Circle of Illusions - Jeremias – Foreshadow of Forgotten Realms
Sorti le: 13/02/2014
Par Jean-Philippe Haas
Label: Generation Prog Records
Site: www.circleofillusion.com
Comment un album peut-il attirer sur lui la méfiance avant même d’avoir délivré sa première note ?
1) En se dotant d’un nom à la limite de la caricature et d’une pochette kitsch gothico-fantastique qui met en scène des forces obscures – magiques ? (musique inquiétante).
2) En étant l’œuvre d’un seul homme, claviériste de surcroît, Gerald Peter (ça ne s’invente pas), qui a passé une demi-douzaine d’années à monter le projet.
3) En affichant soixante dix-neuf minutes et cinquante neuf effrayantes secondes au compteur (ça ne s’invente pas non plus).
4) En se présentant fièrement comme un disque de rock prog symphonique et en proposant dès l’ouverture un instrumental de metal orchestral d’un pompiérisme façon Rhapsody of Fire.
Bref, à peine entré en scène, le groupe autrichien Circle of Illusion a réuni tous les éléments pour se saborder bien comme il faut …
Et pourtant, nous sommes en présence d’un sacré bon album, pour peu qu’on se laisse prendre au jeu. Passées les premières secondes qui laissent augurer de la tenue d’une foire aux clichés, il faut bien admettre qu’en plus de bénéficier d’une production assez remarquable, les codes de l’opéra prog metal sont habilement utilisés, détournés voire enrichis de passages qu’on n’a pas l’habitude d’entendre sur un disque ainsi étiqueté : jazz, funk, disco… qui débarquent souvent de nulle part au beau milieu d’un titre ! Les chanteurs sélectionnés par Gerald Peter constituent un autre point fort : Taris Brown, co-auteur de l’histoire, excelle dans différents registres vocaux, accompagné des deux rôles féminins interprétés par Elga Shafran et Cara Cole (sans jeu de mots), très à l’aise également dans un style typiquement heavy féminin. Jeremias reprend certes nombre de recettes bien rodées et usées jusqu’à la corde par Ayreon, Shadow Gallery, Dream Theater et leur pléthorique progéniture (le concept, la grandiloquence, les thèmes récurrents, les postures affectées des personnages, les nombreuses parties orchestrales…), mais parvient aussi à surprendre son auditeur tout au long de cette œuvre volumineuse, riche en mélodies, qui s’achève sur un béhémoth de clôture de plus d’un quart d’heure.
Circle of Illusion tord le cou aux médisants et réussit l’incroyable pari de se dépêtrer d’un style où la marge de manœuvre est extrêmement étroite. On croyait ce type d’entreprise voué à l’échec, mais les Gardiens du Temple du Metal que sont les Germains ont démontré ces dernières années (avec par exemple Flaming Row en 2011, Airs en 2012…) que le genre mérite d’être décliné encore un peu.