Glen Møllen (Circus Maximus) – La preuve par Nine
Circus Maximus pourra se vanter d’avoir été l’un des groupes de la sphère metal progressive les plus attendus au tournant. Cinq ans après Isolate qui les a mis sur les rotules (tournée avec Symphony X dont un concert parisien mémorable, Prog Power US,…) les Norvégiens ont pris le temps de recharger leurs batteries et reviennent avec Nine, plus terre à terre, plus réaliste, plus humain. Chromatique a interrogé Glen Møllen, tout juste sorti du local de répétition, sur l’évolution de son groupe ainsi que sur son retour au premier plan.
Chromatique : Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec Isolate vous avez vu du pays entre la tournée avec Symphony X et le Prog Power US. J’allais oublier que Michael (Eriksen, chant) a assuré un bref intérim pour Kamelot. Toute cette période a été faste et à l’origine d’une presse favorable à Circus Maximus … qu’en retiens-tu ?
Glen Møllen : Ah, ces moments avec Symphony X ! Le concert parisien était le dernier de la tournée alors ils se sont lâchés : ils nous ont mis des préservatifs sur les micros, versé du tabasco sur celui de Michael (Rires) ! Bref, je te passe les détails ! Au début de la tournée, nous étions quelque peu rigides, mais au fur et à mesure, la machine s’est mise en place et tout a marché comme sur des roulettes. Les rouages étaient bien huilés, on était dans notre monde, comme des robots. C’est comme si on montait sur scène, que quelqu’un poussait le bouton Play : et c’est parti, on envoie la sauce, en se lâchant davantage ! Quand je regarde en arrière, je me dis que nous avons énormément appris. Ça ne se limite pas à l’évolution musicale mais est dû aussi au fait que nous sommes un peu plus âgés maintenant, peut-être moins « fou-fou », avec un peu plus de recul sur les choses. Je pense notamment au moment où nous avons sorti notre premier album : rien que cela suffisait à notre bonheur. Avoir un label qui souhaitait le distribuer, c’était la cerise sur le gâteau ! Cependant, l’aspect business nous échappait totalement. Avec Isolate nous avons beaucoup tourné et également pris conscience que notre noyau de fans était très solide. Jouer encore et encore, c’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver : non seulement on montait régulièrement sur scène, mais en amont de cela, on découvrait davantage de choses sur la face cachée du métier, notamment tout ce qui touche au côté business dont je parlais précédemment. Je pense par exemple à la logistique, la gestion du « merchandising » par rapport aux douanes etc., …
Est-il difficile de se remettre au boulot après une telle période ? Cinq ans, c’est long. Mike, Mats (Haugen, guitare) & Truls (Haugen, batterie) se sont investis entre-temps dans des side-projects. Penses-tu que le fait d’aller voir ailleurs puisse permettre de recharger les batteries d’une manière ou d’une autre ?
Je pense qu’il y a un côté bénéfique à aller voir ailleurs un temps. A chaque contexte correspond une approche différente. Parfois tu as besoin d’un break pour faire quelque chose de radicalement différent ou pour jouer avec d’autres personnes. L’aspect positif est que tu peux ramener quelques idées intéressantes pour ton groupe lors de ces escapades. Dans notre cas, la pause était nécessaire. Non pas que nous étions cramés, mais il fallait qu’on s’aère le corps et l’esprit. Alors ça dure un mois, puis deux et ensuite, tu as envie logiquement de remettre le couvert avec des textes, riffs ou mélodies que tu soumets à tes collègues ! Dans notre cas nous n’avons commencé à plancher sur les nouveaux titres qu’un an et demi après la tournée avec Symphony X. Certaines choses prennent du temps avant de se mettre en place, c’est quelque chose que nous avons également appris sur la route. Pour certaines personnes cela représente un laps de temps trop long et je le comprends. Mais pour nous c’était nécessaire.
Il semblerait que votre nouvel album était en tête sur les listes d’attente de nombreux fans de progressif. Cela doit quand même assez surprenant pour vous.
C’est quelque chose qu’on a effectivement ressenti. On a littéralement été bombardés d’e-mails, de messages sur Twitter, Facebook etc., …Tous les jours, nous recevions des textes du type : « Venez au Chili ! », « Un nouvel album, s’il vous plaît et vite ! », le tout avec quarante points d’exclamation en fin de message ! (Rires). Ils étaient fous ! Mais pour être francs, nous savions que Nine serait un disque qui ne laisserait pas les fans indifférents. Nous le trouvons en effet très bon.
Justement, parlons de Nine. Avez-vous changé votre approche par rapport aux précédents ? Ou, à l’inverse, partez-vous du principe qu’on ne change pas une formule qui gagne ?
Il y a une petite évolution, notamment concernant l’écriture. Mats a toujours apporté de nouvelles idées. En général, c’est lui qui est à l’origine de l’ossature générale des titres. Il s’occupe également de la pré-production, phase importante avant de rentrer en studio et habituellement on a notre mot à dire au moment d’arriver à cette étape. Dans le cas présent, nous n’avons pas changé grand chose car nous pensions qu’il n’y avait pas de modification majeure à faire. Les idées de Mats nous paraissaient tellement bonnes, pourquoi y toucher ? Bien sûr, au moment d’enregistrer nos parties, on apporte notre touche personnelle. Pour autant, on essaie de rester fidèle aux idées de base.
Contrairement à Isolate, Nine, n’est pas sous-tendu par un concept. Néanmoins, il aborde de fortes thématiques. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce sujet ?
A la différence de notre précédent disque, cette fois-ci, chaque titre a sa propre histoire. Sur Isolate nous avions effectivement imaginé un concept. Ici, la vie en général, est notre principale source d’inspiration. Je pense que nos textes sont bien plus matures que par le passé car ils nous viennent de nos expériences personnelles. Cette manière d’écrire est en train de devenir naturelle au fil du temps. The 1st Chapter était en grande partie basé sur des fictions. Avec les années qui passent, les textes prennent beaucoup plus d’importance à nos yeux.
Il y a un certain paradoxe concernant Isolate : c’est un disque assez sombre avec une production brillante et claire. On ne peut pas dire que ce soit le cas sur Nine. On s’enfonce un peu plus encore dans les ténèbres, si je puis dire. « Reach Within » a planté le décor en ce sens. Doit-on penser que vous avez voulu mettre l’accent plus sur les ambiances que sur votre aisance technique et instrumentale ?
Je pense que ça collait tout simplement aux titres. On est parti du principe que ça surchargerait les chansons de rajouter encore et encore des plans qui partent dans tous les sens… Le travail sur la mélodie a toujours été notre priorité et il prend tout son sens ici. Même si elles sont moins flagrantes, il subsiste encore quelques subtilités difficiles à dénicher. Nine est un disque plus centré sur les riffs, les mélodies et moins « tape à l’œil ». Je pense en particulier au chant de Mike. Il est bien plus aéré et plus posé que par le passé et le mixage de l’album a eu un rôle important. La tendance aujourd’hui est de compresser à fond les instruments. Nous avons choisi de tenter autre chose plutôt que de suivre ce mouvement, et je pense qu’on a fait le bon choix. Christer (l’ingé son) nous a fait progresser à pas de géants !
Tu as écrit les paroles de « Burn After Reading ». Est-ce un clin d’œil au film culte des frères Cohen ?
Ce sont au contraire des paroles très personnelles. Beaucoup de choses sont arrivées dans nos vies après Isolate. Certains d’entre nous ont eu des enfants, j’ai divorcé. Donc tu vois, beaucoup d’expériences vécues peuvent être à l’origine de telles paroles. En ce qui me concerne, à ce jour, ce sont les textes plus personnels que j’aie pu écrire.
Le fait d’être pompier et de voir certaines choses dans ce métier t’influence-t-il d’une quelconque manière au sein de Circus Maximus ?
J’ai toujours couché sur papier les idées qui ont pu me passer par la tête. Mon métier me permet de voir beaucoup de choses. Les attentats de Juillet 2011 ont bouleversé nos vies. Evidemment, cette tragédie continuera à avoir un impact sur moi à plus long terme. Sous quelle forme ? Je ne le sais pas encore. J’adore mon boulot, je suis dans une équipe du tonnerre. Pour l’anecdote (sic), la caserne à laquelle je suis affecté n’est qu’à une soixantaine de mètres du lieu de l’explosion survenue à Regjeringskvartalet, le quartier gouvernemental de la ville d’Oslo. Dieu merci, aucun de mes équipiers n’a été touché malgré les débris de voiture qui ont traversé les fenêtres de notre bâtiment ! Nous sommes ravis d’en être tous sortis indemnes, mais pensons aux gens disparus lors de cet acte terroriste. J’espère qu’Anders Behring Breivik aura ce qu’il mérite (Ndlr : une polémique bat son plein en Norvège sur le rapport psychiatrique déclarant Breivik non responsable de ses actes empêchant ainsi tout séjour en prison).
On a mentionné « Reach Within » mais il y a fort à parier que « I Am » deviendra un incontournable lors de vos concerts. Il fait partie de ces titres de votre répertoire qui possèdent des refrains plus qu’accrocheurs. A quels groupes doit-on ce gimmick, récurent certes, mais néanmoins pas désagréable ?
Nous avons toujours été fans des groupes de rock des années quatre-vingts, surtout Michael qui adore Def Leppard, pour n’en citer qu’un. C’est vrai que dans la catégorie incontournable, « Arrival Of Love » est en très bonne place (Rires). Tout le monde veut que nous la jouions sur scène, ce qui n’est pas pour me déplaire personnellement, car j’adore ce titre et les retours du public sont toujours au delà nos attentes ! J’espère qu’il en sera de même pour les nouveaux morceaux, en particulier ceux qui possèdent ces refrains pop et accrocheurs. Cela peut être un nouveau moyen pour nous de glaner quelques nouveaux fans qui, à la base, ne sont pas trop attirés par Circus Maximus. Pour « Reach Within », le choix s’est fait naturellement. Mais comme tu l’as dit, « I Am » est amené à devenir également un incontournable. Nous avions un pressentiment sur ce titre et quand il fut terminé nous savions que nous avions là une bombe !
Le refrain de « I Am » me fait penser à un mélange de Muse et de Coldplay… j’espère que tu ne le prends pas mal !
Non, non… (gêné). Ce sont des groupes que nous apprécions (Rires)… Je pense que les gens apprécieront davantage « I Am » en concert car c’est typiquement le genre de titre à être encore plus puissant que sur disque.
Disposez-vous de matériel inédit ou inachevé issu des sessions de Nine
Je crois qu’il y a quatre ou cinq titres pour lesquels nous avons déjà la batterie en boite. Disons qu’on a déjà 50-60 pour cents de matériel de prêt pour la suite. Je tiens à rassurer tes lecteurs : on ne mettra pas cinq ans à le sortir ! Le fait d’avoir tourné – toutes proportions gardées – de manière intensive pour Isolate a pesé dans la balance, mais cela ne doit pas servir d’excuse pour autant. Nous en avons parlé entre nous et nous sommes d’accord sur le fait de ne pas prendre autant de temps entre deux albums.
Les retours semblent être positifs…
Oui, les gens sont vraiment enthousiastes il n’y a qu’à voir sur Facebook, nous-mêmes sommes les premiers surpris. Il n’y a qu’un journaliste suédois qui n’ait pas apprécié le disque. Bon, il est suédois, personne n’est parfait (Rires). Mais ce n’est un secret pour personne : tu ne peux pas plaire à tout le monde ! Il y a des gens qui ne veulent entendre qu’une chose : le même genre de musique, et je pense que ce journaliste en fait partie… Nous, nous sommes du style à varier les plaisirs.
Justement, qu’écoutais-tu pendant les enregistrements ?
J’ai forcément un pied dans les musiques progressives, donc de temps à autres je ressors mes vieux albums de la période dorée de Queensrÿche. Je n’ai pas de limites je peux passer à Slipknot ou Pantera sans problème ! Ces dernières années, j’ai beaucoup écouté Audioslave, Rage Against The Machine et plus récemment Nickelback. Je ne saurais dire pourquoi, mais j’aime ! Alors, oui, je sais qu’ils se font descendre mais bon sang, c’est un vrai groupe de scène avec un chanteur de folie !
On sait que Circus Maximus sera tête d’affiche au prochain Prog Power Europe. Peut-on espérer vous revoir en France ?
Je l’espère ! Nous avons quelques projets de tournée : d’abord faire une dizaine de dates en Norvège avant d’attaquer le Prog Power. Ensuite nous devrions donner quelques concerts à travers l’Italie, la Suisse et l’Allemagne. C’est seulement aux alentours de novembre que nous devrions faire notre vraie tournée européenne. et j’espère vivement que nous reviendrons à Paris, j’ai gardé des souvenirs de dingues de notre passage avec Symphony X !
Avec un album en plus, votre répertoire s’étoffe. Il devient difficile d’établir une setlist. Y a t-il des titres que tu as envie de jouer sur scène ? Et d’autres que vous devez impérativement jouer pour votre public ?
J’ai mentionné « Arrival Of Love »précédemment. « Abyss » est également un incontournable pour les fans car il est assez équilibré entre énergie et harmonies vocales. Je pense qu’on peut rajouter « Ultimate Sacrifice » et « Alive » de The 1st Chapter.
Le mot de la fin ?
J’ose espérer que pour tes lecteurs, l’attente en valait la peine. Nous sommes fiers de ce disque. J’espère vraiment que nous reviendrons en France. Pour ma part, j’ai gardé des souvenirs de dingues de notre passage avec Symphony X ! Merci encore pour votre soutien et à bientôt.