Amplifier – Changement de méthode
Après un Octopus plébiscité par la critique, le (désormais) quatuor de Manchester propose un nouvel album bien plus calme et accessible : Echo Street. Cette nouvelle sortie, accompagnée d’une tournée qui passera par la France en mai est l’occasion ou jamais de faire le point avec Sel Balamir, chanteur, guitariste et tête pensante du groupe.
Chromatique : Entrons dans le vif du sujet. Ce nouvel album, Echo Street, est radicalement différent de son prédécesseur. Alors que nous nous attendions à quelque chose d’aussi lourd et monolithique, voilà que vous jouez la carte de la surprise avec un album particulièrement léger. On passe de la métaphysique à un ouvrage plus personnel et plus intime. Ce changement était planifié ? Qu’est ce qui vous a poussé à un tel changement d’humeur ?
Sel Balamir : Echo Street n’a été planifié d’aucune manière ! C’est l’opposé de The Octopus sur absolument tous les plans ! Ce dernier était complètement pré-conçu et prémédité, il nous a fallu quatre ans pour en venir à bout ! En comparaison, Echo Street a été produit en l’espace de deux mois, entre le moment où l’on s’est mis d’accord pour faire un nouvel album et le mastering final, en passant par l’écriture de tous les morceaux. Je pense qu’on peut dire que le seul aspect réellement intentionnel de l’écriture, c’était cette volonté d’être complètement différent de The Octopus. C’était une réelle nécessité de ne pas pouvoir comparer Echo Street avec son précedesseur. Faire un nouvel album trop semblable aurait été une très grave erreur !
Peux tu nous expliquer votre processus d’écriture et d’enregistrement sur Echo Street. Cette différence d’échelle de temps entre les deux albums a forcément dû avoir un certain impact…
Comme je l’ai dit, le processus n’a pris que quelques semaines ! Si nous avions été très méticuleux dans l’exécution de The Octopus, Echo Street est bien plus centré autour du moment de l’enregistrement. L’album est très organique et sonne de façon chaleureuse, car un certain nombre de parties ont été littéralement improvisées au moment de l’enregistrement. Quand nous sommes entrés en studio pour The Octopus, nous connaissions, à la note près, chaque partie et de quelle façon les morceaux s’enchâssaient les uns dans les autres. Cette fois, les morceaux n’étaient que des ébauches, avec le minimum d’information dont nous avions besoin pour enregistrer, par exemple que le morceau devait moduler à tel instant, qu’il devait être plus dynamique à tel autre, etc. Le reste a été improvisé ! De ce fait, les morceaux semblent très simples : le point n’est pas tant l’exécution que la célébration du groupe autour de l’enregistrement. C’est très différent comme approche !
Y a-t-il une histoire derrière Echo Street ? Un liant ? Une pieuvre cosmique ? Ou simplement une collection de morceaux indépendants ?
Il n’y a pas vraiment de narration sur l’album. Il faut plutôt le voir comme l’étude d’une sorte de sensation. C’est comme un souvenir brumeux que l’on a perdu dans un brouillard de neige dorée (sic). Il n’y a pas vraiment de paroles non plus. Je les ai écrites juste après avoir enregistré la structure des morceaux. Il n’y a pas vraiment de recherche. Il faut le voir comme une invocation des bonnes sensations que je voulais accrocher aux morceaux. Et puis, nous n’avons pas eu le temps de répéter, alors on a expérimenté. Matt et moi, nous avons écrit les morceaux principaux et fait en sorte qu’ils soient le plus complets possible, puis les autres ont été impliqués et ont ajouté ce qu’ils voulaient. J’aime beaucoup cette approche et je pense que nous l’explorerons encore à l’avenir, elle nous permet d’évoluer dans de nouvelles directions en termes d’écriture.
En 2011, lors de notre interview sur la tournée promo The Octopus tu avais l’air complètement blasé par l’industrie de la musique. À ce moment-là, Amplifier était l’ultime groupe de rock indépendant, financé par ses fans, et complètement détaché des labels. Les choses ont quelque peu changé depuis, puisque vous avez notamment signé un contrat avec Kscope. Comment avez vous été contactés ? Comment te sens-tu, de retour dans la boucle ?
Ça ne marche pas vraiment comme ça. Nous sommes toujours « l’ultime groupe de rock indépendant » ! Nous avons pu vendre à peu près 20 000 exemplaires de The Octopus par nous-mêmes. Mais c’est malheureusement impossible pour nous de vendre plus sans qu’une équipe spécialisée s’en charge, ce qui implique de devenir nous-mêmes un label. Alors, à mon sens, il vaut mieux embaucher des experts et leur laisser faire ces choses-là pour que nous puissions rester musiciens sans avoir à nous compliquer la vie. Après tout, on veut juste jouer de la musique, pas être un label. C’est donc une question de priorités et de stratégies. À part ça, on a toujours moyen de faire machine arrière et de se désengager. On conserve notre indépendance.
Parlons un peu de l’industrie maintenant. Que penses-tu des nouveaux modèles économiques qui surgissent tels que ceux de Bandcamp ? T’es-tu déjà imaginé abandonner complètement le support physique ? Penses-tu que les modèles actuels sont satisfaisants ou crois tu que le net devrait s’adapter pour mieux gérer les besoins de distribution sans pour autant piétiner les droits des artistes ?
Pour l’instant, nous vendons bien plus de copies physiques de notre musique que de versions digitales. Mais je pense que cela a plus à voir avec le type de public qui est le nôtre. Les gens qui achètent nos albums aiment les beaux objets, et le fait de pouvoir ranger l’album au sein d’une collection de disques souvent très importante. En dehors de ça, personne ne peut modeler Internet, c’est impossible, comme il est impossible de contrôler la main invisible du marché d’Adam Smith, car Internet est, au bout du compte, la somme d’une infinité de choix individuels, et est par essence chaotique !
Vous faites une apparition en France le 12 mai au Divan du Monde. La dernière fois que nous t’avions vu, tu exprimais ton désespoir quant au prix des billets de concerts en France. Qu’en penses tu désormais et que peux-tu nous dire de cette date ?
Je suis super heureux d’annoncer notre retour à Paris pour un show en tête d’affiche, le premier depuis 2007 ! Et justement, le prix des billets semble à peu près raisonnable cette fois, donc je suis content. Je crois d’ailleurs que c’est une salle très sympa !
Parlons un peu de votre avenir ! Quelle est la prochaine étape pour vous ? Encore beaucoup de changements ?
Notre prochain album, Mystoria, est presque terminé, un bon album, qui sera aussi différent d’Echo Street que ce dernier l’est de The Octopus. Bien plus rock’n’roll, enregistré d’une manière complètement différente, aussi ! On a aussi quelques EPs déjà prêts. Du coup, je pense que les douze prochains mois risquent d’être très chargés !
Un dernier mot pour les lecteurs de Chromatique ? J’espère que vous allez aimer Echo Street. C’est un très bon album ! Bon voyage mes amis ! [en français dans le texte]