– (3/6) : Interview de Mike Mills (ToeHider)
Si l’Australie est synonyme pour beaucoup de dépaysement, elle n’en reste pas moins une terre porteuse de groupes talentueux. Parmi eux, The Butterfly Effect dont le dernier album a su se faire une place dans nos colonnes. Mais c’est aujourd’hui sur ToeHider et sur son leader, Mike Mills, que nos yeux et nos oreilles se sont penchés… ainsi que sur ses 12eps in 12 months Oui, vous avez bien lu, cet homme est fou au point de sortir un mini Cd par mois… Une vraie découverte, venant tout droit de Melbourne, que toute l’équipe de Chromatique n’est pas peu fière de partager avec vous.
Chromatique : Mike, nous pensions que tu pouvais y échapper mais devant le peu d’admirateurs que ToeHider compte en France, une présentation s’impose.
Mike Mills : Oui, je crains de ne pouvoir y échapper (Rires) ! Que dire ? Je chante et joue de la guitare. Je m’occupe de toute la composition des morceaux et supervise une grande partie des enregistrements. ToeHider, c’est donc mon projet. En concert, je suis accompagné d’une ravissante bassiste nommée Amy Campbell, de Lachlan Barclay à la guitare et de Richard Evensand (Ex-Soilwork) à la batterie. ToeHider se produit également en acoustique ; généralement, je suis seul mais joue parfois avec un percussionniste et, de temps à autre, avec une harpiste et/ou un clarinettiste. Cela me permet de varier les formules et les arrangements autour des morceaux.
ToeHider est certes le projet d’un seul homme, mais laisses-tu la possibilité à tes acolytes d’arranger leurs parties d’origine ou de dévier un peu ?
Dans la plupart des cas, les titres n’évoluent que très peu. Pour autant, je ne suis pas regardant, ni pointilleux là-dessus, au contraire, j’encourage mes collègues à s’approprier leurs parties et à y injecter de leur personnalité.
Concernant tes influences, elles semblent être très larges. Tu as été nourri au biberon avec Queen, Iron Maiden, Pink Floyd… la liste est longue, n’est-ce pas ?
Longue, c’est un euphémisme (Rires) ! Plus sérieusement, Queen est sans doute l’influence majeure à l’origine de ce projet. Il faut se remettre un moment dans le contexte et se rendre compte de leur capacité et de leur intelligence dans les expérimentations musicales tout en gardant un son et une identité sonore propre. A l’époque, ce n’était pas donné à tout le monde. C’est le genre de démarche que j’essaie d’entreprendre, cela peut paraître ambitieux mais c’est une bonne source de motivation. Alors oui, forcément, Brian May est un de mes pères spirituels, tout comme Ritchie Blackmore avec Deep Purple. Je suis également influencé par des guitaristes folk comme Cat Stevens ainsi que par des guitaristes de country. Pour ce qui est du metal, tu mentionnais Maiden à juste titre. On peut y ajouter Helloween et Michael Kiske. Est-ce que je risque de passer pour un ringard auprès de tes lecteurs, si je cite Manowar (Rires) ? J’aime leur mise en scène et leur musique. Je trouve ça hilarant et malgré tout, j’ai l’impression qu’ils ne se prennent pas au sérieux (NDLR : je confirme). Quoi d’autre ? Oh oui, Yngwie Malmsteen, au même titre que May & Blackmore, est une icône de la guitare. Cela dit, j’essaie de m’intéresser à des groupes actuels afin de rester à la page… et également pour pouvoir leur piquer quelques plans (Rires).
Justement, quels sont-ils ?
Il y en a pas mal : Coheed & Cambria, The Mars Volta, Panic at the Disco, Karnivool… En ce moment, je découvre énormément de choses et je trouve ça à la fois très intéressant et excitant !
Parlons maintenant de ce projet pour le moins dingue 12 EPs in 12 Months. Première question qui me vient à l’esprit : comment cette idée folle est-elle née ?
En fait, il faut savoir que ToeHider et ce projet sont nés de l’inactivité de mon précédent groupe, Template, qui sonnait comme du Led Zeppelin, en un peu plus progressif. On a tenu la baraque pendant environ deux ans, avant que des membres ne mettent les voiles ou ne s’investissent ailleurs. Je me suis retrouvé avec un certain nombre de compositions. J’ai collaboré avec Andrew Saltmarsh, un gars de Brisbane avec l’idée de faire quelque chose de différent. Le premier titre paru est le morceau éponyme « ToeHider ». Andrew l’a écouté et a commencé à m’envoyer des notes, des idées en tout genre pour aller encore plus loin dans le côté déjanté.
Chacun de ces Eps semble renfermer un concept à lui tout seul. Par exemple Not Much of a Man est acoustique, Metalarsus est très typique du metal…
L’idée de base était de sortir chaque mois un album basé soit sur un concept, soit sur une orientation musicale. Mais je me suis vite retrouvé dans une impasse. Je me suis alors dit : Au diable, les concepts ! Je me lâche et ce sera tout aussi bien ! Tu n’as pas idée de la pression que je me suis enlevée à ce moment-là (Rires) ! Sortir un EP acoustique a été un hasard mais j’avais conscience et envie de vouloir aller dans cette direction-là. Idem pour Metalarsus.
Le neuvième mini CD nommé . (NDLR : ne cherchez pas, ce type est VRAIMENT fou) détonne par rapport à ses petits frères, il est très atmosphérique…
Je l’ai écrit après Noël. J’étais très malade. Je me souviens d’ailleurs, pour la soirée de la sortie du CD de Noël le 12 décembre, avoir joué avec le groupe en étant incapable de chanter. Un vrai calvaire. J’en ai pas mal bavé pendant cette période-là, c’était très frustrant. Devant ce handicap, je me suis lancé dans l’écriture d’un album instrumental. J’avais peu de temps cependant, car je devais le boucler pour le sortir le 12 janvier vu que chaque album devait sortir le 12 de chaque mois. (NDLR : vous nous croyez maintenant ?). C’est le seul qui ait dérogé à la règle. Cela m’a contrarié et je pense que ça se ressent à travers les compositions. Il est marqué par Pink Floyd dans une certaine mesure, mais également axé post-rock, la faute à un groupe qui s’appelle Sleepmakeswaves que je te recommande vivement, ainsi qu’à tes lecteurs. C’est un des seuls groupes qui m’ait fait pleurer à un concert.
Tu es décidément plein de surprises : tu as enregistré un Mini CD composé de reprises de génériques de dessins animés dont certains sont des productions françaises… J’ai du mal à croire qu’elles aient réussi à s’expatrier jusqu’en Australie.
Et pourtant ! Avant de les connaître, ma référence était Robostory. Imagine alors la révolution quand Les Mondes Engloutis, Ulysse 31 ou M.A.S.K. sont arrivés ! Ce qui était diffusé à l’époque était vraiment formaté pour le grand public. Moi, je regardais des programmes assez obscurs pour les jeunes, j’avais envie d’autre chose. Et quand ces perles ont débarqué à la fin des années quatre-vingt, j’ai été exaucé ! J’ai alors décidé de rendre hommage à ces merveilles. La bande-son de ces programmes était vraiment incroyable, notamment celle d’Ulysse 31 qui était très progressive ! Aujourd’hui, il est douloureux pour moi de m’y replonger (Rires).
De ton point de vue, comment se porte la scène progressive australienne ? Certains groupes comme The Butterfly Effect, Dead Letter Circus ou Karnivool ont réussi à se hisser au niveau des icones de la scène rock mainstream nationale, comme The Living End ou The Baby Animals tout en haussant le niveau de qualité établi par des groupes plus « anciens » comme Men At Work ou Midnight Oil.
Les trois que tu as cités peuvent être qualifiés de fers de lance de la scène progressive australienne. Ils essaient vraiment de tirer le genre vers le haut et de l’exposer au grand public. Tu as raison, quand tu dis qu’ils sont – bien que de styles complètement différents – de qualité égale. Mais il ne faut pas se limiter à ces trois formations, ce serait vraiment réducteur. Il y en a d’autres non signés, très intéressants, comme Arcane, de Brisbane, auteur l’an dernier d’un album concept. Il se passe des choses ici, la scène est active. Et puisqu’on parle de Brisbane, on y trouve un fort vivier de formations progressives pétries de talent. Beaucoup sont représentées sur le site ozprog.com qui est une communauté en ligne. Andrew Saltmarsh y est très présent. J’ai cité Arcane, je pourrais citer aussi Dead Letter Opener, Quandary, … le mouvement semble plus fort que jamais et c’est tant mieux !
Toutefois, malgré cette montée en puissance, cette scène reste-t-elle confidentielle comparée aux artistes de country music, genre beaucoup apprécié par un grand nombre d’Australiens ?
C’est vrai que tout cela semble encore assez nébuleux. Personne ne peut dire si ce genre égalera un jour le marché de la country et devenir une musique que l’on écoute tous les jours dans la voiture. Je pense que le rock progressif touche un auditeur passionné, en recherche constante d’authenticité et d’intégrité artistique.
Quel est l’avenir de ToeHider ? Travailles-tu sur des nouveaux titres ?
Oui, c’est en cours. L’album devrait être fini, si tout va bien, en septembre prochain (NDLR : Interview réalisée en mars 2011, l’album, nommé To Hide Her est sorti il y a peu et fera l’objet d’une chronique à venir). Je pars cette fois-ci sur un format conventionnel. Entre temps Lachlan aura terminé son projet d’album de reprises de thèmes pour jeux vidéos. C’est un vrai geek et ce dossier est en chantier. Je vous remercie pour cet entretien et je vous serai reconnaissant si des fans français s’intéressaient à ToeHider, que ce soit de près ou de loin.