The Musical Box
18/06/2004
La Cigale - Paris
Par Xavier Méra
Photos:
Site du groupe : www.themusicalbox.net
Setlist :
Set-list 18/06 : Watcher of the Skies - Can-Utility and the Coastliners - The Musical Box - Get'em out by Friday - Supper's Ready - The Return of the Giant Hogweed. Rappels: The Knife - The Fountain of Salmacis
Set list 19/06 : Watcher of the Skies - Dancing with the Moonlit Knight - The Cinema Show - I Know What I Like (In Your Wardrobe) - Firth of Fifth - The Musical Box - More Fool Me - The Battle of Epping Forest - Horizons - Supper's Ready. Rappel: The Knife
Ce n’est que huit mois après son premier passage à Paris que The Musical Box revenait dans cette superbe salle de concert qu’est La Cigale. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, The Musical Box s’est assigné la tâche de reproduire, le plus fidèlement possible les concerts de Genesis dans son incarnation de 1971-1975, soit Peter Gabriel, Steve Hackett, Tony Banks, Mike Rutherford, et Phil Collins. Le programme était alléchant : un concert pour la tournée consécutive à la sortie de l’album Foxtrot et un autre pour celle de Selling England by the Pound, soit deux soirées pour prouver aux sceptiques que le voyage dans le temps est possible, et célébrer l’un des groupes les plus créatifs de sa génération.
À une époque où les musiques progressives sont peu évoquées dans les médias musicalement corrects, si ce n’est pour les rabaisser au rang d’anomalies musicales, il est réconfortant de constater que La Cigale peut faire le plein, deux soirs d’affilée, avec une copie de l’un des « quarante pires groupes de l’histoire du rock ». Car c’est bien le qualificatif dont Genesis, aux côtés de Yes, Pink Floyd, Marillion, et Supertramp, entre autres, a été affublé dans un dossier du numéro de décembre 2003 de Rock & Folk, finement intitulé « Prog ou techno, les 40 pires groupes !!! ». Tout ceci signifie que les amateurs de progressif pouvaient se réjouir d’au moins une chose, avant même d’avoir assisté aux concerts : le simple fait qu’autant de monde se soit pressé pour assister à ces shows et que des promoteurs l’aient anticipé en prenant le risque d’investir dans leur production. Grâce à eux, le mauvais goût que nous chérissons tant a une place eux côtés des artistes éminemment respectables que sont Kelly Osbourne et Diam’s. Brut de prog !
Si The Musical Box a attiré la curiosité et mobilisé, le groupe est-il pour autant à la hauteur de la tâche difficile qui lui incombe ? La réponse est positive, sans aucune réserve. Visuellement, tout y était. Puisque ceci a déjà été largement évoqué sur ce site à l’occasion du compte-rendu du précédent concert parisien, il suffit d’ajouter que les seules infidélités à l’original se résument aux faits que le rôle de Mike Rutherford, droitier, est tenu par Sébastien Lamothe, gaucher, et que ces messieurs ne sont pas de réels sosies, quoi que Martin Levac ressemble beaucoup à Phil Collins. Le souci du détail va cependant jusqu’à l’emplacement de la serviette du batteur.
De manière plus intéressante, le set de batterie s’est trouvé modifié d’un soir sur l’autre, comme il l’avait été d’une année sur l’autre il y a plus de trente ans, et l’aspect visuel est bien sûr, ce qui a d’emblée le plus frappé, compte tenu du caractère théâtral que Genesis donnait à ses shows de l’époque. Mais si la performance de The Musical Box se réduisait à cela, on aurait pu la considérer comme un simple divertissement grand-guignolesque. Pour être vraiment fidèle et faire vibrer le public, il en faut de toutes façons plus.
Dans une interview d’avril 1971 accordée à Melody Maker, Peter Gabriel expliquait que le « jeu de scène se justifie s’il renforce le caractère théâtral de la musique sans la dévoyer ». Il faut insister sur le fait que The Musical Box a suivi cette ligne de conduite : passé l’émerveillement facile devant la mise en scène, les véritables émotions musicales étaient bel et bien présentes, prêtes à envahir le spectateur, et c’est bien ce qui s’est passé chacun des deux soirs. Comment ne pas frissonner à l’écoute de ces interprétations magistrales de « Cinema Show », « Firth of Fifth », « Fountain of Salmacis » ou du final explosif de « The Musical Box » ?
Denis Gagné, Denis Champoux, David Myers, Sébastien Lamothe, et Martin Levac ne sont pas des pantins reproduisant froidement la musique d’un glorieux passé : ils ont réussi à capturer le son de Genesis. Leurs interprétations techniquement sans faille n’en sont pas moins évidemment animées d’une passion sincère pour cette musique. Des preuves ? Sur la section instrumentale de « Apocalypse in 9/8 » dans la suite « Supper’s Ready », le public était pris d’une telle ivresse que le plancher de La Cigale tremblait sous la danse confuse de ces spectateurs transportés par l’intensité musicale dégagée. Rien d’autre qu’une authentique ferveur de la part du groupe n’aurait pu susciter une telle réponse du public.
La magie de Genesis est donc bien vivante, et The Musical Box l’incarne aujourd’hui. Au moment où ces lignes sont écrites, une tournée The Lamb Lies Down on Broadway, le show de 74-75, est en train d’être organisée pour fin 2004-début 2005. On ne saurait trop recommander à tous les amateurs de rock progressif de ne pas rater ça. Idéalement, un peu de prosélytisme à l’égard de ceux qui ne sont pas familiers de notre genre de prédilection serait bienvenu, car on peut difficilement imaginer de meilleures conditions – le spectacle visuel aidant, pour introduire des gens à la musique de Genesis et de tous ceux qui s’en sont inspirés. Accessoirement, un succès grandissant pour The Musical Box serait un nouveau pied de nez aux rédactions de Rock & Folket autres Inrockuptibles, bien connues pour leurs outrances anti-progressives.