolein Kooijman – basse Hans Rutten – batterie Dernier album : Home (2006) | Après trois années de silence discographique, Home sonne brillamment le rappel pour The Gathering. De passage à Paris, la tête de proue du groupe, Anneke, revient pour nous sur les conditions d’enregistrement de ce disque sombre et les nombreux projets passés et futurs des Néerlandais. Pas très réveillée et un peu enrhumée, la chanteuse n’aura pourtant pas eu besoin de sa voix enjôleuse pour nous convaincre que 2006 sera sans aucun doute marquée par The Gathering. Progressia : Bonjour Anneke ! Peux-tu revenir sur la situation contractuelle de The Gathering ? Anneke Van Giersbergen : Nous sommes toujours signé sur notre propre label, Psychonaut Records, rien n’a changé. En revanche, après avoir signé avec un gros label comme Century Records, nous voulions avoir les droits sur nos compositions. Pour ce qui est de la distribution, tant que The Gathering ne grandit pas plus, le label ne grandira pas non plus suffisamment pour assurer cette fonction. Donc, nous avons signé une licence avec Sanctuary pour la distribution et la promotion. Ils nous comprennent, ainsi que notre démarche. Je crois que c’est un excellent équilibre.
Penses-tu que Psychonaut signera dans le futur d’autres artistes ? Non, je ne crois pas. Ce label est là pour nous pousser, pour être une structure nous offrant une vraie liberté artistique, mais pas plus.
Que signifie le titre retenu pour ce nouvel album (Home), et pourquoi avoir choisi cette illustration sur sa pochette? C’est vraiment large. Home cela peut signifier des choses bien différentes pour toi ou pour moi, c’est si personnel. Quand on pense à une maison, on pense à son foyer, mais aussi à sa famille, son cœur ou tout autre endroit où l’on se sent à l’aise. Pour nous, Home est un disque chaleureux et constitue un foyer musical. Lorsque nous l’avons enregistré, nous étions ensemble pendant un mois, jouant, mangeant et vivant tous ensemble, donc on se sentait chez nous, et cela se ressent dans les compositions. Et la pochette reflète également cela, avec cette couleur sombre et délavé, et cette marionnette dont le bras est posé sur son cœur. Tout cela s’accorde bien ensemble.
Vous avez décidé d’enregistrer en campagne, avec votre propre studio, cette fois-ci. Peux-tu nous en dire plus ? Nous voulions faire quelque chose de différent d’un enregistrement studio classique, durant lequel on fait des allers-retours chez soi. Attie Bauw a proposé l’idée d’aller ailleurs tous ensemble, dans les bois, à l’étranger, en Espagne. Puis il a proposé cette vieille et petite église, non loin de là où nous habitons. Elle est située dans un village minuscule : une seule rue, trois églises et un magasin. On ressentait que c’était joli et calme, et déjà l’atmosphère était là. Nous avons donc décidé de déplacer tout notre équipement et avons construit deux mini studios dans les dortoirs, pour que nous puissions enregistrer deux plages en même temps, par exemple moi au rez-de-chaussée pour les voix et René à l’étage du dessus pour les parties de guitares. Nous enregistrions et composions de concert, avec la possibilité de visionner un bon film ou de se reposer quand nous n’étions plus en état de travailler. Et le matin suivant, nous étions à nouveau pleinement concentrés, sans être pris par le quotidien.
Tu parlais d’églises : S’agit-il de celles dont on entend voler les cloches au loin sur le dernier morceau, « Forgotten Reprise » ? En effet ! A quelques pas de notre église, il y en avait une autre, plus grande. Tous les samedis et dimanches, les cloches sonnaient à toute volée, et nous les avons enregistrés de loin. Sur ce morceau, on peut entendre de nombreuses choses : un bébé, des discussions. Mon jeune fils était avec moi, et lors de l’enregistrement, on s’est dit que cela serait bien de finir le disque sur cette ambiance, constituée de notre environnement.
Avez-vous retenu Attie Bauw en raison de son travail à la production de How To Mesure a Planet ? Oui. Pour nous, How To Measure a Planet est l’un de nos albums favoris. Cela a été un vrai tournant dans notre carrière. L’album a d’ailleurs pas mal décontenancé nos fans. Les gens l’ont acheté, ne l’ont pas apprécié sur le coup (ils furent nombreux), puis un an après, les gens nous disaient ou nous écrivaient pour nous dire combien ils l’aimaient. Et c’est fantastique, car cela veut dire qu’une partie de notre public a pris la peine de l’écouter, de nombreuses fois, sans que cela leur plaise, avant d’y trouver ce qu’ils voulaient. Attie est quelqu’un qui nous inspire beaucoup, il sait ce que nous voulons, où nous voulons aller, sans qu’il y ait besoin de nous expliquer. Tout ce qu’il suffit de discuter deux secondes et il le fait. Dès que nous lui avons proposé de retravailler ensemble, il a été emballé, proposant de nouvelles idées !
Etait-ce différent de travailler avec lui sur ce nouvel album ? C’est forcément différent, car nous avons grandi et qu’avec les années, nous sommes différents, avec plus d’expérience, de nouvelles conceptions sur notre musique. Mais sur le fond, c’est sûr qu’il a à nouveau marqué le disque de son empreinte.
En quoi ta récente maternité a marqué le disque, à part les cris de Finn sur « Forgotten Reprise » ? Cela n’a pas eu vraiment d’incidences, en fait. Si le fait d’avoir eu un enfant est un grand moment dans ma vie, cela n’a pas eu d’incidence directe sur la musique. Mais en revanche, les choses qui m’arrivent, que je ressens, ne sont pas différentes d’avant ma maternité, mais tout est plus intense ! Je ressens les choses de manière plus forte et la musique que je fais est elle-même plus forte. J’en pleure parfois, d’être mère, de m’occuper de Finn. Même quand je lui fais sa cuisine, je le fais de tout mon cœur !
Peut être qu’après des années de cuisine, tu trouveras largement de quoi t’inspirer ! (rires) Oui sûrement ! Mais je suis sûre de ne pas m’en lasser tant j’aime ça !
As-tu eu l’opportunité sur Home de jouer certains instruments ? Pas vraiment en fait. Par contre, avec notre nouvelle bassiste, nous avons essayé de nouveaux sons, et par ailleurs, elle a fait quelques voix et joué certaines parties de guitare.
Est-ce que le groupe envisage de recruter un nouveau guitariste, pour la scène ou de manière permanente ? Non, je ne pense pas, nous sommes déjà assez nombreux. En live, je jouerai les parties de guitares lorsque cela s’imposera, cela n’est pas un problème !
Parles-nous du travail de The Gathering pour la bande originale d’un film japonais, morceau que l’on retrouve sur le disque (« The Quiet One », tiré du film du même nom)… Nous avons eu une liberté artistique totale. Nous devions faire la musique de fin. Nous avons vu quelques rushs du film pour nous inspirer et cela a donné un bon titre, et comme il se mariait bien avec le reste du disque, nous avons décidé de l’inclure ! En fait, nous l’avons composé avant l’enregistrement du disque, et ajouté ensuite.
Est-ce que ce disque est un nouveau pas vers le monde du rock indépendant pour The Gathering ? Tout à fait, c’est assez indé-pop, je dirais. Ce qui est fabuleux dans notre public, c’est que même les amateurs de metal nous apprécient, pour notre côté sombre et nos références classiques. Et on peut dire la même chose de nos fans issus des scènes gothiques ou progressives, que nous retrouvons tous ensemble à nos concerts. Chacun y trouve son compte, et le fait d’élargir ce public aux amateurs de musiques indépendantes et pop va dans le même sens. Ce qui, à mon avis, crée le lien entre tous nos fans, c’est notre sensibilité un peu sombre et mélancolique. Nous utilisons la musique comme le support d’une expression profonde. Voir tous ces gens différents à nos concerts, de la fille gothique au vieux fan du Floyd, c’est formidable !
Les morceaux de Home sont d’une manière générale assez difficiles d’accès. Comment cela s’explique t-il ? C’est vrai. Nous n’y pensons pas toujours, mais un titre comme « Waking Hour », effectivement, se compose de deux ou trois parties, et c’est loin d’être accessible. Mais au cas présent, il s’est juste trouvé que René a proposé cet excellent plan de guitare, au centre du morceau, et qui provoque une rupture. Il semblait qu’il n’y avait plus d’autres moyens de finir le morceau. On ne pense jamais à l’avance à faire un morceau avec une structure à tiroirs.
Et que dire de ce morceau bizarre, « Solace » ? C’est un morceau étrange, mais c’était vraiment plaisant de composer ce titre : c’est un équilibre entre les aspects chaotiques et en même temps paisibles de la vie. Les échantillons de voix représentent ce chaos, la rythmique soutenue évoquant le cours de la vie, qui vous dépasse, tandis que mon chant représente une sorte de voix intérieure calmant l’ensemble. Nous voulions avoir cet équilibre, et par ailleurs, le morceau marque une rupture dans le disque.
Dans l’actualité récente, on peut aussi noter la réédition de Mandylion. Avez-vous été impliqué sur ce projet ? Oui, en effet. Century Media est revenu vers nous, nous proposant de collaborer, ce qu’ils n’étaient pas obligés de faire. Nous voulions ajouter au disque quelque chose de spécial, et René a retrouvé ces vieilles bandes sous son lit, qui se trouvèrent être les démos initiales du disque, que nous cherchions depuis des lustres. Nous avons écrit le livret, en incluant certains commentaires.
Si The Gathering devait être reconnu pour une seule chose dans sa carrière, ce serait pour ce disque. N’est-ce pas un peu pesant dix ans après ? Pas vraiment. Je comprends bien ta question : Mandylion est un album majeur, qui nous a marqué et a permis à The Gathering de faire carrière, qui fait ce que nous sommes aujourd’hui aussi. C’est un excellent album, original à l’époque, et nous en sommes fiers, et fier qu’on en parle encore : c’est logique.
Et ta réaction par rapport à la mode que ce disque a engendrée, pour le meilleur et parfois le pire ? C’est devenu un genre, et c’est fabuleux, d’autant qu’il a eu un certain succès : une autre raison d’être fier d’avoir inspirer certains artistes. Là aussi, tout est logique, car nous nous sommes aussi inspirés d’autres groupes, c’est donc un juste retour des choses.
Est-il prévu de rééditer le reste de votre catalogue chez Century Media ? Aucun plan, mais peut être que si nous marchons bien, Century Media souhaitera couvrir toute notre discographie.
Sur le récent Accessories (compilation d’inédits), on trouve deux reprises : l’une de Dead Can Dance, l’autre de Talk Talk. Dis-nous un mot sur chacun de ces groupes et sur leur influence sur The Gathering…. Dead Can Dance est une influence évidente, qui a en particulier marqué les membres du groupe juste avant et juste après mon arrivé. Ils écoutaient énormément Dead Can Dance, cette musique envoûtante, répétitive et faite de motifs ethniques, de même que d’autres groupes assimilés comme Cocteau Twins. De ce fait, le groupe s’est penché d’emblée sur les atmosphères, les ambiances et les couleurs. On a donc pensé tout naturellement à leur rendre hommage. Quant à Talk Talk, voilà un groupe qui, dans les années 80, ont eu quelques singles à retentissement mondial, et qui juste après est tombé un peu dans l’ombre, tout en sortant deux albums exceptionnels, Spirit of Eden et Laughing Stock. « Life’s What You Make It » est l’un de ces tubes, mais c’est aussi un titre hypnotique. On voulait en faire un morceau différent, et je crois qu’on y est arrivé.
Sur How To Measure a Planet et sur le dernier titre de Home (« Forgotten Reprise »), on retrouve ces atmosphères à la Talk Talk… Tout à fait vrai ! Il y a ces effets sur les sons et les bruits urbains, ainsi qu’un travail par strates de sons.
Question d’un de nos membres de notre forum en rapport avec notre discussion : il paraîtrait évident de voir The Gathering reprendre du Cocteau Twins. Qu’en penses-tu ? Je ne sais pas, je ne sais pas si réfléchir ainsi, en termes d’évidences, serait très sain artistiquement parlant. On pourrait faire un album de reprises avec le label The Gathering et un titre des Cocteau Twins, cela paraît logique, mais c’est dangereux ! Pourtant, leur musique est tellement exigeante que cela pourrait malgré tout constitué un challenge excitant à relever, donc qui sait ?
Quand allez-vous enregistrer A Noise Severe ? Sur la prochaine tournée européenne? Oui, en effet. On réfléchit à l’endroit où le faire, sachant que cela sera sur la prochaine tournée européenne, c’est sûr. On enregistrera une seule date, sur cette tournée qui sera bien plus rock, pour équilibrer le premier DVD, A Sound Relief, était bien plus calme : les deux facettes de The Gathering. L’Elysée Montmartre serait une option, ou bien un grand festival ou une occasion spéciale. Ce sont surtout des questions logistiques et d’organisation qui guideront notre choix.
Et à quand un album solo de ta part ? Je ne sais pas, je n’y ai jamais réfléchi… à vrai dire !
… ou bien est-ce lié au projet Ayreon, sur lequel ton implication avait semble-t-il été peu apprécié des autres membres du groupe ? C’était une rumeur (rires) ! Bien entendu que chaque membre peut prendre l’air et travailler avec d’autres artistes ! Nous sommes aussi très concentrés sur notre propre musique et sur The Gathering, mais il n’y a aucun souci !
Si tu devais choisir un seul artiste majeur pour lequel The Gathering aurait l’opportunité de faire la première partie, lequel retiendrais-tu ? S’il ne fallait en choisir qu’un, je dirai probablement Radiohead, mon groupe favori !
Propos recueillis par Djul site web : http://www.gathering.nl retour au sommaire |