AKKU Quintet - Live
Sorti le: 18/02/2022
Par Florent Simon
Label: 7d Media
Site: https://www.akkuquintet.com/
Le nouveau disque du AKKU Quintet, formation créée par son batteur Manuel Pasquinelli, est une compilation de compositions captées en public entre 2016 et 2020 et tirées de leurs albums studio sortis depuis dix ans. Celui-ci résume d’ailleurs assez bien leur musique : intrigante, hybride, minimale et expressive, elle plonge l’auditeur dans une “bande originale d’un film que l’auditeur prendra soin d’imaginer”, entre jazz progressif et post-rock.
Cet aventureux groupe de jazz nous offre ainsi l’expérience de leur musique sur scène, ou presque car il ne peut malheureusement offrir les animations projetées lors de la prestation! Fidèle au poste, le batteur suisse (qui partage son temps avec le groupe Sonar) y est toujours entouré de Michael Gilsenan (saxophone ténor), Markus Ischer (guitare), Maja Nydegger (claviers) et Andi Schnellmann (basse).
La première plage n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit du morceau-fleuve «Waves» qui aime s’étirer jusqu’à la demi-heure. La batterie l’ouvre avec douceur d’un beat mid-tempo, bientôt rejoint par la basse le piano, afin de former un motif répétitif tel un paysage mental sous nos yeux. Minute après minute, ce “train sans fin” garde sa vitesse de croisière dans un sorte d’ostinato apaisant, croisant Steve Reich à Tortoise, régalant les amateurs.
Embarqué par cette ritournelle, le pianiste laisse ensuite libre court à des variations en volume et en intensité, tel des vagues régulières. Il faudra attendre le milieu du morceau pour que prenne place la guitare dans ce manège, proposant un riff mélodique qui se fond à celui du piano, avant d’être rejoints par le saxophone. Quand soudain,l’auditeur est saisi à la 21e minute (suite à ce qui n’était qu’une introduction?) par un thème sorti de nulle part, enrichi par une grille d’accords qui accompagne un solo de guitare floydien délivreur. Enfin, le ciel s’obscurcit lorsque s’entame la descente de la sonate finale au piano. C’est définitivement la pièce maîtresse de l’album.
S’ensuit Polar (lui aussi de l’album Aeon) qui commence humblement au piano et paraît plus accessible, quand bien même son ambiance balance encore une fois entre sérénité et inquiétude. Le son est proche des musiques “froides” venant du nord ou de l’Est de l’Europe (E.S.T., Tigran), dévoilant un beau travail d’ensemble, toujours orienté minimalisme mais dans un format plus classique.
La deuxième partie de l’album nous offre une suite en trois actes. «Deep sleep 1» qui vient de leur premier album Stages of Sleep, réchauffe la palette sonore avec un son de piano électrique, et un tempo plus rapide. Toujours dans la transe répétitive, des rythmes asymétriques sont introduits ça et là pour nous surprendre. L’auditeur est emporté dans un drum&bass à la sauce jazz fusion.
S’enchaîne «Schneemann» qui est dominé par le mélodisme du piano et les chorus planants de guitare. L’auditeur est là-aussi surpris par des breaks asymétriques dont la maîtrise du tempo variable, exercice si délicat, est ici réalisée avec brio.
Enfin, l’album se conclut sur ce «Deep sleep 2» qui nous replonge dans un univers plus sombre, plus rythmé aussi. Le saxophone y est remarquable, tantôt accompagnant tantôt soliste.
Ce Live est donc un voyage qui exige une attention particulière, qui derrière son apparente rudesse vous attrape et vous obsède. Chaque morceau, aussi hypnotique soit-il, livrera ses subtilités et ses richesses à la réécoute, et finira par délivrer sa sincère séduction derrière cette obscure narration.
Moderne, complexe, familier, et tout son contraire en même temps, la musique du AKKU Quintet est un dosage inhabituel parfaitement interprété dont nous saluons la prestation.