Vendredi 7 mai – dernier soir

Pour ce dernier soir, le Prog’Sud n’a pas fait les choses à moitié : un rajout, un ovni et deux pointures.

Odessa

Odessa n’ayant pu jouer la veille et étant resté dans les parages, ne sera pas laissé pour compte. La soirée commence donc plus tôt et pour ceux qui sont là, nombreux tout de même, voici la possibilité de découvrir ou de redécouvrir le groupe. Comme déjà souligné l’année passée, les Italiens se trouvent à la croisée des chemins tortueux d’un hard rock à la Led Zeppelin / Deep Purple et d’une légère tendance progressive. Un peu à part dans la programmation du Prog’Sud, le groupe est proche, dans l’esprit, des groupes festifs que l’on retrouve parfois dans les bars, ce qui est loin d’être synonyme de simpliste.
Au contraire, Odessa propose des titres à la fois très efficaces et subtils, mis en valeur par un très bon son, et formant un écrin parfait pour la voix du chanteur-claviériste au timbre proche d’un Robert Plant, très à l’aise dans les aigus. Pour ceux qui ne connaissent pas la formation, voici une bonne découverte, surtout au moment des reprises de Led Zep et de Deep Purple. En revanche, pour ceux qui les ont déjà vu trois fois, une sorte de lassitude se fait sentir … Un concert moins surprenant qu’en 2004, et la sensation qu’à part un nouveau titre, il n’y pas grand chose de neuf.

Biocide

Biocide est un groupe marseillais ayant déjà sorti un album Narkosia en 2002 et ayant plus de deux cents concerts depuis 2001 à son actif. Si Biocide a déjà un nom sur la scène hard-core dont il a quitté les rangs pour un style moins flagrant, le « psychégroovecore », il reste encore assez inconnu sur la scène progressive. Et lorsque les premières notes résonnent dans la salle, le public se retrouve décontenancé par ce qu’il reçoit, et ne sait pas comment réagir. L’organisation a pensé que faire jouer un groupe à la lisière d’un style aussi large que le progressif et réunissant tant d’influences diverses, pourrait plaire aux visiteurs du Prog’ Sud. La musique de Biocide est musclée, envoie de gros riffs saturés, une voix distordue dans un micro, des passages volontairement surprenants ou bizarres : harmonies dissonantes et mesures composées notamment. Devant ce mélange simple mais efficace, la salle ne semble cependant absolument pas réceptive et cela se répercute sur l’attitude quelque peu déstabilisée des musiciens. Peu de spectateurs debouts, ce dont Biocide n’a pas l’habitude, et le concert devient amorphe. La programmation d’un groupe différent, d’une découverte, était tout à fait légitime de la part de l’organisation. Mais un malaise s’est fait sentir des deux cotés de la scène …

Ken’s Novel

Les Belges de Ken’s Novel, quant à eux, disposent d’une belle réputation dans le milieu. Leur savant mélange de néo progressif et de riffs metal font de ce groupe une des références actuelles dans le style, un peu à l’instar de Vanden Plas. Le groupe possède un charisme fort et un son puissant qui donne autant de saveur aux passages planants qu’aux riffs plus agressifs. L’équilibre est excellent. Avec un chanteur au timbre particulier mais d’une justesse impressionnante en la personne de Patrick Muermans, Ken’s Novel réussit à captiver n’importe quel public. Les introductions poétiques aux morceaux, énoncées en français, permettent à l’auditeur d’entrer dans l’histoire. Et les longs développements instrumentaux laissent le temps de savourer les mélodies. Durant tout le spectacle, un étrange personnage, Robinson Crusoë peut être, a joué sur scène son rôle, de son air angoissé et apeuré. Une petite touche théâtrale n’a jamais déplu à personne. Remarquons de plus, pour des morceaux d’une relative longueur, des mises en place toujours précises. La salle est bondée et receptive et Ken’s Novel laisse la place, après un superbe rappel, à Mats et Morgan.

Mats and Morgan

Quel régal de finir une soirée et un festival par de telles pointures que Mats Oberg (claviers) et Morgan Agren (batterie). Les deux acolytes jouent ensemble depuis leur enfance et semblent réellement inséparables. Rappelons que leur talent leur a permis dès leur adolescence, en 1988 précisément, de jouer avec Frank Zappa sur une date suédoise. Subjugué par les prouesses techniques de Morgan, Zappa lui propose plusieurs projets aux Etats-Unis , notamment Zappa’s Universe sur lequel Steve Vai participe aussi.

Autant dire qu’ils sont vivement attendus ce soir là ! Il est minuit passé lorsque le groupe au complet monte sur scène, où on l‘y voit assez rarement. Chaque chanson est parfaitement en place, plus complexe que la précédente. Leur jazz prog technique est basé sur des boucles mélodico-rythmiques infinies qui font tourner la tête. Un esprit enjoué est perceptible, ces gars se régalent sur scène. Une forte énergie se dégage à chaque instant et l’on se sent projeté dans tous les sens. Les deux synthés tapotent des notes sur une rythmique rapide et lourde, que la basse ronflante et groovy développe. Des moments de rire tels que lorsque Jimmy Agren, guitariste et frère de Morgan, vient chiper l’harmonica de Mats qui ne peut rien faire pour le lui enlever de la bouche, installent une ambiance chaleureuse au sein de l’assistance. Pas moins d’une heure et demie de musique et deux rappels rendent cet évènement absolument grandiose. Tous les titres joués peuvent être rétrouvés sur les deux lives du groupe, en attendant le nouvel album Thanks For Flying With Us qui sortira chez Cuneiform Records en septembre 2005.

Le Prog’ Sud rassemble de plus en plus de monde et c’est tant mieux. Après cinq éditions remarquées et de qualité croissante, on peut considérer le festival comme l’un des évènements incontournables en France pour les musiques progressives. Le brassage international de groupes dont les amateurs du genre profitent, est un luxe qu’il ne faut pas nier, fruit d’un travail de longue haleine. L’ensemble de l’équipe est constituée de volontaires, y compris les techniciens son et lumière, la qualité de leur travail est irréprochable et contribue au bon esprit, réellement positif de ce festival.
L’affiche de l’édition 2005 était encore cette année d’une grande qualité, avec son lot de surprises, de découvertes et d’extase. Souhaitons la même chose pour les années à venir, que ce festival rencontre encore plus de succès, et son résultat soit toujours aussi convaincant.

Aleks Lézy

site web : http://perso.frogprog.mageos.com/progsud2005/

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