Akron/Family – Akron/Family
Origine : Etats-Unis
Style : melting pot indépendant
Formé en : 2002
Composition :
Seth Olinsky – chant et guitare
Dana Janssen – chant et batterie
Miles Seaton – chant et basse
Dernier album : Set’ em Wild, Set’em Free(2009)
Akron/Family a perdu un de ses membres fondateurs mais n’a pas pour autant ralenti sa production musicale ni sa soif de rencontrer son public. Au milieu d’une grande tournée, nous avons eu l’honneur de rencontrer Dana Janssen pour faire le point sur l’évolution de ce groupe atypique, résolument actuel, qui se soumet et se nourrit de toutes les cultures qu’il rencontre.
Progressia : Peux-tu présenter Akron/Family ?
Dana Janssen : Nous avons monté le groupe en 2002 à New York dans le but de proposer de la musique world psychédélique. Il m’est difficile de la décrire davantage ou de la catégoriser plus précisément. Disons que ça va de l’afro-beat au hip-hop en passant par la folk et le rock, notre champ d’action reste donc très large. Notre parcours reste plutôt classique, nous sommes en outre un trio de personnes plutôt bien élevées (rires) qui a enregistré ses premières démos dans son loft à Brooklyn. Nous avons enregistré le plus de matériel possible afin de nous permettre de bénéficier d’un large répertoire pour la scène. A cette époque, j’avais de nombreuses démos, environ une cinquantaine, que j’ai expédiées à des labels susceptibles d’être intéressés. Je n’ai eu que deux réponses en retour et c’est surtout lors de nos prestations scéniques que nous avons réussi à convaincre les responsables de nous permettre d’entrer en studio.
Penses-tu que la perception d’un groupe est meilleure sur scène qu’en studio ?
Cest sur scène que nous nous exprimons le mieux. L’essence même de notre groupe repose sur les concerts. Lors de nos prestations, nous ne faisons que traduire le message suggéré en studio. L’effet n’est évidemment pas le même, notamment quand il est question de spontanéité, plus apparente en live. Ce sont deux langages différents. En studio, tout se fait de manière séparée et isolée. Nous ne sommes que trois avec l’ingénieur du son et nos idées. En public, une autre inconnue entre en ligne de compte, l’auditoire qui nous transmet son énergie, ce qui a forcément un impact. Imagine cette énergie multipliée par le nombre de personnes présentes dans la salle : c’est un carburant. Nous encourageons le public à chanter avec nous, à danser. On leur donne des shakers, on les invite sur scène et ils participent ainsi à la fête. C’est une forme de communion.
L’approche est intéressante car des scientifiques affirment que le premier son qu’on entend est le battement de coeur. C’est pourquoi les tribus africaines ont été les précurseurs de cette musique tribale rythmée et tout le monde peut la jouer.
Milford Graves [NdlR : batteur et percussionniste plutôt issu du free-jazz chroniqué dans nos pages] a réalisé une étude sur les rythmes cardiaques et développe une théorie dans laquelle il exprime le fait que le rythme des battements de coeur sont similaires à ceux employés dans les percussions africaines. Personnellement, je ne vois pas vraiment le lien mais il est vrai que les rythmes que tu joues à la main sont plus ou moins similaires à ceux du rythme cardiaque. J’ai toujours pensé que si les gens aimaient la dance music, c’est qu’il existe ces pulsations constantes et invariables, faciles à suivre. Cependant, quand j’ai lu cette étude, j’ai vite compris que c’était bien plus complexe que ça n’en avait l’air.
Parlons de tes collègues.
Seth est un compositeur vraiment prolifique. Miles possède un vrai talent pour ce qui entoure le son et possède surtout une bonne oreille musicale et il écrit également des textes intéressants. Ce sont plus des amis que des collègues. Seth et moi avons grandi ensemble en Pennsylvanie, tandis que Miles est originaire de Seattle. Ce n’est que suite à son emménagement à New York que nous nous sommes rencontrés.
Comment se passe actuellement votre tournée marathon ? Y a-t-il une différence entre les concerts donnés aux Etats-Unis et en Europe ? Le public français semble très réceptif à votre musique.
Tout se passe bien. Je n’ai pas l’impression que le public français réagisse différemment. Le concert de Barcelone était vraiment bon dernièrement, j’aime beaucoup cette ville, la salle était pleine. Nous sommes de retour en novembre, je m’attarderai sur cette question en temps voulu. Cela dit, chaque concert chez vous m’a laissé un excellent souvenir.
Votre musique est un mélange à la fois très réussi et consistant. Quelle est votre recette ?
Chacun est marqué par de multiples influences, le but est de ne pas frôler l’indigestion. J’écoute beaucoup de musique africaine. Je pense que nous avons trouvé une formule qui nous convient sur ce nouveau disque, alors que le précédent était dans une veine plus classique en terme de processus d’écriture. Nous avons davantage mis l’accent sur les arrangements et les textes, ce qui a renforcé notre cohésion.
Cette manière de procéder est-elle le résultat d’une expérience acquise en studio lors de vos précédents enregistrements ?
Absolument, il faut savoir qu’un des musiciens nous a quittés entre temps [NdlR : Ryan Vanderhoof] et que nous avons décidé de produire le disque nous-mêmes. Nos collaborations passées nous ont permis d’acquérir un certain savoir-faire. Le risque d’échec était toutefois plus grand, vu que nous étions livrés à nous-mêmes, mais paradoxalement, le sentiment d’être plus libres de nos mouvements s’est vraiment fait ressentir en studio où nous n’avions à pas de comptes à rendre.
N’avez-vous pas eu envie d’arrêter lorsque vous vous êtes retrouvés à trois ?
Nous avons rejoint un nouveau label à cette période là. C’était une forme de renaissance en fin de compte, je dois d’ailleurs saluer le travail de l’ingénieur du son et j’irais jusqu’à dire qu’il a co-produit le disque avec nous.
Penses-tu qu’il est important d’avoir un producteur ?
C’est toujours bien d’avoir une paire d’oreilles extérieure, un avis venant d’une personne qui ne fait pas partie du groupe. La plupart du temps, quand une formation s’autoproduit, elle refuse ce type d’intrusion. Or, Chris s’y est bien pris pour nous faire admettre que son aide pouvait nous être utile, notamment pour les prises de chant.
Il semble qu’il y ait un certain regain d’intérêt pour la musique folk aujourd’hui. Revendiques-tu une assimilation à ce courant ?
Il existe une influence folk mais pas suffisamment forte au point de le clamer haut et fort. Pour beaucoup, ce genre musical se résume à Bob Dylan et Joni Mitchell. Or, nous sommes loin de ce contexte. Cependant, le lien est peut-être établi à travers nos textes. Le poids des mots a toute son importance.
Quel est ton regard sur l’évolution de la musique ces vingt dernières années ?
Depuis l’avènement d’Internet, j’ai pu découvrir beaucoup de musique africaine, mais également originaire de Chine, d’autres pays d’Asie, du Mexique et du Canada entre autres. Une fois que l’on puise dans tous ces courants musicaux, un style propre émerge. Dans les années quatre-vingt-dix, on a vu apparaître beaucoup de jam bands : groovy, funky, éclectiques… Il m’est difficile de pouvoir résumer en peu de mots tel ou tel style musical.
Ta réponse est intéressante vu que nous traitons des musiques progressives. Nous pensons qu’elles sont au goût du jour, Internet facilite d’ailleurs leur diffusion. Il existe un grand nombre de groupes artistiquement inclassables et Akron/Family en fait partie. Quel est ton avis là à ce propos ?
C’est très intéressant, je ne me souviens pas comment a démarré le mouvement du rock progressif vu que je n’étais pas né (rires). Aujourd’hui, ce genre musical peut sans doute se résumer à des morceaux épiques tel que Yes sait les écrire mais la notion de musique progressive est plus difficile à définir globalement. On pourrait dire qu’elle est novatrice, différente. J’ose espérer que nous appartenons à ce paysage psychédélique et progressif. (rires)
Nous ne pouvons nous empêcher de penser à A Silver Mount Zion à l’écoute de votre musique.
C’est un véritable compliment, j’adore ces gars tout comme Godspeed You! Black Emperor qui était l’un des groupes phares à nos débuts.
Le drapeau américain en couverture de votre album est-il un clin d’oeil à Sly & the Family Stone ?
Tout à fait, on adore ce groupe. Nous avions demandé à une de nos amis de créer un drapeau psychédélique. Lorsqu’elle nous a présenté sa création, nous avons été impressionnés. Le fait de voir une telle image à une époque où le pouvoir se fait plus important et oppressant est un pied de nez non intentionnel et apolitique. L’Amérique ne se réduit pas qu’à un seul groupe de personnes puissantes, c’est bien plus que cela.
Le mélange musical tel qu’imaginé par Sly Stone semble être similaire au votre ?
C’est gratifiant d’entendre ça. Miles, en tant que bassiste, est très influencé par Sly Stone. Je suis très flatté.
Quels sont les artistes qui t’ont influencé et qui t’influencent le plus aujourd’hui ?
Je pense à des gens comme William Parker ou Hamid Drake [NdlR : contrebassiste et batteur d’influence free jazz] avec lequel nous avons d’ailleurs enregistré un disque. Ça a duré deux jours à raison de dix heures par jour en studio. C’était fabuleux. J’ai appris plus sur la musique en deux jours que toute ma vie entière, c’était incroyable.