Après l’impressionnante affiche de la veille, et notamment la gifle assénée par Änglågard, ce sont des festivaliers encore sous le choc qui regagnent l’Esplanade du Concié le dimanche soir pour une seconde soirée de rock progressif en plein air. L’affiche du jour leur réserve encore bien des surprises…
Nemo
Aux alentours de dix-neuf heures, les Français de Nemo (voir notre chronique des Nouveaux Mondes et leur morceau dans la rubrique Ecoute) montent sur scène. Malheureusement, les spectateurs sont encore peu nombreux : le soleil brille encore, et les touristes, qui représentent une bonne moitié du public du Crescendo, auront sans doute préféré prolonger leur bronzette… Dommage, car les Auvergnats pratiquent un rock/metal progressif mâtiné de chanson française entraînant et relativement facile à suivre, qui aurait pu séduire de nombreux « non initiés ». Le chanteur-guitariste du groupe, Jean-Pierre Louveton, visiblement très heureux de sa présence au festival, ne se décourage pas pour si peu : il ira jusqu’à quitter la scène au milieu du concert pour aller haranguer les spectateurs restés dans les gradins ! L’énergumène a visiblement de l’énergie à revendre, ce qui contrebalance l’attitude un peu statique de ses collègues. Au final, la sympathique prestation de Nemo aura sans doute convaincu une bonne partie du public, malgré les réactions timides de celui-ci.
Cast
C’est ensuite au tour des Mexicains de Cast d’investir la scène. Ceux-ci se semblent s’être liés d’amitié avec les organisateurs du festival depuis quelques années, ce qui justifie le long trajet qu’ils ont fait pour venir s’y produire. La musique de Cast est fortement influencée par la scène néo-prog anglaise des années 80 mais comporte également des sonorités world et plus particulièrement sud-américaines souvent insufflées, c’est le cas de le dire, par un spécialiste des instruments à vent qui alterne flûte, clarinette et saxophone sur la plupart des titres. Le groupe possède un excellent chanteur, qui alterne anglais et espagnol, et dont certaines intonations rappellent celles de Fish. Vers la fin du set, il sera rejoint par une chanteuse pour un duo un peu poussif, mais toutefois acclamé par le public.
Les morceaux de Cast, pour la plupart longs et complexes, contiennent également de nombreuses parties instrumentales au cours desquelles les musiciens font la démonstration de leur talent : on retiendra notamment la performance du leader et claviériste du groupe, Alfonso Vidales. Malgré la complexité de sa musique, Cast est parvenu à plaire au plus grand nombre : à l’issue de leur performance, les Mexicains sont acclamés par un public désormais très présent.
Focus
Après une longue attente liée à de petits ennuis techniques, les Hollandais de Focus peuvent enfin monter sur scène aux alentours de vingt-trois heures. D’emblée, le guitariste du groupe impressionne par son feeling et sa virtuosité. Les longs soli, souvent improvisés, qu’il distillera tout au long du concert en laisseront pantois plus d’un. Il volera même dans un premier temps la vedette au leader du groupe, Thijs Van Leer, cantonné derrière son orgue Hammond au début du set. Mais Van Leer montre par la suite qu’il a plus d’une corde à son arc, puisqu’il est également flûtiste et, surtout, chante dans un registre surprenant et déjanté, entre scat et yoddle. La personnalité du leader semble être à l’avenant : sa bonhomie, son brushing « façon Elvis », et son amusante manière de courir entre son micro chant et son orgue Hammond en font sourire plus d’un. Il n’a donc aucun mal à s’attirer la sympathie de l’auditoire, d’autant plus qu’il s’exprime en français entre les morceaux.
Malgré l’impressionnant niveau technique des musiciens et le style assez expérimental du groupe, les structures des morceaux sont relativement simples. Certains passages sont même très directs et entraînants, parfois proches du hard-rock. Le public n’a donc aucun mal à adhérer à la musique des Hollandais, et se montre très enthousiaste tout au long du concert. Le groupe offrira une prestation d’environ deux heures, ce qui est tout à son honneur. On se demandera toutefois si, à vouloir trop bien faire, Focus ne s’est pas pénalisé : après s’être mis la quasi-totalité des spectateurs dans la poche en milieu de set, les Bataves auront pu finir par en lasser quelques-uns. Stratégiquement, Focus aurait donc sûrement gagné à raccourcir sa prestation. Mais hormis ce petit détail, le concert du groupe fut une franche réussite, achevant superbement cette édition 2003 du festival Crescendo.
Nous ne pouvons clore cette chronique sans adresser un grand coup de chapeau aux organisateurs de Crescendo, dont l’excellente initiative permet aussi bien de régaler les aficionados du progressif que de faire découvrir ce style peu médiatisé à un large public, sans contrainte, pas même financière. Merci et bravo aussi aux intermittents qui ont temporairement mis de côté leurs préoccupations pour assurer le bon déroulement du festival.
Cette édition 2003 doit également sa réussite à une affiche très variée, alternant légendes et nouveaux venus, extrémistes du progressif et artistes plus accessibles. Enfin, le cadre idyllique achève de rendre le festival unique en son genre et en fait un rendez-vous immanquable pour les fans de progressif en vacances.
Rémy Turpault
site web : http://www.festival-crescendo.com
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