Poverty’s No Crime – Poverty’s No Crime

INTERVIEW : POVERTY’S NO CRIME

 

Origine : Allemagne
Style : Metal progressif
Formé en : 1991
Line-up :
Volker Walsemann – chant et guitare
Marco Ahrens – guitare
Jörg Springub – claviers
Heiko Spaarman – basse
Andreas Tegeler – batterie
Dernier album : The Chemical Chaos (2003)

C’est à l’occasion de la sortie de son cinquième album que le groupe de metal progressif allemand Poverty’s No Crime nous a accordé cette entrevue. Par le biais de son bassiste, la formation apporte son éclairage sur son dernier disque ainsi que sur son parcours depuis le début des années 90. Voilà une bonne occasion de se pencher sur un groupe peu médiatisé en France.

Tout d’abord, pourrais-tu décrire Poverty’s No Crime ainsi que son évolution aux lecteurs de Progressia ? Quels ont été les moments forts de votre carrière et comment définirais-tu le style du groupe ?
Heiko Spaarmann
Le groupe s’est formé en 1991 et a ensuite enregistré deux démos les deux années suivantes, qui ont été fort bien accueillies par la presse musicale de l’époque. Grâce à cela, nous avons pu réaliser quelques premières parties de Depressive Age ou Waltari. Au milieu des années quatre-vingt-dix, nous avons signé avec le label Noise records et enregistré les albums Symbiosis et The Autumn Years qui ont eu beaucoup de succès au Japon. Le groupe a ensuite effectué pas mal de tournées en Europe avec Victory, Virgin Steele ou encore Angra. Nous nous sommes finalement séparé de Noise en 1997 puis avons signé avec Inside Out Music un peu plus tard. IOMusic a, depuis, sorti 3 albums de Poverty’s No Crime: Slave To The Mind (1999), One In A Million (2001) et le dernier en date The Chemical Chaos (2003).
Je dirais que nous sommes un groupe de rock ou de metal très mélodique favorisant les atmosphères et les ambiances dans sa musique. Nous appelons cela quelquefois du “Melodic Concept Rock”.

Bien que le groupe ait une longue histoire sur la scène progressive, enregistrant plusieurs albums et prouvant sa capacité à tenir les distances, Poverty’s No Crime n’a jamais vraiment réussi à capter l’attention du public français. Vendre le groupe à l’étranger est-il un de vos objectifs, ou penses-tu que le marché local allemand constitue un challenge suffisant pour le groupe ?
Je pense que c’est le fait de ne jamais avoir pu jouer en France qui fait que nous ne sommes pas vraiment connus chez vous. Nous y avons toujours eu de bonnes critiques et de nombreuses interviews, mais jamais la moindre tournée, bien que cela soit particulièrement important pour un groupe de hard rock ou de heavy metal.
Nous sommes présents dans toute l’Europe grâce à Inside Out Music et ses partenaires et aucun pays n’est plus important qu’un autre à nos yeux. Nous recevons des mails de fans de toute l’Europe et dès que nous avons l’opportunité de jouer live, nous le faisons, car nous adorons cela . Nous savons par exemple que Vanden Plas a beaucoup, beaucoup de fans en France, et c’est sûrement parce qu’ils s’y sont produit de nombreuses fois. C’est vraiment génial de pouvoir profiter de contacts internationaux et de ne pas rester dans son propre pays. C’est pourquoi nous adorons voir nos albums sortir dans d’autres pays et essayons au maximum de jouer à l’étranger car nous adorons cela !

The Chemical Chaos est donc votre troisième album chez Inside Out Records. Depuis votre première collaboration avec le label allemand, vous vous êtes toujours occupé personnellement de la production. Qu’est-ce qui vous a initialement poussé à réaliser les choses par vous-mêmes ? Travailler avec des personnes extérieures vous semble-t-il limité ? A l’inverse, accepteriez vous de travailler avec un producteur particulier ?
L’avantage du studio où nous avons enregistré nos trois derniers albums est que nous pouvons y faire tout ce dont nous avons envie. Cela veut dire que personne ne nous dit ce que nous devons jouer, comment le jouer et personne n’interfère dans le processus d’enregistrement. Quelque fois, il est intéressant d’avoir un producteur à ses côtés qui puisse donner son avis sur telle ou telle chose. Nous avons juste un technicien qui s’occupe de faire tourner toutes les machines du studio et nous sommes donc entièrement responsables du processus de création et des morceaux que nous enregistrons. Sur les deux premiers albums, un producteur était là et a donc modifié les morceaux et leur structure, et au final, ces disques n’étaient pas à 100% ce que nous avions imaginé avant d’entrer en studio.
Le fait de travailler sans producteur est naturel pour nous car nous nous sentons à l’aise comme cela et l’expérience acquise au cours de plusieurs sessions d’enregistrement on permit de simplifier les choses. Une autre raison est que nous n’avons vraiment pas les moyens financiers de faire appel à un producteur. Nous n’envisageons donc pas de changer notre manière de travailler pour l’instant.

Votre cinquième album mélange différents styles, avec un peu de jazz ici et là (les lignes de basse sur “Walk into nowhere” par exemple). Quelles sont les principales influences du groupe, comment écrivez-vous et assimilez-vous vos influences à l’intérieur de vos morceaux ?
Chaque membre du groupe à des influences particulières. Volker est plutôt branché par du rock dit “classique” tel que Deep Purple ou Rush; cependant, il a grandi avec les groupes de metal des années quatre-vingt comme Iron Maiden et Metallica. Jörg s’intéresse à tout ce qui est anti-commercial. Il aime pas mal de groupes de rock progressif ou de jazz rock totalement inconnus. Son groupe favori est Magma (NdRC : on a vu plus inconnu !). Marco, Andreas et moi-même avons un passé très heavy metal. Alors que Marco préfère le Stoner Rock (Kyuss), Andreas adore des groupes plus extrêmes comme Soilwork, Dimmu Borgir ou Cradle of Filth. Pour ma part, j’aime les groupes qui proposent de belles mélodies. Ce peut être Dimmu Borgir ou bien d’autres formations des années quatre-vingt comme Skid Row, Firehouse, Lita Ford, Vixen ou Steelheart. Je n’ai absolument aucune limite de style. J’ai également pas mal de disques d’acid jazz dans ma collection comme Jamiroquai ou Brand New Heavies et beaucoup d’autres de lounge music. Je pense que c’est ce mélange qui fait que Poverty’s No Crime sonne comme cela. Nous ne faisons pas de la musique pour ressembler à quelqu’un d’autre mais essayons de faire ce qui nous semble être de la “bonne” musique”.
Nous avons deux manières différentes de composer aujourd’hui. Chacun apporte ses idées lors des répétitions – que ce soit des mélodies plus ou moins élaborées ou des parties entières. Nous bossons ensuite tous dessus jusqu’à ce que cela plaise à tout le monde. Cela peut cependant prendre plusieurs semaines car nous composons de cette manière plusieurs titres à la fois.
Pour The Chemical Chaos en revanche, nous avons expérimenté une nouvelle façon de composer. Nous nous servons de l’informatique pour écrire et envoyons nos idées à chacun par e-mail. Ceci nous permet de poursuivre le processus de création même si nous ne répétons pas, ce qui nous a été d’une grande aide pour la réalisation de The Chemical Chaos et nous encourage à poursuivre pour le prochain album.

Pour beaucoup de gens, “progressif” est synonyme de technique, de morceaux longs et complexes. Néanmoins, sur The Chemical Chaos, vous vous êtes semble-t-il concentré sur l’écriture et les atmosphères. Quelle serait votre définition du “progressif” et comment décrirais-tu votre musique ?
En effet, de nombreuses personnes pensent que le terme “progressif” implique de bons musiciens et les groupes sont souvent jugés sur leur prouesses instrumentales. Je pense que ce qui est vraiment important n’est pas la manière que l’on a d’interprêter quelque chose, mais plutôt ce que l’on a décidé de jouer. La technique instrumentale nous permet juste de nous servir de nos instruments. Si tu sais t’en servir et que tu as de bonnes idées, cela te permettra certainement de faire un bon album . Les idées sont importantes, bien plus que la technique des musiciens.
La chose la plus primordiale pour nous est d’arriver à transformer nos idées en chansons. Tu ne trouveras pas par exemple de passages hautement techniques destinés à bluffer les auditeurs sur nos disques. Nous nous concentrons sur la musique et sur nos morceaux ! Quand nous écrivons, nous ne décidons pas à l’avance du style de ce que nous allons composer. Nous faisons la musique qui nous plait, quelque soit l’étiquette que l’on pourrait lui donner.

The Chemical Chaos nous a rappelé Everon ou les premières réalisations de Superior. Te sens-tu proche de cette scène progressive allemande ? Selon toi, quels sont ses points forts aujourd’hui, avec le renouveau du progressif et l’arrivée de nombreux groupes sur le marché ?
Nous ne nous sommes jamais senti proche de cette scène, car nous n’y connaissons personne. Mis à part Everon et Vanden Plas, je ne connais pas vraiment d’autres groupes allemands évoluant dans le style. Je ne connais absolument aucun titre de Superior par exemple. Je ne suis donc pas vraiment convaincu quant à l’existence de cette “scène” allemande. Mon impression générale est que les amateurs de progressif ne sortent jamais ensemble et ne se saoule pas entre amis tous les week-end. Nous habitons également assez loin les uns des autres et je ne vois absolument aucun groupe de progressif dans la région de Brême où nous vivons et répétons. Il est donc difficile de parler d’une scène spécifique quand personne ne se connaît.

Arrivez-vous à vivre de votre musique au sein du groupe ? Quel est selon toi l’avenir du rock et du metal progressif et quels conseils donnerais-tu à de jeunes débutants ?
Nous sommes vraiment loin de pouvoir vivre de notre musique. Nous avons tous un emploi traditionnel à côté. Volker est architecte, Andreas est programmeur, Jörg et Marco sont enseignants et je travaille dans le secteur marketing d’une grande maison de disque. Honnêtement, je n’ai aucune idée quant à l’avenir du rock et du metal progressif, bien qu’il me semble que les dernières années ont vu l’apparition de groupes vraiment très intenses, particulièrement sur la scène black metal.
Si je peux donner un conseil à de nouveaux arrivants dans le monde du progressif, c’est de rester les pieds sur terre et de ne surtout pas croire pouvoir vivre de leur musique, même avec un contrat discographique en poche. Cela implique de vendre énormément de disques, beaucoup plus que le potentiel actuel du marché du progressif.

Pour terminer, pourrais-tu nous donner la signification du nom du groupe et de votre dernier album ?
[image5] Quand nous avons commencé, nous cherchions un nom qui puisse rester “actuel” pendant dix ou vingt ans. Si ton groupe s’appelle “Metal Axe” cela peut être génial sur le moment mais tu risques de vouloir changer quelques années plus tard, et il est difficile de modifier le nom d’un groupe. Nous cherchions donc un nom intemporel. Les premières semaines, Volker est venu en répétition avec plusieurs idées. Nous avons tous flashé sur ”Poverty’s No Crime”, et sur sa signification (NdRC : « la pauvreté n’est pas un crime »).
The Chemical Chaos représente le concept derrière l’album. Si tu te focalises sur la musique, tu remarqueras que chaque titre est indépendant. Il n’y a donc rien, aucun thème musical qui connecte entre eux les morceaux de l’album. D’un point de vue textuel, ce disque est en revanche articulé autour d’une seule idée.
Il représente le “chaos chimique” à l’intérieur de nous-mêmes et dans le monde qui nous entoure. Le dessin de la jaquette recoupe également ce thème général. Celui-ci représente les nerfs d’un corps humain. Beaucoup de gens pensent que ce sont des os mais si tu fais bien attention, tu remarqueras que ce n’est pas le cas. Les nerfs permettent à nos sensations de voyager, et nos sentiments sont le fait de processus chimiques. L’arrière plan reprend également plusieurs symboles chimiques. Cela montre que tous nos sens et nos sentiments ne sont que des processus chimiques et tout cela est à la base de The Chemical Chaos.

Propos recueillis par Julien Negro

site web : http:// www.povertys-no-crime.de