The Very Big Experimental Toubifri Orchestra - Dieu Poulet

The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, s’il n’est pas vraiment expérimental, est par contre very big : 18 musiciens, rien que ça; et encore, on ne compte pas les invités. Mais qui sont ces gens ? A en croire leur bio, ils se seraient formés en 2006, sous l’impulsion de Grégoire Gensse, quelque part à Lyon. Si on cherche des traces discographiques de leur existence, on tombe tout d’abord sur Waiting In The Toaster, un album de 2014 sorti chez Label Bleu. On y entend déjà toute la démesure du collectif, qui interprète une sorte de bande originale de film, déjantée et explosive, bien trempée dans le jazz mais largement parsemée de rock et de musiques du monde. Fred Pallem et Franck Zappa sont probablement passés par là. En 2017, après la mort prématurée de son mentor l’année précédente, le groupe accompagne le chanteur-poète Loïc Lantoine pour une série de concerts qui donnera lieu à Nous, un double album qui témoigne superbement de cette tournée.

Avant même d’entendre une seule note de Dieu Poulet, il est possible de se faire une idée de son contenu grâce au visuel du CD (voir ci-dessus). Un vol de slips kangourous traversant un ciel nuageux, un singe faisant du skate-board avec un homme à tête d’antilope, un ornithorynque grimpant sur une otarie… voici toute une ménagerie hétéroclite, parfois mi-animale mi-humaine, entourée d’une foule d’objets divers. Dans l’esprit, la partie musicale est à l’avenant de cette loufoquerie affichée. Jambe Tête Fruit Socle Bras Poulpe Jaune Vert / On n’a jamais su écrire une seule chanson, on sait toujours pas / Alors on invente des méthodes interdites et très dangereuses : ainsi commence « Sexe ! », grande fête cuivrée, rythmée et entraînante, où les musiciens eux-mêmes donnent de la voix. Il ne faut pas attendre davantage de sens de la part des autres titres chantés, ou alors celui-ci est-il caché, compréhensible de ses seuls auteurs. Mais cela n’a pas grande importance, on se prend à fredonner ces phrases ésotériques ou sans queue ni tête, au son de singulières mélopées (« Les anciens humains »). Sans paroles, de mini-symphonies loufoques, comme « Range ta chambre », court-métrage instrumental plein de péripéties, stimulent sans peine notre imaginaire, comme l’extatique « Dieu Poulet » et ses rythmes ensoleillés. A l’exact opposé, on trouve « Lune », tranquille épopée délicatement ponctuée par un vibraphone, ou l’étrange, voire inquiétant « Waiting for lips », parcouru de ci de là par toute une palette de sons de synthétiseur. Chanté en anglais, « Tell Me » clôt doucement l’album d’une manière qui n’est pas sans rappeler certains passages bucoliques du Genesis des années 70.

Avec The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, on est loin du big band classique un peu engoncé dans ses codes, et plus proche d’un orchestre moderne touche-à-tout, pour qui le mélange des genres n’est pas un problème. Il y a du groove, du funk, beaucoup de chaleur et d’extravagance dans son nouveau disque, mais aussi de la mélancolie et de la rêverie. Tout cela est servi par une richesse instrumentale exceptionnelle prodiguée par une vingtaine de musiciens enthousiastes. Pour faire court, il est à parier que Dieu Poulet vous fasse caqueter de plaisir !