Shaman – Shaman
Origine : Brésil
Style : Metal progressif
Formé en : 2000
Line-up: Andre Matos (chant), Luis Mariutti (basse), Hugo Mariutti (guitare), Ricardo Confessori (batterie)
Dernier album : Ritual (2002)
L’interview qui suit devait avoir lieu avec Andre Matos, le jour du concert. Hélas, au dernier moment, celui-ci n’a pas pu nous répondre. Aussi, alors que Mob Rules occupait la scène de l’Elysée Montmartre, nous avons investi la loge de Shaman pour nous entretenir avec Ricardo Confessori, dont l’extrême gentillesse allait de paire avec un anglais parfois peu orthodoxe… Courte rencontre juste avant un concert de haute tenue !
Progressia : Shaman est composé des trois cinquièmes d’Angra première génération. Au vu du succès que vous avez connu à l’époque, et de l’identité musicale que vous aviez posée, principalement avec Holy Land, vous a-t-il été facile de trouver une nouvelle identité avec Shaman, sans risquer d’être perpétuellement comparés à l’ancien Angra ?
Ricardo Confessori : Il nous a fallu un assez long moment avant de parvenir à trouver notre propre style. Lorsque nous avons commencé à composer, nous avons dû trouver une nouvelle identité. Même si nous avions contribué à créer le style d’Angra à l’époque, nous devions nous en démarquer avec Shaman et créer quelque chose de nouveau. Nous avions fait le difficile choix de quitter Angra, de laisser le nom aux autres, pour créer un nouveau groupe, redémarrer sous un nouveau nom. Il était donc hors de question de jouer une musique identique au sein de Shaman, cela n’aurait eu aucun sens ! Cette mue a été un moment très difficile pour nous. Nous avons réellement essayé de ne pas réutiliser avec Shaman une formule qui avait certes fait ses preuves avec Angra, mais qui ne nous correspondait plus. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons mis si longtemps pour composer Ritual.
Et penses-tu aujourd’hui que vous êtes dans la bonne voie, ou que cette quête d’identité est encore une œuvre à poursuivre ?
En fait, c’est une quête éternelle. Tu cherches toujours la mélodie parfaite. Mais je pense qu’on ne sonne plus du tout comme Angra, ce qui signifie qu’une bonne part du travail est déjà accomplie. Nous avons cherché à composer les chansons les plus originales possibles.
C’est étrange, car, du moins dans l’esprit, Ritual semble se vouloir dans la continuité de Holy Land… C’était quelque chose d’intentionnel ?
Effectivement. Nous voulions en faire une progression, à partir de Holy Land. Ritual ne sonne pas réellement comme une suite car les influences ne sont pas les mêmes, puisque Holy Land était avant tout inspiré des musiques traditionnelles brésiliennes. Mais nous avons cherché d’autres influences ethniques latines qu’il était possible de mêler à du heavy-metal. Le concept est le même, mais la recherche d’ambiances est différente. Nous ne nous sommes pas dit qu’il fallait refaire un Holy Land bis, un album que l’on aurait pu comparer, nous avons voulu que l’auditeur puisse reconnaître la même démarche, tout en appréciant la différence et le risque pris.
Mais vous avez tout de même repris exactement le même principe sur Ritual, bien que vous l’ayez poussé bien moins loin !
Pour nous, c’est le seul moyen d’être réellement différents, de sortir de la formule classique guitare-basse-batterie et de proposer quelque chose de nouveau, et c’est très difficile. Mais nous cherchons à donner cette petite touche de différence, en mêlant au metal des éléments radicalement différents. Il nous faut trouver la bonne proportion : nous voulons avant tout en rester sur une base réellement metal, nous ne voulons pas inclure de passages jazzy ou je ne sais quoi. Sur scène, nous sommes purement metal, mais nous voulons ajouter un petit parfum supplémentaire.
Comment avez-vous choisi Hugo (Mariutti, guitare) et comment s’est-il mêlé à vous ? Bien qu’il ne soit pas réellement évident de s’intégrer musicalement dans un groupe qui a déjà l’habitude de jouer ensemble, j’imagine que ça a du être plus facile, du fait qu’il est le frère de Luis (Mariutti, basse) ?
Il n’y avait qu’un nouveau musicien et dans la mesure où Luis et lui avaient de toutes façons vraiment l’habitude de jouer ensemble, les choses se sont passées réellement très naturellement. C’est assez amusant : au début, Hugo était simplement censé nous apporter un peu d’aide pour la composition, sans faire réellement partie du groupe. Et nous nous sommes finalement aperçus qu’il convenait parfaitement. Quant à Fabio (Ribeiro), notre claviériste de scène, il nous avait déjà accompagnés sur la dernière tournée (NdlR : hésitation… Ricardo semble avoir du mal à employer le nom d’Angra pour parler du passé, il faut que Fabio intervienne) de l’ancien Angra. Il n’y a donc en fait qu’un nouveau membre dans le groupe, et encore, il ne nous était pas réellement étranger. Les choses se sont donc passées très facilement, d’autant plus que nous savions déjà ce qu’Hugo pourrait nous apporter, puisque nous le connaissions depuis des années !
Vous avez joué en concert certains titres figurant sur Ritual avant l’enregistrement de l’album, notamment en France, à Colombes. Cela vous a-t-il servi de test pour voir comment le public réagissait, ou étiez-vous déjà sûrs de vos compositions ?
En fait, nous voulions tester ces morceaux. C’était même la principale raison de ces apparitions scéniques antérieures à l’enregistrement. Nous voulions voir quelle serait la réaction des gens. Nous avons enregistré ces concerts, les avons réécoutés en boucle, et nous avons apporté un grand nombre de changements aux morceaux suite à cela.
Et pensez-vous refaire ce type d’expérience à l’avenir ?
Nous aimerions vraiment beaucoup, mais cela dépendra des opportunités. Cela suppose que des titres soient suffisamment près au moment où une tournée se met en place. Mais c’est plus difficile aujourd’hui : une fois que tu es entré dans le cycle album-tournée-album, etc., la pression est plus grande, tu as moins de temps pour peaufiner les disques, tu es pris par un calendrier qui ne dépend plus que de toi… Si l’occasion se présente, nous sauterons dessus, car ce type d’expérience apporte beaucoup. C’est plus facile et cela évite ensuite, une fois que l’album est enregistré, de se demander : « Mais… au fait… comment allons nous transposer ces parties de dingues sur scène ? C’est injouable en live ! ».
A propos d’enregistrement… Puisque trois d’entre vous étaient déjà connus par l’intermédiaire d’Angra, cela vous a-t-il permis de trouver une maison de disques plus facilement, ou avez-vous rencontré les mêmes difficultés qu’un jeune groupe totalement inconnu ?
Les choses n’ont pas été si faciles que ça. En fait, ce sont les négociations avec les maisons de disques et la signature des contrats qui nous ont pris le plus de temps. Il fallait que l’on trouve celui qui nous proposait les meilleures conditions pour le groupe, mais aussi celui qui comprenait le mieux notre état d’esprit. Il ne s’agit pas uniquement de savoir celui qui nous propose la plus grosse somme. Nous ne voulons pas d’une maison de disque qui nous fasse un pont en or pour que nous signions chez elle et qui ensuite passe son temps à nous demander un « Carry On » part. 2, un « Nothing To Say » bis ou un « Lisbon » : le retour. Nous avons cherché un label qui comprenne que nous étions un nouveau groupe, et qui nous laisse libre de faire ce que nous souhaitions. La plupart des maisons de disques te mettent la pression pour que chaque album contienne au moins autant de hits que le précédent. Mais nous ne sommes plus Angra, et Shaman ne va pas dans la même direction. Il n’a pas été évident de le faire comprendre aux maisons de disques, et cela nous a demandé beaucoup de temps, on s’est fait refouler par un bon nombre d’entre elles, qui n’étaient pas intéressées par ce qu’on leur proposait.
Nous devions initialement poser cette question à Andre, qui a écrit toutes les paroles, mais peut-être pourras-tu répondre… Ritual est conceptuel, semble-t-il…
Effectivement… Tout a commencé avec le nom du groupe. Nous avons cherché pendant longtemps, avant de nous décider pour Shaman. « Angra » était déjà un mot indien, qui fait partie du vocabulaire tupi (c’est la langue indienne la plus répandue au Brésil). « Shaman » n’est pas un mot indien, mais tout le monde sait que chaque tribu indienne comprend un chaman, et nous nous sommes dits que ce nom permettait d’établir un lien. Il sonnait en effet de manière totalement différente, mais recelait un feeling semblable. C’est un mot universel, que l’on peut comprendre partout dans le monde, c’est aussi un mot qui appartient à notre langue… Cela nous a donc semblé parfait. Ensuite, nous avons cherché comment faire le lien entre le nom du groupe et l’album qui nous étions en train de préparer. Et le premier mot qui nous est venu à l’esprit, en association, était celui de rituel. Nous avons ensuite écrit des textes tournant autour de ce thème…
Puisque vous vous apprêtez à monter sur scène… Comment vous y prenez-vous pour reproduire les différents instruments « exotiques » présents sur l’album ?
La plupart de ces instruments, tels la flûte de pan, le violon ou les cornemuses sont joués aux claviers, et je me charge des percussions, tandis que Hugo et Luis se chargent des chœurs. Nous voulons éviter à tout prix les séquenceurs. Nous sommes cinq sur scène et nous ne pouvons naturellement pas reproduire tous les arrangements. Mais nous avons gardé la trame des morceaux, et nous pensons que l’énergie du live remplace les arrangements impossibles à reproduire sur scène. Les groupes qui, du fait de leur style symphonique ou autre, doivent absolument avoir recours à des samplers et aux clicks, nous paraissent tellement limités sur scène, bloqués dans leur spontanéité. Nous préférons supprimer certaines parties, impossible à jouer en live, plutôt que nous mettre nous même des bâtons dans les roues.
Avant de te laisser te préparer tranquillement, un dernier mot sur vos projets pour les mois à venir ?
Notre concert à Lyon, qui suit celui de ce soir, sera notre dernière prestation scénique de l’année. Début 2003, nous allons tourner en Amérique du Sud (Brésil, Chili, Argentine, Venezuela, Mexique), puis revenir en Europe aux alentours du mois de mars, pour rendre visite aux pays que nous n’avons pas encore pu traverser. Cette tournée risque d’être assez longue, d’autant plus que nous enchaînons avec le Japon en avril. Nous pensons retourner en studio en juillet ou août. Nous avons déjà pas mal de nouvelles compositions. Il nous reste beaucoup d’idées datant des sessions de Ritual, et que nous n’avons pas encore exploitées, ainsi que de nouvelles compositions.