Anne Paceo - S.H.A.M.A.N.E.S.

Nous avions laissé Anne Paceo alors qu’elle confirmait avec Bright Shadows qu’elle était non seulement une batteuse atypique mais une compositrice de talent capable d’embrasser des styles aussi divers que le jazz, la pop, l’électro et les musiques du monde. Entre-temps, la musicienne a empoché une troisième Victoire du Jazz, publié l’EP Samâ et une version live de son album Circles sorti en 2016.

S.H.A.M.A.N.E.S. marque une évolution finalement assez logique dans le parcours de l’artiste : explorer un pan de la culture universelle – les pratiques shamaniques – pour le décliner à sa façon, en s’effaçant derrière les voix de ses chanteuses. A l’instar de Bright Shadows, elle privilégie l’anglais, bien que souvent, le chant n’est que vocalises qui s’emmêlent et se superposent. Pas de transes extatiques ou hypnotiques, Anne Paceo prend ce qu’il y a de plus doux et plus lumineux dans ces traditions magiques, comme si elle voulait repousser par ces rituels les obscurités du monde contemporain.

Les fidèles Tony Paeleman (piano, Fender Rhodes) et Christophe Panzani (saxophone, clarinette) enrobent des voix qui ne sont pas que les véhicules solitaires des textes mais exploitent tout le spectre des possibilités, comme des instruments à part entière, créant des polyphonies, contrepoints, ou motifs rythmés. La batterie d’Anne Paceo et le métallophone de Benjamin Flament les accompagnent respectueusement en jouant leur rôle d’hortator, et ne se glissent à l’avant que sur quelques rares emballements.

Il est impossible de rester insensible à la beauté mélodique de cette fresque, matérialisée de tant de façons par la délicatesse des voix d’Isabel Sörling et de Marion Rampal. Album sans artifices, humaniste et féministe, S.H.A.M.A.N.E.S. invite à la rêverie, à la contemplation, à l’ouverture sur le monde.