Devin Townsend - Z2
Sorti le: 27/10/2014
Par Renaud Besse Bourdier
Label: Inside Out
Site: www.hevydevy.com
« Aye aye, captain poopy pants ! » Ziltoïd.
Nous n’allons pas se mentir, il est très difficile de juger une œuvre à laquelle on a grandement participé. Trop clémente ou trop sévère, la parole se teinte de subjectivité comme si l’on peignait un tableau avec notre propre sang. Oui, il est vrai qu’une partie des membres de la rédaction de Chromatique a participé à la création de ce nouvel opus de Devin Townsend en offrant leurs voix hors paires à deux pistes (« Before we die » et « Z2 »). En effet, l’homme derrière Ziltoïd a eu la bonne idée de demander à ses fans de s’enregistrer pour participer à un chœur universel. Bilan : environ deux milles voix reçues et placées sur le CD dans un mixage étouffant et ultra compact. C’est pourquoi nous nous efforcerons de mettre de côté tout cela pour nous concentrer sur la musique sans nous laisser être biaisé par nos talents vocaux.
Devin Townsend revient donc et rappelle son personnage fétiche – qui a récemment donné nom à un cratère sur Mars – à lui, le fameux et frappé Ziltoïd. Ce Z2 se compose de deux disques bien distincts en termes de style ; le premier est extrêmement mélodique et est sans doute le volet le plus riche et accrocheur de la carrière du bonhomme depuis l’excellent Addicted. Des chœurs féminins sont omniprésents et contrastent avec le mur de son en béton armé qui forme la structure interne des morceaux du disque, tandis que Townsend s’applique à hurler à plein poumons de sa voix imposante et incroyablement maîtrisée. Et d’ailleurs, si les guitares et la batterie incessante sont une part essentielle de cette première moitié de Z2, ce sont les voix polyphoniques qui sont le véritable cœur de la musique. Une bonne partie des morceaux sont très expéditifs et restent dans un format radio FM pour ce qui est de la longueur, ce qui contribue au côté très accrocheur de l’album.
Ce qui n’empêche pas pour autant Townsend de se lâcher complètement : il ne lui suffit par exemple que de 4 minutes 40 dans « Universal Flame » pour pétarader dans toutes les directions et finir le morceau de manière totalement inattendu. Au milieu de tout ce déchaînement étouffant – il sera difficile pour certains d’écouter l’album d’une seule traite – avec des marches guerrières endiablées comme l’excellent « Silent Militia », Devin Townsend laisse tout de même l’auditeur se reposer (un peu) avec quelques passages plus doux ici et là (« Sky Blue » « Midnight Sun » et « Forever »).
Dans un passage parlé de Deconstruction, Devin Townsend explique que l’on doit pouvoir prendre un cheeseburger et le décomposer jusqu’à trouver son essence interne. Sa musique est l’exact inverse. C’est un gigantesque cheeseburger, recomposé à partir d’un tas d’essences émotionnelles, qui combine saveur, douceur et intensité avant de t’exploser à la gueule façon Scanners de Cronenberg.
Le deuxième disque est… la version métal prog du film Galaxy Quest, en gros, ou pour rester dans le domaine : un album de Ayreon qui ne se prendrait pas au sérieux. Bien moins mélodique que le premier et bien plus rentre dedans, Townsend semble beaucoup plus s’amuser à développer ses personnages et son histoire improbable qu’à se pencher sur la musique. Pour cela, d’un point de vue strictement classique, ce deuxième disque est bien moins intéressant et captivant que le premier, mais une fois que l’on se laisse entraîner dans ce délire des aventures complètement loufoques de Ziltoïd, on ne peut s’empêcher de sourire bêtement. Sans trop en révéler sur l’intrigue, « la sensation intergalactique » se retrouve cette fois-ci embarquée dans des péripéties impliquant une princesse guerrière alien, la population toute entière de la terre, un homme appelé Captain Spectacular… péripéties qui ne manque pas de rebondissements – totalement débiles – notamment sur les origines de Ziltoïd.
Toute personne appréciant la musique envahissante de Devin Townsend, le second degré et le cinéma de genre ne peut pas se permettre de manquer cette sortie ; Z2 est absolument jouissif. Alors, comme l’ordonne la première piste du premier album, « Rejoice » !