Coshish - Firdous
Sorti le: 28/07/2014
Par Elisabeth Parnaudeau
Label: Universal Music India
Site: soundcloud.com/coshish
Sans être un grand spécialiste du sous-continent indien, il n’est pas franchement difficile de constater à quel point la création musicale moderne indienne est phagocytée par les productions Bollywoodiennes. Cinéma, télévision, radio, publicités, sonneries de portable… impossible d’échapper là-bas aux mélopées langoureuses et colorées des derniers cartons du grand écran. Peu de place est faite aux autres genres musicaux pour se développer, autant dire que l’idée d’une scène de prog indienne pourrait faire sourire. Et pourtant, c’est bien de Mumbai, le berceau du Bollywood, que nous vient le groupe Coshish (paradis) et leur premier album Firdous (tentative).
A bien des égards, ce sont les influences indiennes qui rendent ce disque de bonne facture intéressant. Elles s’y mélangent harmonieusement avec les caractéristiques d’un album de prog typique : la pochette tout d’abord, aux multiples motifs sibyllins entourant un Saddhû en position de yoga, et ensuite le concept. On ne présente plus les histoires-concept depuis Operation: Mincrime et Scene from a Memory, mais celle de Firdous est marquée par la spiritualité hindoue. Elle raconte la chute d’un homme puis son chemin vers la rédemption et la délivrance (la « Mukhti » : c’est d’ailleurs le titre du morceau qui conclut l’album), ce qui lui permettra d’atteindre le Nirvana. Pour corser un peu la chose, les titres ont été volontairement mélangés. Des indices ont été soigneusement disséminés dans le livret pour aider à les remettre dans l’ordre, en clin d’œil au Lateralus de Tool, dont l’influence se fait régulièrement sentir. Une fois l’énigme élucidée, Firdous s’écoute comme un seul et long morceau épique.
Au niveau musical à proprement parler, l’album est de très bonne qualité même s’il ne présente pas franchement grand-chose de neuf sous le soleil du prog moderne. On y retrouve les influences seventies très à la mode en ce moment, avec des claviers planants et zen ainsi qu’une guitare acoustique omniprésente, et le flirt avec le metal type Haken sur des titres comme Raastey ou Bhula Do Unhey. Les passages acoustiques, soigneusement incorporés au milieu des riffs dans plusieurs de leurs morceaux comme Coshish, Maya et Behti Boondein, sont très réussis et des plus agréables à écouter. Atmosphériques et rêveurs, ils donnent l’impression de siroter un sweet lassi sous un banyans par une journée caniculaire. Le final instrumental, la fameuse Mukhti, est une montée en puissance épique comme il se doit, avec une belle place faite à la basse – c’est sur ce morceau que l’influence de Tool se fait vraiment sentir, et la session rythmique du groupe relève le défi avec brio.
En revanche, on peut regretter de ne pas sentir plus d’inspirations indiennes dans l’instrumentation. Il existe tellement de musiques traditionnelles indiennes magnifiques (rien que la musique religieuse soufie par exemple, si rythmique et obsédante), qu’on se dit qu’ajouter un petit sitar par ci, des tablas par-là, pourrait vraiment apporter un plus qui aurait démarqué leur album des autres productions progressives actuelles.
C’est au niveau du chant que se trouvent la vraie audace et l’originalité, qu’on ne peut que saluer. En effet, choisir de chanter en Hindi est un pari qui donne au groupe sa valeur ajoutée. C’est du coup bien moins accessible qu’en anglais standard, mais avec les explications qu’ils se font un plaisir d’envoyer à la demande, saisir le concept de l’album ne pose aucun problème. L’Hindi étant en plus chantant et agréable à l’oreille, nul besoin de maîtriser la langue pour en apprécier la douceur et les intonations. Petit bémol cependant sur la voix du chanteur, un peu sirupeuse – chassez le Bollywood, il revient au galop !
Firdous est donc un bel ouvrage, surtout pour un premier album, et le groupe mérite qu’on lui accorde une oreille attentive. Il ne reste plus qu’à espérer un deuxième opus, tout aussi bon sur la technique, mais qui affirme encore plus son identité indienne.