Ghost Rhythms - Imaginary Mountains
Sorti le: 02/10/2020
Par Jean-Philippe Haas
Label: LEM
Site: https://ghostrhythms.bandcamp.com/
Ghost Rhythms vous gâte. Un an presque jour pour jour après la sortie de Live At Yoshiwara, le collectif parisien publie déjà un nouveau disque (l’effet « confinement » ?) intitulé Imaginary Mountains. Une fois encore, le thème choisi est très « K.Dickien » : la réalité n’est pas ce qu’elle semble être… Ces « montagnes imaginaires », ce sont les monts Tumuc-Humac, censés se situer quelque part où coule l’Oyapock, au sud de la Guyane française, à la frontière avec le Brésil. A la fin du dix-neuvième siècle, l’explorateur Henri Coudreau a largement contribué à la légende de ces soi-disant sommets (qui sont tout au plus des collines), et un demi-siècle plus tard, le jeune Raymond Maufrais perdit la vie en les cherchant vainement.
L’aventure débute avec l’étrange et vaguement inquiétant « Path to Oyapock » où les différents instruments électriques et acoustiques de cet orchestre composite vont et viennent l’un après l’autre. Dès « Tumuc Humac », les traits saillants de la musique de Ghost Rhythms se mettent en place : thèmes répétitifs, quasi hypnotiques, contrepoints et unissons, ruptures de rythmes. Ces procédés narratifs que le groupe maîtrise à la perfection depuis Madeleine, alliés à une large palette sonore font d’Imaginary Mountains une aventure sans temps morts, où musique de chambre et gros riffs se côtoient sans jamais froisser l’oreille.
S’il fallait décrire l’album à l’aune de ses prédécesseurs, on dirait qu’il est peut-être un tantinet plus aéré, dans le sens où chaque membre du groupe trouve de plus grands espaces d’expression individuelle. Il est aussi plus énergique dans l’ensemble, car bien que toujours très contrasté, notamment par la présence de titres orchestraux et sans batterie, il est parsemé de passages qu’on peut aisément qualifier de « heavy » : c’est le cas dans les imposants « Tumas Humac » et « Horizontal Ascension », ainsi que sur le très nerveux « Coudreau’s Dream », des compositions à qui on pourrait par ailleurs coller l’étiquette « prog’ » sans commettre d’impair. Enfin, une production un peu plus hétéroclite accentue cette impression d’écouter un Ghost Rhythms légèrement à part.
Bien que la patte de ses compositeurs Camille Petit et Xavier Gélard soit indéniable, c’est donc une œuvre « différente » pour toutes les raisons, réelles ou… imaginaires, évoquées plus haut. Si Imaginary Mountains ne donne pas envie d’aller crever du paludisme en pleine jungle, il vous procure toutes les sensations – peur, excitation, joie, contemplation, détresse – de ces expéditions qui furent aussi absurdes qu’exaltantes.