Deafheaven - New Bermuda

Sorti le: 10/01/2016

Par Raphaël Dugué

Label: ANTI-

Site: http://deafheaven.com/

Depuis son éclosion en 2013 avec l’album Sunbather, le groupe américain Deafheaven provoque des sentiments ambivalents, considérés comme révolutionnaires par certains ou traîtres au metal par d’autres, sa popularité dérange. En 2015, la coqueluche des webzines hipsters se retrouve une nouvelle fois, dès la fin novembre, dans les tops de fin d’année, servant de caution metal pour ces journalistes soucieux de démontrer leur ouverture aux musiques agressives (un peu comme l’amie noire de vous savez qui). Injustement critiqués pour cette agitation médiatique, il semble donc important de se détacher de ce contexte pour se concentrer sur l’essentiel, la musique.

Elle repose avant tout sur un mariage de deux styles nés à l’orée des années quatre vingt dix, le shoegaze et le black metal. Si Sunbather faisait le choix du mélange homogène, New Bermuda est lui, plutôt bâti sur le contraste. Dès les premières minutes de l’album, un riff agressif soutenu par des blast beats étouffants montre une violence qui avait seulement été évoquée par le passé. À la manière d’Opeth, Deafheaven joue sur l’opposition de style, il navigue entre les ténèbres d’un black metal intense et l’attraction solaire du shoegaze et du post-rock. Les passages les plus calmes sont assez simples et minimalistes mais ils sont portés par la voix écorchée de George Clarke et gagnent en intensité. Les cinq morceaux que forment l’album sont longs et se développent en structures complexes pour surprendre les auditeurs. New Bermuda s’appuie aussi sur des mélodies efficaces et pertinentes (comme sur « Baby Blue » et son solo majestueux). Deafheaven atteint alors une profondeur étonnante et la mélancolie et la violence sont toujours entraînées dans une ascension impossible vers la lumière.

Beaucoup a été dit sur l’originalité ou le manque d’originalité du groupe, mais le débat semble stérile à l’écoute de New Bermuda. Il est clair que malgré certains clichés (le flash info d’une radio en arrière plan d’un passage atmosphérique), la musique de Deafheaven est avant tout une affaire d’émotions.