Frost* – De retour en orbite
S’il y a un retour plaisant en 2016, c’est bien celui de Frost*. Après le génial Experiments In Mass Appeal, Jem Godfrey annonçait la mise en sommeil du groupe. L’hibernation est aujourd’hui terminée. Le talentueux Anglais n’a pas attendu le dégel et est de retour avec son acolyte John Mitchell ainsi qu’une nouvelle section rythmique. Et l’album a beau s’appeler Falling Satellites, on vous le dit : Frost* est de nouveau sur orbite.
Chromatique : Afin de commencer cette interview dans les meilleures conditions, je vais te poser la même question qui t’a été posée soixante-trois fois aujourd’hui (Sourire). Que s’est-il passé tout le temps qu’a duré ce hiatus ?
Jem Godfrey : Oui je me doute que je n’allais pas y échapper. Bon, j’ai quatre enfants et forcément, ça prend du temps, tu l’imagines. Beaucoup de temps. De ce fait, Frost* a été mis en sommeil. Parallèlement à ça, j’ai monté quelques affaires dans la musique. Etre un compositeur ne paie plus aussi bien, par conséquent il faut innover et avec quatre enfants, il m’a fallu beaucoup innover. J’ai bien essayé à un moment de réactiver Frost* mais in fine le temps me manquait. Maintenant mes enfants sont grands et assez autonomes et mes affaires marchent bien. J’ai pu, l’an dernier, me dégager du temps. J’ai commencé à écrire, à écrire, et vint un moment où je me suis dit : « Hey, mais j’ai de quoi faire un album, là ! ». J’ai volontairement gardé le silence sur le sujet. J’ai contacté mes complices et ils m’ont dit :« Allons-y ! ». J’ai fini d’écrire l’album en septembre 2015, dont deux titres co-écrits avec John (Mitchell). Il nous a fallu deux weekends pour mettre la batterie en boîte à Londres dans un très bon studio. Pour le reste John a enregistré les guitares dans son studio. Idem pour Nathan (King). Il faut savoir que nous sommes éloignés géographiquement parlant. C’est donc assez difficile de faire tout ça ensemble.
As-tu pensé à un moment à la fin du groupe ?
Oui. J’y ai pensé mais j’ai pris, selon moi, la sage décision de ne rien rendre officiel. Et je dois dire que John est assez bon sur le sujet. Regarde Kino. Kino n’a jamais officiellement splitté. Si, pour une raison ou une autre, ce n’est pas le bon moment pour ce projet, qu’il en soit ainsi, je ne vais pas tout mettre à la poubelle dans le feu de l’action. Sur ce point, je pense avoir mérité mes galons de Jedi (Rires).
Tout de même, les réactions plus qu’enthousiastes des fans ont dû te surprendre.
Ah oui, ça pour me surprendre, ça m’a bien surpris ! Limite j’aurais pu dire« Hé, nous sommes Frost*, on est de retour, ha ha ! ». Mais bon, Frost*, ce sont quatre personnes les plus simples du monde qui font de la musique, rien de plus. Mais je suis flatté, très flatté du retour et de l’engouement des fans.
Parlons de l’arrivée de Craig Blundell. Je sais, de son propre aveu, que c’est un vrai geek avec les samples, boucles et séquences . Est-ce que son jeu et son amour pour les sons électroniques ont eu un impact sur l’écriture de Falling Satellites ? La question se pose par exemple à l’écoute de « Towerblock ». J’ai presque envie de te demander si vous allez pousser le vice à la jouer sur scène.
Hé hé ! Probablement pas. En fait, je me rends compte qu’il y a, sur chacun de nos disques, un titre à propos duquel on dit :« C’est sûr, celui-là, on ne le jouera pas sur scène ! » C’est l’un de ces titres où l’on s’est amusé avec Pro Tools, où l’on a jeté dedans presque tout ce qui nous passait par la tête. On était là, à se dire « Allons-y ! Encore ! Encore ! ». En vérité, on pourrait vraiment la jouer en concert. Mais dans ce cas-là, ce serait plus un duo entre Craig et moi, pendant que John et Nathan se regarderaient sans doute en chiens de faïence. Pour ce qui est de la question de l’influence de son jeu sur l’écriture : oui, absolument. Craig est assez… comment dirais-je ?… visionnaire quant à l’incorporation des samples, boucles et autres éléments électroniques. A l’inverse, John est très ancienne école. Tous ces gadgets lui filent la migraine (Rires). Ce que je retiens de Craig c’est son enthousiasme et son envie d’expérimenter. Et équipé de tous ces jouets, je dirais que c’est mon deuxième claviériste.
Comment approche t-on les arrangements dans Frost* ? Je sais que tu fournis quasiment tous les titres. Est-ce que tu as déjà une idée bien précise de ce que tu veux ou, a contrario laisses-tu une marge de manœuvre à tes collègues ?
Quand je maquette les démos, j’ai habituellement une approche simple. Je dresse un canevas grossier des titres. Je pense que si tu entendais les démos de cet album, tu te demanderais de quel titre il s’agit, surtout avec le clic de Pro Tools et des espaces de vocalises dignes de Chewbacca (Rires) ! Quand je les soumets aux copains, ils ont une manière… on va dire qu’ils sont polis et diplomatiques :« Oui… mmmmm… et bien… euh, comment dire ! »… Il faut savoir que je suis aussi un piètre guitariste. Quand je montre à John les idées que j’ai, il prend sa guitare et là, ça y est. La première flamme est allumée, si je puis dire. Au fil des disques il y a une forme d’alchimie qui s’est développée entre nous.
Dans la continuité du sujet, envisages-tu d’ouvrir la porte aux collaborations, à l’avenir ?
C’est déjà le cas. John et moi avons co-écrit deux titres ensemble, en l’occurrence « Heartstrings » et « Signs ». Ce n’est un secret pour personne : John est un excellent auteur, compositeur et arrangeur. J’ai apprécié de collaborer avec lui. « Heartstrings » en est un bon exemple : j’avais l’un des riffs et lui est venu avec le sien. Imagine le sourire sur mon visage ! Ce qu’il a apporté à ce titre, je n’aurais pu l’apporter moi-même. Donc, c’est certain, on va de nouveau collaborer ensemble, malgré la géographie :on vit à deux heures et demi l’un de l’autre. Quand ? Là est la question, sachant qu’on est pas mal occupé chacun de notre coté.
Les titres épiques ont toujours plus ou moins fait partie de l’histoire de Frost*. Par le passé, il y avait des titres de vingt-cinq minutes. Là, on a une succession de titres qui s’enchaînent. Es-tu resté attaché au format long ?
J’aime le format long. Tu peux raconter une histoire dans sa totalité du moins sur le plan instrumental. C’est une bonne excuse pour pouvoir faire passer un maximum d’idées sur lesquelles tu poses quelques paroles. Un autre bon exemple de ma théorie ? Le jazz. Tu peux partir d’une idée, broder autour et totalement en dévier avant de revenir au point de départ. Les titres plus courts sont tout aussi intéressants car ils t’obligent à condenser tes idées. Ainsi « Nice Day For It » fait un clin d’œil à « Heartstrings » et « Closer To The Sun » reprend des thèmes de « Nice Day For It ». Donc on parvient, petit à petit, à quelque chose d’intéressant. Même si j’ai avoué aimer les longs titres, je préfère les morceaux plus courts même si j’ai adoré écrire des compositions comme « Milliontown » ou « The Dividing Line » et un autre morceau qui s’appelle « Sunlight ». Imagine un peu : si on doit jouer ces morceaux en concert, rien que ces trois-là suffissent à bousiller notre set. C’est sympa les titres de vingt-cinq minutes mais les jouer sur scène au détriment d’autres plus directs et plus concis n’est pas dans notre philosophie.
Parle-nous de la participation de Joe Satriani sur Falling Satellites. Cette apparition est due notamment à ta présence sur l’une de ses précédentes tournées. Que représente cette collaboration pour toi ?
Ce qui a été sympa sur cette invitation, ce fut vraiment sa présence. Joe est souvent sollicité pour apparaître sur tel ou tel disque, mais force est de constater que ce n’est pas trop sa tasse de thé. Il est très, très sélectif sur le sujet. Je pense qu’il a accepté car c’était différent de ce pour quoi il est régulièrement contacté. Si cela avait été du heavy metal, je suis certain qu’il aurait décliné l’invitation. Je pense qu’il a été séduit par les claviers et le coté electro de Frost*. Je pense que les fans vont être surpris par sa contribution. Déjà qu’il y a, toutes proportions gardées, peu de guitares, là, les gens vont se dire : « Hé, mais il y a de la guitare ! Hé, mais c’est Joe Satriani ! ».
Est-ce que son album Engines Of Creation, aux forts relents electro peut avoir eu une quelconque influence sur toi ?
Je ne sais pas. Je ne pense pas que Falling Satellites fut influencé par ce disque. Autrement, j’aurais pu demander à Adrian Belew qui est souvent contacté de tous les cotés. Comme je disais, Joe est assez discret quand il s’agit de collaborer. Il n’a que son groupe et Chickenfoot. Il m’a fallu du temps pour réaliser que Satriani joue sur un album de Frost* (Rires) ! Au delà de ça, c’est un gars charmant et je suis heureux de voir qu’il a saisi l’essence réelle de Frost*. C’est également un anglophile, il a un sens de l’humour très britannique.
Est-ce qu’il reste du matériel qui n’a pas fini sur Falling Satellites ?
Oui, nous n’avions pas assez de chansons pour mettre en boite un double album et trop pour enregistrer un simple. On a, à peu près, six titres qui devraient en théorie faire l’objet d’un EP. Ou bien ils devraient sans doute être complétés par d’autres nouveautés. A suivre.
Vous allez prochainement tourner, principalement au Royaume-Uni.
Effectivement. On privilégie Albion cette fois-ci, à cause du planning de Craig qui commence à être sacrément chargé. L’idée pour l’an prochain est la suivante : tout sauf le Royaume-Uni. On voudrait sillonner l’Europe et pourquoi pas les Etats-Unis et le Japon où l’album va être distribué pour la première fois. Pour l’Europe, je m’en excuse mais c’est un malheureux concours de circonstances. On adorerait jouer en France, ce serait une vraie première pour nous. Donc nous allons voir ce que nous pouvons faire pour que cela se fasse.
Comment juges-tu l’évolution du paysage musical progressif sur ces dix dernières années ? En Angleterre, par exemple, les noms qui viennent à l’esprit sont Arena, Threshold, Porcupine Tree, Pallas, Mostly Autumn, Amplifier… Est-ce que le progressif est remis au goût du jour ?
La tendance actuelle consiste à alourdir les morceaux, notamment descendre les guitares d’un ou plusieurs tons, ce dont je ne suis pas très friand car c’est fait au détriment de la mélodie. Depuis quelques années Haken met de sacrées baffes et ce n’est pas avec Affinity que ça va s’arrêter. Sans être influencé par Steven Wilson, je trouve que ce qu’il fait est très brillant. Il parvient à ramener du prog dans le paysage mainstream. Jusqu’ici peu l’avaient fait. Pour moi, sa musique est accessible à tout le monde, mais il y a un coté obscur qui peut en rebuter certains. Le fait aussi qu’il ait remixé récemment les albums de Tears For Fears bien connus du grand public contribue à générer de l’intérêt de la part du grand public, car cela prouve que les gens apprécient encore les « songwriters ». A coté, il y a aussi l’impact d’un media comme Spotify, auquel je n’adhère pas forcément, qui permet aux gens de ne plus se cantonner à un seul style de musique. Moi-même je ne me limite pas qu’à une seule mouvance artistique. J’aimerais faire quelque chose dans le style electro. Mais attention, hein, pas dans le style misérable de David Guetta (Rires) ! Non, je me vois plus à triturer et expérimenter les sons. En vérité, j’ai grandi avec les musiques électroniques, je suis un grand fan de Dépêche Mode. J’ai toujours aimé les synthétiseurs.
(questions de Florent Canepa).
S’il y a un retour plaisant en 2016, c’est bien celui de Frost*. Après le génial Experiments In Mass Appeal, Jem Godfrey annonçait la mise en sommeil du groupe. L’hibernation est aujourd’hui terminée. Le talentueux Anglais n’a pas attendu le dégel et est de retour avec son acolyte John Mitchell ainsi qu’une nouvelle section rythmique. Et l’album a beau s’appeler Falling Satellites, on vous le dit : Frost* est de nouveau sur orbite.
Chromatique : Afin de commencer cette interview dans les meilleures conditions, je vais te poser la même question qui t’a été posée soixante-trois fois aujourd’hui (Sourire). Que s’est-il passé tout le temps qu’a duré ce hiatus ?
Jem Godfrey : Oui je me doute que je n’allais pas y échapper. Bon, j’ai quatre enfants et forcément, ça prend du temps, tu l’imagines. Beaucoup de temps. De ce fait, Frost* a été mis en sommeil. Parallèlement à ça, j’ai monté quelques affaires dans la musique. Etre un compositeur ne paie plus aussi bien, par conséquent il faut innover et avec quatre enfants, il m’a fallu beaucoup innover. J’ai bien essayé à un moment de réactiver Frost* mais in fine le temps me manquait. Maintenant mes enfants sont grands et assez autonomes et mes affaires marchent bien. J’ai pu, l’an dernier, me dégager du temps. J’ai commencé à écrire, à écrire, et vint un moment où je me suis dit : « Hey, mais j’ai de quoi faire un album, là ! ». J’ai volontairement gardé le silence sur le sujet. J’ai contacté mes complices et ils m’ont dit :« Allons-y ! ». J’ai fini d’écrire l’album en septembre 2015, dont deux titres co-écrits avec John (Mitchell). Il nous a fallu deux weekends pour mettre la batterie en boîte à Londres dans un très bon studio. Pour le reste John a enregistré les guitares dans son studio. Idem pour Nathan (King). Il faut savoir que nous sommes éloignés géographiquement parlant. C’est donc assez difficile de faire tout ça ensemble.
As-tu pensé à un moment à la fin du groupe ?
Oui. J’y ai pensé mais j’ai pris, selon moi, la sage décision de ne rien rendre officiel. Et je dois dire que John est assez bon sur le sujet. Regarde Kino. Kino n’a jamais officiellement splitté. Si, pour une raison ou une autre, ce n’est pas le bon moment pour ce projet, qu’il en soit ainsi, je ne vais pas tout mettre à la poubelle dans le feu de l’action. Sur ce point, je pense avoir mérité mes galons de Jedi (Rires).
Tout de même, les réactions plus qu’enthousiastes des fans ont dû te surprendre.
Ah oui, ça pour me surprendre, ça m’a bien surpris ! Limite j’aurais pu dire« Hé, nous sommes Frost*, on est de retour, ha ha ! ». Mais bon, Frost*, ce sont quatre personnes les plus simples du monde qui font de la musique, rien de plus. Mais je suis flatté, très flatté du retour et de l’engouement des fans.
Parlons de l’arrivée de Craig Blundell. Je sais, de son propre aveu, que c’est un vrai geek avec les samples, boucles et séquences . Est-ce que son jeu et son amour pour les sons électroniques ont eu un impact sur l’écriture de Falling Satellites ? La question se pose par exemple à l’écoute de « Towerblock ». J’ai presque envie de te demander si vous allez pousser le vice à la jouer sur scène.
Hé hé ! Probablement pas. En fait, je me rends compte qu’il y a, sur chacun de nos disques, un titre à propos duquel on dit :« C’est sûr, celui-là, on ne le jouera pas sur scène ! » C’est l’un de ces titres où l’on s’est amusé avec Pro Tools, où l’on a jeté dedans presque tout ce qui nous passait par la tête. On était là, à se dire « Allons-y ! Encore ! Encore ! ». En vérité, on pourrait vraiment la jouer en concert. Mais dans ce cas-là, ce serait plus un duo entre Craig et moi, pendant que John et Nathan se regarderaient sans doute en chiens de faïence. Pour ce qui est de la question de l’influence de son jeu sur l’écriture : oui, absolument. Craig est assez… comment dirais-je ?… visionnaire quant à l’incorporation des samples, boucles et autres éléments électroniques. A l’inverse, John est très ancienne école. Tous ces gadgets lui filent la migraine (Rires). Ce que je retiens de Craig c’est son enthousiasme et son envie d’expérimenter. Et équipé de tous ces jouets, je dirais que c’est mon deuxième claviériste.
Comment approche t-on les arrangements dans Frost* ? Je sais que tu fournis quasiment tous les titres. Est-ce que tu as déjà une idée bien précise de ce que tu veux ou, a contrario laisses-tu une marge de manœuvre à tes collègues ?
Quand je maquette les démos, j’ai habituellement une approche simple. Je dresse un canevas grossier des titres. Je pense que si tu entendais les démos de cet album, tu te demanderais de quel titre il s’agit, surtout avec le clic de Pro Tools et des espaces de vocalises dignes de Chewbacca (Rires) ! Quand je les soumets aux copains, ils ont une manière… on va dire qu’ils sont polis et diplomatiques :« Oui… mmmmm… et bien… euh, comment dire ! »… Il faut savoir que je suis aussi un piètre guitariste. Quand je montre à John les idées que j’ai, il prend sa guitare et là, ça y est. La première flamme est allumée, si je puis dire. Au fil des disques il y a une forme d’alchimie qui s’est développée entre nous.
Dans la continuité du sujet, envisages-tu d’ouvrir la porte aux collaborations, à l’avenir ?
C’est déjà le cas. John et moi avons co-écrit deux titres ensemble, en l’occurrence « Heartstrings » et « Signs ». Ce n’est un secret pour personne : John est un excellent auteur, compositeur et arrangeur. J’ai apprécié de collaborer avec lui. « Heartstrings » en est un bon exemple : j’avais l’un des riffs et lui est venu avec le sien. Imagine le sourire sur mon visage ! Ce qu’il a apporté à ce titre, je n’aurais pu l’apporter moi-même. Donc, c’est certain, on va de nouveau collaborer ensemble, malgré la géographie :on vit à deux heures et demi l’un de l’autre. Quand ? Là est la question, sachant qu’on est pas mal occupé chacun de notre coté.
Les titres épiques ont toujours plus ou moins fait partie de l’histoire de Frost*. Par le passé, il y avait des titres de vingt-cinq minutes. Là, on a une succession de titres qui s’enchaînent. Es-tu resté attaché au format long ?
J’aime le format long. Tu peux raconter une histoire dans sa totalité du moins sur le plan instrumental. C’est une bonne excuse pour pouvoir faire passer un maximum d’idées sur lesquelles tu poses quelques paroles. Un autre bon exemple de ma théorie ? Le jazz. Tu peux partir d’une idée, broder autour et totalement en dévier avant de revenir au point de départ. Les titres plus courts sont tout aussi intéressants car ils t’obligent à condenser tes idées. Ainsi « Nice Day For It » fait un clin d’œil à « Heartstrings » et « Closer To The Sun » reprend des thèmes de « Nice Day For It ». Donc on parvient, petit à petit, à quelque chose d’intéressant. Même si j’ai avoué aimer les longs titres, je préfère les morceaux plus courts même si j’ai adoré écrire des compositions comme « Milliontown » ou « The Dividing Line » et un autre morceau qui s’appelle « Sunlight ». Imagine un peu : si on doit jouer ces morceaux en concert, rien que ces trois-là suffissent à bousiller notre set. C’est sympa les titres de vingt-cinq minutes mais les jouer sur scène au détriment d’autres plus directs et plus concis n’est pas dans notre philosophie.
Parle-nous de la participation de Joe Satriani sur Falling Satellites. Cette apparition est due notamment à ta présence sur l’une de ses précédentes tournées. Que représente cette collaboration pour toi ?
Ce qui a été sympa sur cette invitation, ce fut vraiment sa présence. Joe est souvent sollicité pour apparaître sur tel ou tel disque, mais force est de constater que ce n’est pas trop sa tasse de thé. Il est très, très sélectif sur le sujet. Je pense qu’il a accepté car c’était différent de ce pour quoi il est régulièrement contacté. Si cela avait été du heavy metal, je suis certain qu’il aurait décliné l’invitation. Je pense qu’il a été séduit par les claviers et le coté electro de Frost*. Je pense que les fans vont être surpris par sa contribution. Déjà qu’il y a, toutes proportions gardées, peu de guitares, là, les gens vont se dire : « Hé, mais il y a de la guitare ! Hé, mais c’est Joe Satriani ! ».
Est-ce que son album Engines Of Creation, aux forts relents electro peut avoir eu une quelconque influence sur toi ?
Je ne sais pas. Je ne pense pas que Falling Satellites fut influencé par ce disque. Autrement, j’aurais pu demander à Adrian Belew qui est souvent contacté de tous les cotés. Comme je disais, Joe est assez discret quand il s’agit de collaborer. Il n’a que son groupe et Chickenfoot. Il m’a fallu du temps pour réaliser que Satriani joue sur un album de Frost* (Rires) ! Au delà de ça, c’est un gars charmant et je suis heureux de voir qu’il a saisi l’essence réelle de Frost*. C’est également un anglophile, il a un sens de l’humour très britannique.
Est-ce qu’il reste du matériel qui n’a pas fini sur Falling Satellites ?
Oui, nous n’avions pas assez de chansons pour mettre en boite un double album et trop pour enregistrer un simple. On a, à peu près, six titres qui devraient en théorie faire l’objet d’un EP. Ou bien ils devraient sans doute être complétés par d’autres nouveautés. A suivre.
Vous allez prochainement tourner, principalement au Royaume-Uni.
Effectivement. On privilégie Albion cette fois-ci, à cause du planning de Craig qui commence à être sacrément chargé. L’idée pour l’an prochain est la suivante : tout sauf le Royaume-Uni. On voudrait sillonner l’Europe et pourquoi pas les Etats-Unis et le Japon où l’album va être distribué pour la première fois. Pour l’Europe, je m’en excuse mais c’est un malheureux concours de circonstances. On adorerait jouer en France, ce serait une vraie première pour nous. Donc nous allons voir ce que nous pouvons faire pour que cela se fasse.
Comment juges-tu l’évolution du paysage musical progressif sur ces dix dernières années ? En Angleterre, par exemple, les noms qui viennent à l’esprit sont Arena, Threshold, Porcupine Tree, Pallas, Mostly Autumn, Amplifier… Est-ce que le progressif est remis au goût du jour ?
La tendance actuelle consiste à alourdir les morceaux, notamment descendre les guitares d’un ou plusieurs tons, ce dont je ne suis pas très friand car c’est fait au détriment de la mélodie. Depuis quelques années Haken met de sacrées baffes et ce n’est pas avec Affinity que ça va s’arrêter. Sans être influencé par Steven Wilson, je trouve que ce qu’il fait est très brillant. Il parvient à ramener du prog dans le paysage mainstream. Jusqu’ici peu l’avaient fait. Pour moi, sa musique est accessible à tout le monde, mais il y a un coté obscur qui peut en rebuter certains. Le fait aussi qu’il ait remixé récemment les albums de Tears For Fears bien connus du grand public contribue à générer de l’intérêt de la part du grand public, car cela prouve que les gens apprécient encore les « songwriters ». A coté, il y a aussi l’impact d’un media comme Spotify, auquel je n’adhère pas forcément, qui permet aux gens de ne plus se cantonner à un seul style de musique. Moi-même je ne me limite pas qu’à une seule mouvance artistique. J’aimerais faire quelque chose dans le style electro. Mais attention, hein, pas dans le style misérable de David Guetta (Rires) ! Non, je me vois plus à triturer et expérimenter les sons. En vérité, j’ai grandi avec les musiques électroniques, je suis un grand fan de Dépêche Mode. J’ai toujours aimé les synthétiseurs.
(questions de Florent Canepa).