Blackfield – Blackfield
Origine : Royaume-Uni / Israël
Style : pop rock
Formé en :2001
Composition :
Steven Wilson – tout
Aviv Geffen – tout
Dernier album : Blackfield (2004)
Photos : Lasse Hoile
Blackfield est le résultat de la collaboration de Steven Wilson, meneur de Porcupine Tree, et Aviv Geffen, star du rock en Israël. Après avoir donné un concert exclusif à Londres pour fêter la sortie européenne du disque, le duo, de passage à Paris, nous a accordé un entretien.
La version européenne de l’album est sortie six mois après le pressage israélien. Pensez vous que la vente d’imports israéliens, et à plus forte raison les téléchargements sur Internet qui en ont découlé, aient nui aux ventes ?
Steven Wilson : C’était une décision difficile à prendre, mais je pense que nous avons bien fait : nous avions le choix entre six mois d’attente supplémentaire avant de sortir l’album, ou bien le publier d’abord en Israël. En prenant la seconde option, nous étions bien sûr conscients que l’album allait se retrouver sur Internet. Mais d’un autre côté, cela avait du bon car personne ne connaissait Blackfield, qui est un nouveau groupe. Pendant six mois, des internautes partout dans le monde ont donc téléchargé nos morceaux, et le bouche-à-oreille a commencé. Au final, quand l’album est sorti internationalement, beaucoup de gens en avaient déjà entendu parler. Par exemple, lors de notre concert à Londres, le public chantait sur tous les morceaux, alors que le disque n’était disponible en Angleterre que depuis une semaine ! Il est évident que ces gens connaissaient l’album depuis des mois, qu’ils l’avaient téléchargé ou acheté en import. L’impact de la sortie mondiale en a sans doute été un peu moins fort, puisque beaucoup de gens connaissaient déjà l’album et n’ont pas eu envie de le racheter, mais en contrepartie cela nous a permis de créer un buzz autour de Blackfield avant même que le disque ne soit disponible.
En ce qui me concerne, l’utilisation d’Internet pour promouvoir Porcupine Tree était déjà quelque chose d’essentiel : les media parlant peu du groupe, le web est pour nous un outil de communication privilégié. Pour Blackfield, nous avons laissé notre musique y filtrer, et cette méthode semble assez bien fonctionner.
L’album a très bien marché en Israël, aimeriez-vous obtenir un tel succès dans le reste du monde ?
Aviv Geffen : Oui, et même plus, car je suis devenu en Israël une sorte de porte-parole pour le processus de paix, tandis que dans le reste du monde je ne serai reconnu que pour ma musique. Pour l’instant tout se passe bien, nous obtenons d’excellentes réactions.
Etes-vous contents de vos premiers concerts en Israël et en Angleterre ? Les réactions ont-elles été bonnes ?
Nous sommes très satisfaits de ces concerts. Mon public en Israël adore Blackfield, même si certains ont un peu peur que Steven ne me « vole » au public israélien en m’emmenant jouer à l’étranger. Ils préféreraient ne m’entendre chanter qu’en hébreu et ne me voir me produire qu’en Israël. Mais désormais, Blackfield me permet de passer la vitesse supérieure : j’espère qu’ils le comprendront et continueront à me suivre.
Envisagez-vous de partir en tournée pour promouvoir l’album, et vous sentez-vous capables de jouer en tête d’affiche après seulement un disque ?
Steven : Nous avons déjà fait quelques têtes d’affiche. A Londres par exemple, nous avons joué une heure, et en ouverture j’ai fait un set solo d’une demi-heure où j’ai interprété entre autres des morceaux de Porcupine Tree. C’était une soirée vraiment sympa. Cela dit, avant de partir en tournée européenne en novembre, je pense que nous travaillerons quelques chansons supplémentaires afin de proposer des concerts plus longs. Peut-être s’agira-t-il de morceaux qui figureront sur le prochain disque de Blackfield, ou peut-être d’une ou deux reprises… J’imagine que tous les jeunes groupes ont le même problème : comment tenir une heure et demi avec seulement un album ?
Mieux vaut avoir quelques chutes d’album en réserve !
Nous jouons déjà nos chutes d’album ! L’album dure environ 37 minutes, donc même ainsi nous ne pouvons pas jouer plus d’une heure…
Aviv : Nous devrions peut-être rejouer nos morceaux à l’envers ! (rires)
Steven : Cela dit, je ne crois pas que quiconque se soit plaint de la durée du concert à Londres. Comme pour le disque, les gens ont apprécié sa concision. Ce n’est pas nécessaire de jouer deux heures et demi, ou de sortir un album de quatre-vingt minutes, si cela n’apporte rien à ton propos. Il ne faut pas privilégier la quantité à la qualité.
Certaines personnes diront que lorsqu’elles achètent un disque ou vont à un concert, elles veulent en avoir pour leur argent…
Aviv : C’est très juif, comme façon de penser, ça !(rires)
Steven : C’est aussi une façon de penser américaine… Tu as payé, tu veux avoir autant de nourriture que possible ! Tu te retrouves avec un sandwich tellement gros que tu ne peux même plus le manger, mais tu es content d’en avoir eu pour ton argent ! J’ai été voir Meshuggah à Londres il y a quelques mois : leur concert a duré 50 minutes, et c’était fantastique ! S’ils avaient joué plus longtemps, mon cerveau aurait sans doute commencé à fondre tant leur musique est brutale et puissante ! Personne ne s’est plaint de la durée du concert, c’était parfait ainsi. Ca dépend bien sûr aussi du style musical.
La réalisation de l’album de Blackfield a pris trois ans. Pendant ce temps, l’orientation musicale du projet a-t-elle évolué ?
Nous avons immédiatement trouvé notre style : « Open Mind » est le premier morceau que nous avons écrit ensemble ! Au début, nous nous sommes également essayés à d’autres genres musicaux. Nous avons notamment enregistré quelques morceaux plus rapides, proches de labritpop comme Suede et Blur la pratiquent, car c’est un style qu’Aviv aime beaucoup. Mais nous avons fini par nous rendre compte que cela ne correspondait pas à Blackfield, et que l’orientation de nos premiers morceaux était la bonne.
Votre premier album a été enregistré de façon très sporadique, sans aucune pression ; la réalisation du deuxième disque prendra-t-elle aussi longtemps, ou comptez-vous faire de Blackfield une priorité ?
Aviv : Blackfield est actuellement une priorité pour nous deux. Nous mettrons donc moins longtemps à réaliser le deuxième album. Nous espérons l’enregistrer l’année prochaine à New York. Nous avions tout notre temps pour le premier album car personne ne connaissait le groupe, mais cette fois nous devrons aller plus vite.
Vous confirmez donc qu’il y aura un second album de Blackfield ?
Bien sûr ! Trois, quatre même !
Les musiciens qui vous accompagnent sur scène participeront-ils à ce second album ?
Je ne pense pas, car l’enregistrement en duo fonctionne à la perfection. Nous sommes tous deux multi-instrumentistes et le studio est un peu notre terrain de jeu : nous y échangeons et partageons nos instruments. Seuls les instruments à cordes ont été enregistrés par d’autres musiciens à Londres. (NdR: mentionnons aussi la présence de trois batteurs de session, dont Gavin Harrison et Chris Maitland, respectivement batteur actuel et ex-batteur de Porcupine Tree).
Aviv, tu es très célèbre en Israël. Etait-ce gênant pour toi de jouer devant un public qui ne te connaît pas, notamment lors de tes concerts solo en ouverture de Porcupine Tree en novembre dernier ?
Tu ne peux pas imaginer à quel point c’est génial de repartir à zéro et de se produire devant un nouveau public ! J’ai tout laissé derrière moi : j’ai un vaste public en Israël, j’y ai vendu plus d’un million de disques. Pour moi, c’est incroyable de jouer à Londres, devant sept cents Anglais qui aiment Blackfield et aiment mes chansons, puisque j’ai écrit quatre-vingt pour cent des chansons du groupe (NdR: comprendre une participation à l’écriture de quatre-vingt pour cent des morceaux du groupe, la plupart étant écrits en collaboration avec Wilson…). C’est pour moi un rêve qui se réalise : j’ai franchi les frontières israéliennes, ce qu’aucun autre artiste n’avait fait auparavant.
Steven, comment vis-tu l’énorme succès de Blackfield en Israël ? Vous avez par exemple joué récemment pour une émission télévisée, devant un public d’adolescentes qui chantaient avec vous…
Steven : Je trouve assez surréaliste de vivre cela si tard dans ma carrière. Je fais de la musique depuis bientôt quinze ans, et vu le genre de musique que je pratique, je n’avais jamais joué devant des adolescentes ! Une grande partie du public d’Aviv est très jeune. Et bizarrement, ils ont l’air de bien m’aimer ! Ils aiment ma coupe de cheveux ! (rires) Je trouve ça très marrant. Etrange, mais vraiment marrant.
Aviv, qu’est-ce qui t’attire dans la musique de Steven ?
Aviv : Je trouve qu’il a son propre son, ce qui est très important à mes yeux. Il ne sonne comme personne d’autre. C’est un excellent producteur, et il écrit de bonnes chansons. Avec Blackfield il s’éloigne du rock progressif, ce qui va lui permettre d’attirer un nouveau public, qui écoute des groupes comme Coldplay, Radiohead, Keane, Supergrass… Pour beaucoup de gens, Steven passait pour un musicien trop sophistiqué, mais il joue désormais dans Blackfield, qui est un groupe de rock. En Israël, j’ai trouvé ça génial de voir dans le public des drapeaux disant « Steven, je t’aime » ! J’adore le glam-rock, les fringues à la mode, et Steven est au contraire quelqu’un de très timide. C’est une combinaison parfaite.
Steven, même question : qu’est-ce qui t’attire dans la musique d’Aviv ?
Steven : Aviv a le don d’écrire de très belles chansons…
Aviv : Ca s’appelle le génie. (rires)
Steven : Oui, il a vraiment un génie pour écrire de très belles chansons pop-rock courtes et efficaces. J’ai toujours admiré les grands songwriters comme Paul MacCartney, Brian Wilson, Nick Drake, Joni Mitchell… ces gens qui écrivent d’excellentes chansons directes, commerciales à leur manière mais sans jamais sonner trop faciles ou forcées. J’ai parfois essayé de faire ça durant ma carrière, mais je ne m’y suis jamais vraiment senti à l’aise. Je suis plus à l’aise sur les morceaux longs et complexes, alors qu’Aviv a vraiment un don pour écrire une musique plus directe, qui touche un public plus vaste que la mienne. Je me suis dit qu’en associant sa capacité à écrire des mélodies pop accrocheuses à ma production et mes arrangements, nous obtiendrions une très bonne combinaison. C’est vraiment ainsi que Blackfield fonctionne.
Aviv : Notre association s’est faite de façon très naturelle. Les premières chansons étaient vraiment bonnes, et j’ai vite arrêté de penser à Israël pour me concentrer sur Blackfield.
Malgré vos origines très différentes, avez-vous des influences musicales communes ? Pensez-vous qu’on les retrouve dans la musique de Blackfield ?
Steven : C’est une question intéressante, car Israël a une culture très différente…
Aviv : …et pourtant nous avons des influences communes.
Steven : J’y venais : Aviv a grandi en écoutant de la musique anglo-saxonne, c’est ce qui l’a influencé. Il n’y a pas grand chose dans sa musique qui soit typiquement israélien ou issu de la culture juive. Il faut mettre de côté sa musique et se concentrer sur ses textes pour réaliser que ceux-ci traitent de politique et de son pays. Mais personne, en écoutant Blackfield ne se dira « tiens, ça sonne comme l’association entre un Anglais et une personne du Moyen-Orient » ! Notre album est assez proche du classic rock anglais des années soixante-dix, d’artistes comme Pink Floyd, Led Zeppelin, ELO, Nick Drake… C’est parce que nous avons ces influences en commun.
L’ancien batteur de Porcupine Tree Chris Maitland a participé à l’enregistrement de l’album et a fait quelques concerts à vos côtés. Tu es donc resté en bons termes avec lui ?
Oui, en très bons termes.
A-t-on une chance de le voir participer à un de tes futurs projets ?
Oui, je retravaillerai sans aucun doute avec lui. J’adore travailler avec Chris, c’est un batteur et un musicien remarquablement doué, et nous sommes de très bons amis.
Pour finir, voici quelques questions posées par les membres de notre forum. Chris Maitland et Gavin Harrison se sont-ils croisés durant les sessions de Blackfield ?
Non, mais ils se connaissent très bien. Chris, qui est professeur de batterie, utilise les méthodes de Gavin pour enseigner ! Ils ne se sont pas rencontrés pendant les enregistrements car ils ont participé à des sessions différentes.
Avez-vous des informations à nous dévoiler concernant le second album de Blackfield ? Avez-vous composé de nouveaux titres ? A moins que vous ne préfériez garder le secret ?
(il hésite) Gardons le secret ! (rires)
Avez-vous prévu de venir jouer en France, en Suisse ou en Belgique ?
Nous n’avons pour l’instant aucune date de prévue pour ces pays, mais nous y jouerons sans aucun doute ! Pour l’instant nous n’avons confirmé que quelques dates en Pologne, en Hollande et en Allemagne, mais la France, la Belgique et la Suisse feront partie de notre itinéraire.
Y a-t-il une question que je ne vous ai pas posée, ou quelque chose que vous souhaitez ajouter ?
Aviv : Si vous aimez Pink Floyd, Radiohead, Coldplay, jetez une oreille à notre album !