– Prog-Résiste 2004
FESTIVAL : PROGRESISTE 2004
Aboutissement d’un long travail de préparation, la convention Prog-Résiste a cette année encore connu un succès considérable. Attendue par beaucoup comme l’évènement progressif belge de 2004, elle a de nouveau contribué à fédérer âges et nationalités autour d’une passion collective : les musiques progressives. La programmation de ce week-end festif, volontairement éclectique, en donnait pour tous les goûts, allant du progressif moderne au plus traditionnel, en passant par le plus lourd, le planant ou le jazz. Des » progueux » venus en masse : voilà qui permet aux premiers groupes de jouer devant une salle presque comble en milieu d’après-midi, une chance pour eux ! Outre les Belges présents, on retrouvait nombre de Français (certains avaient même fait le déplacement depuis Marseille), des Allemands, des Hollandais et même un Québécois ! Un public très diversifié donc, comprenant même quelques jeunes et jolies filles, une première qui a surpris plus d’un habitué des concerts progressifs au Spirit, d’ordinaire très masculins, et les organisateurs eux-mêmes ! C’est à Mindgames que revient la tâche délicate d’ouvrir les festivités, de son progressif « classique » dont la structure évoque parfois Yes. Des sonorités familières pour lancer cette convention sans effaroucher l’auditeur qui ne connaît peut-être aucun des groupes à l’affiche, et une excellente prestation d’ouverture qui a vraiment décollé dès le troisième titre pour ne plus redescendre grâce, au-delà de la musique, à un effet de mise en scène et de costumes simple mais efficace, permettant à l’auditoire d’entrer de plain-pied dans l’évènement. Amanda a séduit d’emblée par son originalité et par la fraîcheur de sa prestation et de ses morceaux. Ce groupe est un peu la rencontre, certes très improbable, de Cure et de Lacrimosa, le tout avec des voix aigües, des textes grandiloquents et une bonne dose d’humour. Même si AmAndA ne propose pas son show complet pour des raisons logistiques, elle met clairement l’eau à la bouche, que ce soit avec des tours de magie – un lapin, un chapeau… – ou par des tenues excentriques dont un mélange robe-masque à gaz… détonnant ! Le concert a même séduit les vieux briscards du progressif, une véritable vague de fraîcheur ! Paatos, l’une des étoiles montantes du progressif suédois, était très attendu. Le groupe a offert une fort belle prestation, tout spécialement Petronella Nettermalm, chanteuse qui en a évidemment envoûté plus d’un, avec une voix faisant parfois furieusement penser à Bjork au meilleur de sa forme. Une musique planante, résolument moderne et relativement accessible, à tel point qu’on se prend à rêver et qu’on imagine le groupe en haut des charts, aux côtés de Massive Attack et de Portishead. The Watch se pose sans doute en groupe le plus contesté et controversé de la convention. Ne laissant personne indifférent, il a suscité un réel débat au sein du public. Certains s’interrogeaient sur le bien fondé et l’intérêt de la démarche des Italiens : le nom de The Watch semble être indissociable de celui d’un autre groupe anglais du début des années soixante-dix… dont le poste de chanteur a été repris par le batteur qui chante à présent chez Mickey… Genesis, évidemment ! Le nom est lâché et il colle vraiment à la peau des Italiens, qui en sont évidemment parfaitement conscients… Le chanteur fait fortement penser à Gabriel, que ce soit physiquement, scéniquement ou vocalement, et si le tout développe un surcroît de puissance par rapport à Genesis, il en demeure cependant fort proche. Se pose donc la question de la pertinence de leur approche: à quoi bon refaire maintenant ce que Genesis faisait très bien en son temps ? Quel est l’intérêt de The Watch alors que, dans ce créneau, The Musical Box règne en maître ? Un débat qui en passionnera plus d’un, et qui s’est trouvé encore amplifié par la reprise, également controversée, de » Get Them Out By Friday « , extrait de Foxtrot. La musique « tourne », et pourtant, il manque quelque chose d’indéfinissable. Le chanteur, Simone Rossetti, est pourtant attentif à communiquer avec le public (en français !), mais rien n’y fait : il manque un ingrédient pour embraser le concert. Quoi qu’il en soit, The Watch possède de nombreuses qualités, qui ont permis aux plus jeunes de se faire une idée de ce qui se faisait de meilleur dans les années soixante-dix. Après une journée bien remplie, les premières constatations sautent aux yeux : cette convention s’annonce comme un franc succès et atteint pleinement ses objectifs en termes d’audience, de rencontre et de convivialité. Tous les groupes sont rappelés, les échanges entre nationalités et la cordialité règnent en maîtres. Le stand Shop33 ne désemplit pas, de même que les divers stands de marchandisage des formations présentes tout au long du week-end. Le deuxième jour de la convention débutait avec la prestation d’Eclat, un groupe marseillais qui en a séduit plus d’un, à en juger par le rapide épuisement des stocks de disques que les musiciens avaient amenés avec eux ! Eclat propose une musique nerveuse et enlevée, aux accents crimsoniens et zappaiens très plaisants – un titre s’est même trouvé dédié au moustachu – avec même parfois des éléments zeuhl. Ces colorations musicales sont soulignées par l’emploi de cuivres, mais aussi, et c’est plus surprenant, d’un accordéon. Si deux titres comportaient du chant, les suffrages du public vont clairement à la facette la plus instrumentale du groupe. Autre étoile montante suédoise, Liquid Scarlet fait grande impression. Les musiciens montent sur scène vêtus de combinaisons blanches qui ne sont pas sans rappeler les » Droogies » d’Orange Mécanique. La comparaison ne s’arrête pas là puisque l’attitude scénique des jeunes Suédois comprend nombre de réminiscences du chef d’œuvre de feu Kubrick. Ken’s Novel est le deuxième groupe belge de l’affiche. Avec un excellent Domain of Oblivion sous le bras, ils entendent bien prouver qu’ils sont un des fleurons, sinon LE fleuron du progressif national. Avec une liste de titres essentiellement construite autour de son dernier disque en date, Ken’s Novel impressionne par la maturité de ses compositions, techniques mais pas trop, et finalement fort équilibrées. La présence scénique et la voix de Patrick Muermans impressionnent : l’homme fait preuve d’une réelle personnalité, comme tous les membres de la formation. L’honneur de clôturer la convention revenait aux huit Italiens de Consorzio Acqua Potabile qui ont su s’acquitter de cette tâche avec leur progressif italien et tout ce que cela sous entend en terme de romantisme, de lyrisme et de mélodies quand, de plus, on compte deux flûtistes dans ses rangs. Un bilan très positif, donc, pour une manifestation à soutenir, avec une heureuse conclusion : rendez-vous l’année prochaine, toujours dans la même ambiance chaleureuse et cordiale ! Julien Van Espen et Yves Rohrbacher |